Premier débat à l’Assemblée nationale sur le nouvel ordre mondial imposé par Trump et Poutine

Boris Vallaud, député Socialistes et apparentés et président du groupe Socialistes et apparentés à l’Assemblée nationale, le 03/03/2025 ©Assembléenationale

Il aura donc fallu 19 jours pour que la classe politique française réagisse à la mise en place d’un nouvel ordre mondial. Depuis l’échange téléphonique du 12 février entre Donald Trump et Vladimir Poutine, les principales figures de la représentation nationale sont aux abonnés absents. Certes, les événements s’enchaînent rapidement.

Mais on conviendra que le congrès des LR, celui des socialistes ou celui des écologistes pèsent peu au regard des équilibres planétaires. Et que les préparatifs d’une hypothétique présidentielle anticipée, que ce soit à la France insoumise ou au Rassemblement national, apparaissent dérisoires quand les chaînes info dissertent à l’envi sur la doctrine d’emploi de la force nucléaire. Bref, c’est peu dire que le débat de ce lundi était bienvenu.

Le réveil est cruel

Club de marchands, l’Europe découvre qu’elle est un nain militaire. Ses équipements sont conséquents, mais à l’exception de la France, elle est tributaire des États-Unis. Au lendemain de l’échec de la tentative américaine de racket sur l’Ukraine, la voilà confrontée à un scénario qu’elle n’avait jamais envisagé. Celui d’être en mesure d’assurer, seule, la sécurité de ses frontières.

Pour François Bayrou, il faut remonter à la deuxième guerre mondiale pour prendre la mesure de la situation.

Une situation historique qui est à nos yeux la plus grave, la plus déstabilisée, la plus dangereuse de toutes celles que notre pays et notre continent ont connues depuis la fin de la Seconde guerre mondiale.

François Bayrou, Premier ministre, le 03/03/2025

C’est sur les mots employés pour décrire la rencontre entre Trump et Zelensky que le Premier ministre a surpris. D’ordinaire, les chefs de gouvernement ménagent l’avenir. La diplomatie commande de laisser une porte entrouverte.

Vendredi soir, dans le Bureau ovale de la Maison blanche, s’est déroulé sous l’objectif des caméras du monde entier une scène sidérante marquée de brutalité, de volonté d’humiliation dont le but était de faire plier par la menace le président ukrainien Volodymyr Zelensky pour qu’il se rende aux exigences de ses agresseurs. Le tout résumé en une phrase devant les caméras de la planète : “Ou bien vous trouvez un accord avec Poutine, ou bien nous vous laissons tomber”.

Pour l’honneur de la responsabilité démocratique, pour l’honneur de l’Ukraine et j’ose le dire pour l’honneur de l’Europe, le président Zelensky n’a pas plié. Et je crois que nous pouvons lui en manifester de la reconnaissance.

François Bayrou, Premier ministre, le 03/03/2025

Pour le reste, François Bayrou s’est bien gardé d’entrer dans le détail des mesures que la France comptait mettre en place pour renforcer les armées européennes. En particulier, rien sur le grand emprunt européen ou le recours éventuel à l’épargne des français pour financer les dépenses militaires. Sans doute, parce qu’Emmanuel Macron lui-même n’a pas encore tranché.

Marine Le Pen fidèle à elle-même

Marine Le Pen a fait du Marine Le Pen. Après avoir rappelé que ni la Russie ni l’Ukraine ne pouvaient l’emporter militairement, elle a exposé sa solution.

Il faut, comme je le propose depuis maintenant trois ans, organiser une conférence sur la paix qui mette autour de la table les nations sans les instances supranationales comme l’OTAN ou l’Union européenne. Les nations qui ont un intérêt dans la stabilisation de la région. L’Ukraine et la Russie bien sûr, les Etats-Unis, la France, la Turquie et l’Allemagne, la Roumanie, la Hongrie, la Pologne, la Moldavie, la Lituanie, la Lettonie et l’Estonie, la Finlande, la Slovaquie, la République tchèque, la Suède, la Norvège, l’Italie et la Bulgarie. Cette liste n’est bien sûr pas exhaustive.

Marine Le Pen, députée RN et présidente du groupe RN à l’Assemblée nationale, le 03/03/2025

Oui, mais si les Russes ne veulent pas participer à la conférence en question, il se passe quoi ? On envoie des soldats ? A minima on ouvre la porte de l’OTAN ou de l’Union européenne à l’Ukraine ? N’y pensez pas.

Je considère que l’envoi de troupes françaises combattantes sur le sol ukrainien est une folie. Seule une éventuelle participation à une opération sous mandat casque bleu pourrait être envisageable.

Nous ne pouvons pas promettre à l’Ukraine une adhésion à l’OTAN alors que nous savons que cette option a été une justification à l’agression russe et est clairement rejetée aujourd’hui par les Etats-Unis. De même l’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne va incontestablement à l’encontre de nos intérêts. Cette adhésion coûterait des milliards d’euros à la France.

