Un léger remaniement pour tenir jusqu’aux élections européennes

Sébastien Chenu, député RN du Nord et vice-président de l’Assemblée nationale, à l’Assemblée nationale, le 20 juillet 2023. ©Purepolitique

La Première ministre s’apprête à dévoiler le contenu de son remaniement, jeudi 20 juillet. Tout ça pour ça. La montagne aura donc accouché d’une souris. Que dis-je, d’une fourmi ! Certes laborieuse, mais quand même.

On a un président omniscient, omniprésent, autosatisfait, qui ouvre la saison du melon, c’est-à-dire qu’il a la tête grosse comme ça et qui a décidé de changer le papier peint à la veille de l’été. Autrement dit, va nous proposer de retirer sept, huit ministres, dont aucun d’entre vous ne serait capable de me citer le nom pour remplacer ces ministres par des collègues dont on va s’épargner d’apprendre le nom. Qu’est ce que ça change, si rien ne change ? Maintien de cap, maintien du Premier ministre. Il est à craindre que l’entreprise de détricotage de l’État qui protège, de l’État qui prend soin, de ce qui fait la France, reste à l’ordre du jour du calendrier d’Emmanuel Macron à la rentrée.

Sébastien Jumel, député GDR-Nupes de Seine-Maritime, Assemblée nationale

Le nombre fait débat

Là encore, le nombre de pièces à retapisser fait débat, pour filer la métaphore de Sébastien Jumel jusqu’au bout. Emmanuel Macron ne veut pas aller au-delà de cinq ou six portefeuilles ministériels. C’est le nombre de remplacements autorisés lors d’un match de foot. Élisabeth Borne en réclame une dizaine, histoire de montrer que c’est sa boutique et qu’elle conserve un peu de latitude dans ses décisions. Mais pour ce qui est du changement de politique, on repassera. De quelque bord que soient les députés, le verdict est le même. 

Qu’est ce que vous voulez attendre d’un remaniement ? On va remplacer Pap Ndiaye par un autre figurant de Renaissance. On va remplacer madame Schiappa par une autre figurante. Et ces gens-là vont continuer à détricoter la France, à mener une politique qui coûte cher aux Français, chaque jour davantage. On le voit encore aujourd’hui. Nous n’attendons rien de ce remaniement.

Sébastien Chenu, député RN du Nord et vice-président de l’Assemblée nationale, Assemblée nationale

« Pas l’intention de changer de cap »

Ce remaniement ne correspond pas à un changement de cap. Il correspond à un changement de casting, peut-être à la correction de quelques erreurs, mais il semblerait que le fond de la ligne politique qui est celle qui a été conduite par Elisabeth Borne jusque là ne soit pas remise en cause.

Benjamin Saint-Huile, député Liot du Nord, Assemblée nationale

Le président de la République et sa minorité présidentielle ici à l’Assemblée nationale n’ont pas l’intention de changer de cap, et je pense que ça, c’est vraiment la difficulté à laquelle on est confrontés.

Manuel Bompard, député des Bouches-du-Rhône et coordinateur de La France insoumise, Assemblée nationale

Par un texto

S’il n’y a aucun changement de ligne à attendre, en revanche la méthode employée par le président est éloquente sur le peu de considération qu’il porte à sa Première ministre. Rappelons la tradition républicaine en matière de remaniement. Sous la Ve République, lorsque vient l’heure d’imprimer un cours nouveau, l’usage veut que le Premier ministre présente sa démission et celle de son gouvernement. Le président, après l’avoir acceptée, peut désigner quelqu’un d’autre ou bien reconduire le sortant. De cette façon, il lui réaffirme sa confiance et lui donne quitus pour la gestion passée.

Or là, ce n’est pas du tout ce qu’il s’est passé. C’est par un texto adressé aux rédactions qu’Élisabeth Borne a été confirmée à son poste. On ne saurait se montrer plus distant, voire plus méprisant…

On en est à des « off » qui sont envoyés par texto aux journalistes pour leur annoncer le maintien de la Première ministre et un potentiel remaniement. Moi je trouve que c’est un maintien tout en illustrant la faiblesse de la Première ministre. Son maintien ne vaut même pas un communiqué de presse, ou quelque chose d’un peu officiel. C’est vraiment cette impression de dire : « On continue tout en continuant à la mettre dans une situation de faiblesse. » Moi ça m’interroge vraiment, cette nouvelle méthode du « off ». On est sur quelque chose dont on sent bien que le président est un peu obligé de remanier… Il a annoncé ses « 100 jours », il ne sait pas trop comment s’en sortir.

Cyrielle Chatelain, députée de l’Isère et présidente du groupe parlementaire écologiste-Nupes, Assemblée nationale

Dévalorisation de la fonction de Premier ministre

Cette dévalorisation de la fonction de Premier ministre n’est pas nouvelle. En 2007, Nicolas Sarkozy qualifiait François Fillon, son Premier ministre, de collaborateur. L’intéressé en avait conçu un fort courroux. Mais la dévaluation du poste était entamée. En procédant comme il vient de le faire, Emmanuel Macron ne fait qu’enfoncer le dernier clou dans le cercueil. S’y rajoute, bien sûr, le côté pervers narcissique de son caractère. Ce besoin permanent d’humilier et rabaisser les autres pour se rassurer. 

À preuve le dîner surréaliste de mardi soir à l’Élysée. Jupiter avait convié tous ses ministres et leurs conjoints. Se délectant, comme Raminagrobis, d’être le seul à savoir lesquels de ses courtisans il croquerait à l’issue des agapes. Comment ne pas penser, à cet instant, à cette délicieuse comédie de Denys Granier-Deferre, Que les gros salaires lèvent le doigt

Le film met en scène un petit patron cynique qui invite ses salariés dans sa résidence secondaire, le temps d’un week-end. Il doit se séparer de plusieurs d’entre eux et va les humilier les uns après les autres. Cette comédie remonte au début des années quatre-vingt. Mais elle illustre à merveille la cruauté du pouvoir et la veulerie des courtisans.

Reconduction à durée déterminée

Revenons à la faiblesse politique de l’actuelle Première ministre. Elle fait dire à beaucoup que cette reconduction est à durée déterminée. 

Je pense qu’on est effectivement dans le provisoire parce que je ne vois pas comment on échappe à un 49-3, ou plusieurs 49-3 en fin d’année, et que cette situation ne tiendra pas. Les Cent jours d’apaisement, on a eu quoi ? On a eu Cent jours de problèmes qui se sont terminés avec des émeutes. La déclaration est quand même hallucinante : « Tout va bien le 14 juillet s’est bien passé. » Je pense que ça a dû en surprendre quand même plus d’un. Tout ça pour vous dire que je ne crois pas à ce gouvernement qui dure pendant quatre ans. Jusqu’à la fin du mandat je n’y crois pas.

Christine Pires Beaune, députée PS-Nupes du Puy-de-Dôme, Assemblée nationale

Mais alors, pourquoi reconduire Élisabeth Borne ? Pourquoi Emmanuel Macron n’a-t-il pas choisi Gérald Darmanin, par exemple ? Ou même tenté un grand écart en désignant un Premier ministre issu du parti d’Éric Ciotti ?

Préserver la carte du changement

Il avait un choix à faire entre parler à son aile droite ou parler à son aile gauche. Il garde cet attelage fait de bric et de broc avec onze 49-3 à l’Assemblée nationale, avec des textes qui passent dans la difficulté. La réalité c’est que le tournant du quinquennat ce n’est pas maintenant. Le tournant du quinquennat, on le sait tous, c’est 2024. C’est au moment des élections européennes, c’est au moment des Jeux olympiques à Paris. Le climat du pays ne sera pas le même si pour le président de la République sa liste fait un bon score aux élections européennes, les Jeux olympiques se passent bien, il n’y a pas trop de supporters anglais qui font du grabuge aux alentours du Stade de France ou si tout à l’inverse il y a un mauvais score de la liste présidentielle, des Jeux olympiques qui, malheureusement, ne se passent pas de la façon la plus optimum possible, le climat ne sera pas le même. Le tournant du quinquennat ce n’est pas en 2023 c’est en 2024.

Pierre-Henri Dumont, député LR du Pas-de-Calais, Assemblée nationale

Eh oui, l’exécutif veut préserver la carte du changement de Premier ministre pour le lendemain des européennes. Si les macronistes se prennent une veste, alors Élisabeth Borne fera ses valises. Et même si le résultat est honorable, il y a des chances qu’elle soit remerciée. D’ici là, Emmanuel Macron compte bien l’essorer. À cet égard, elle présente toutes les qualités requises pour tenir ce rôle ingrat.

« Choisie pour dérouler »

Il y a deux choses qu’on ne peut pas lui enlever : c’est une énorme bosseuse, elle connaît ses dossiers sur le bout des doigts, elle ne compte pas ses heures, elle est au service de la nation comme j’ai rarement connu quelques ministres l’être. Mais personne n’a jamais dit qu’Élisabeth Borne était un monstre politique. Ce n’est pas vrai, ce n’est pas pour ça je pense qu’elle a été choisie, d’accord ? Elle a été choisie pour dérouler. Pour dérouler et faire avancer le programme du président de la République auprès des Français, pour l’intérêt général.

Bruno Millienne, député MoDem des Yvelines, Assemblée nationale

Tout change donc pour que rien ne change. Surtout pour les Français.

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