Marine Le Pen, députée RN et présidente du groupe RN à l’Assemblée nationale, le 03/03/2025

On l’a compris, le pacifisme du Rassemblement national ou rien, c’est la même chose. Ce que Boris Vallaud, le président du groupe socialiste n’a pas manqué de souligner.

Il y aura probablement encore jusque dans cet hémicycle des voix pour me contredire, des faux pacifistes prêts à une fausse paix et cherchant à l’agresseur russe des fausses excuses. Ils étaient les vrais complices de Poutine hier, ils sont aujourd’hui ceux de Trump. Les socialistes pour leur part ne seront jamais de ceux-là. Les vrais pacifistes savent que la guerre toujours détestable est parfois inévitable lorsque la démocratie et la liberté cèdent à l’ivresse nationaliste et aux dictatures.

Si nous ne pouvons plus compter sur l’Amérique, alors nous n’aurons d’autre choix que de compter sur nous-mêmes. Si l’Ukraine ne peut plus compter sur l’aide américaine, alors nous n’aurons pas d’autre choix que de nous substituer à elle. Nous sommes au pied du mur de notre sécurité collective. Les socialistes appellent de leurs vœux à un grand plan de redressement stratégique de l’Europe qui sera militaire autant qu’industriel. Nous souhaitons qu’un grand emprunt commun d’au moins 500 milliards vienne concrétiser cette ambition qui, seule, permettra de sauver la paix et la sécurité en Europe.

Boris Vallaud, député Socialistes et apparentés et président du groupe Socialistes et apparentés à l’Assemblée nationale, le 03/03/2025

Saisir les avoirs russes, un pactole de 250 milliards d’euros

Sur le fond, les socialistes sont peu ou prou en phase avec Emmanuel Macron. A cet emprunt de 500 milliards viendraient s’ajouter les avoirs russes gelés par l’Union européenne. Soit 250 milliards de plus.

Saisissons enfin les 200 milliards d’avoirs russes gelés dans nos banques et ne laissons plus la Russie, autorisée à faire transiter par nos ports le gaz liquéfié qui finance aujourd’hui son armée.

Boris Vallaud, député Socialistes et apparentés et président du groupe Socialistes et apparentés à l’Assemblée nationale, le 03/03/2025

Pour la petite histoire, l’administration Biden avait fait le forcing pour que les avoirs russes soient confisqués. L’Union européenne s’y est opposée, craignant de voir la confiance dans les établissements financiers être ébranlée.

La France insoumise, par la voix d’Aurélien Saintoul, n’a pas été moins saignante que François Bayrou sur l’entrevue Trump – Zelensky. Le contraire aurait été très étonnant.

Le droit international est menacé dans son principe même quand messieurs Trump et Vance décident de tirer avantage de la guerre d’agression de monsieur Poutine et veulent comme de vulgaires mafieux extorquer 500 milliards de minerais du sol ukrainien pour le grand avantage de leur ami propagandiste Elon Musk et ses semblables.

Aurélien Saintoul, député LFI, le 03/03/2025

Le macronisme, dans ses différentes déclinaisons gouvernementales, en a également pris pour son garde.

Vous n‘avez pas été capable de créer un lieu de discussion où les belligérants auraient pu se retrouver. Vous avez fini par croire vos propres slogans et vous imaginez qu’il pouvait y avoir une issue militaire au conflit.

Je ne dis rien de la sortie grotesque de monsieur Le Maire qui se faisait fort de mettre l’économie russe à genoux. De même quand certains s’exaltent à la vue du courage des Ukrainiens et sont prêts à disposer de la vie de nos soldats et s’exclament : “Il faut envoyer des troupes” comme ils joueraient avec des soldats de plombs, on est pris d’un singulier vertige.

Quand d’autres, enfin, avec désinvolture et un air entendu se rengorgent et affirment qu’on peut ouvrir la discussion sur un éventuel partage nucléaire, on se pince.

La France n’est pas une nation occidentale, elle est universelle. Elle est membre du Conseil de sécurité, elle doit refuser l’embrigadement, elle doit se donner les moyens d’agir pour la paix et offrir son amitié et sa coopération à tous ceux qui aspirent à faire reculer sur la planète les logiques de compétition et de prédation qui suscitent les guerres.

Aurélien Saintoul, député LFI, le 03/03/2025

Bon courage avec le Conseil de sécurité. Car la Russie est l’un des 5 membres qui peut opposer son veto à une décision. Autrement dit, l’ONU, dans cette guerre, est condamnée à l’impuissance. Ce débat n’aura pas fait bouger les lignes. Pour la simple et bonne raison qu’en la matière, le Premier ministre n’était pas le bon interlocuteur.

Les questions internationales sont du seul ressort du Président de la République. Et comme les déclarations de ce dernier sont souvent démenties dans les 24 heures, chacun s’est montré prudent. En la circonstance, ce n’est peut-être pas la meilleure façon de rassurer les Français. Ils aimeraient bien être certain qu’il y a un pilote dans l’avion. Et non un cascadeur.

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