Référendum et 49-3 : les ratages successifs de Macron

Emmanuel Macron, président de la République, à Berne, en Suisse, le 15 novembre 2023. ©Élysée

C’était mercredi 15 novembre, à Berne, en Suisse. Alors qu’il est de tradition que le président de la République s’abstienne de commenter l’actualité nationale depuis l’étranger, Emmanuel Macron a laissé éclater sa colère contre Éric Ciotti. Le président des Républicains venait de lui faire savoir qu’il n’assisterait pas à la nouvelle rencontre de Saint-Denis, prévue deux jours plus tard. Motif officiel : l’absence du président lors de la marche contre l’antisémitisme du 12 novembre.

Je pense qu’utiliser le contexte que nous vivons pour justifier une absence à une réunion de travail sur des réformes constitutionnelles est absolument indigne de la part d’un dirigeant politique actuel. Indigne. Je pèse mes mots.

Emmanuel Macron, président de la République, 15 novembre 2023

Véritable camouflet

Pourquoi cette rage froide ? Parce que c’est tout le plan d’Emmanuel Macron pour les prochains mois, voire les prochaines années, qui s’effondre. Dans son courrier d’invitation aux chefs de parti, le chef de l’État annonçait qu’il voulait proposer l’élargissement du champ du référendum. Autrement dit, modifier la Constitution pour que le peuple français puisse désormais se prononcer sur des questions de société. Et au premier chef, sur l’immigration. Une revendication des Républicains d’Éric Ciotti. 

Emmanuel Macron pensait faire coup double : s’attirer les bonnes grâces des Républicains et rester dans l’histoire des présidents de la République comme celui qui aura redonné au peuple la possibilité de s’exprimer plus largement. Ce qui, au passage, ne manque pas de sel au regard de l’usage compulsif de l’article 49-3 par le gouvernement. Mais cette stratégie présidentielle à double détente s’est terminée par un désastre.

La défection des Républicains est venue s’ajouter à celles de La France insoumise et du Parti socialiste. Résultat, le président a été contraint de reconnaître que son projet de réforme de la Constitution ne réunissait pas les conditions d’un accord minimal. Un véritable camouflet.

L’unique cartouche 49-3 grillée

La scoumoune présidentielle ne s’arrête pas là. Pour faire passer son projet de loi sur l’immigration, malgré l’opposition des Républicains, le gouvernement comptait utiliser l’article 49-3. Comme c’est original. Comme c’est inattendu. 

Eh bien, il ne pourra peut-être pas y recourir. Il semble en effet que les stratèges de Matignon se soient pris les pieds dans le tapis de la Constitution. Je vous rappelle la règle. À l’exception des textes budgétaires où c’est open bar, la Première ministre n’a le droit d’utiliser l’article le plus célèbre de la Constitution qu’une fois par session. Il n’y a qu’une session par an. Elle s’étale du début octobre à la mi-juillet. Mais le gouvernement peut rajouter des sessions extraordinaires avant ou après la session ordinaire. C’est ce qu’a fait Matignon juste avant l’actuelle session, à fin du mois de septembre.

Pendant une semaine, l’Assemblée a siégé en session extraordinaire juste pour permettre l’adoption, grâce au 49-3, de la loi programmation des finances publiques. Malgré son intitulé qui pourrait laisser penser le contraire, ce texte ne fait pas partie des textes budgétaires. Le gouvernement a donc grillé l’unique cartouche 49-3 de la session extraordinaire. Mais comme elle durait une semaine, pas de problème.

Droit de suite du 49-3

Le 13 novembre, la loi de programmation des finances publiques est revenue pour une dernière lecture devant les députés. Le gouvernement a, à nouveau, dégainé son 49-3. Pour lui, il s’agit du droit de suite du 49-3 utilisé au mois de septembre. 

En vertu de ce droit de suite, Matignon considère que le recours du 13 novembre à l’article 49-3 ne le prive pas du droit à utiliser le même article lors de cette session ordinaire. « C’est faux », répond le Rassemblement national qui, le 16 novembre, a saisi le Conseil constitutionnel sur ce point. Puisque la session s’est terminée avant l’adoption de la loi de programmation en dernière lecture, soutiennent les députés lepénistes, il faut considérer que le droit de suite invoqué par le gouvernement est interrompu. 

Sans s’en apercevoir, Matignon a gaspillé l’unique 49-3, mais le diable se niche toujours dans les détails. Si le Conseil constitutionnel confirme l’analyse du Rassemblement national, le gouvernement ne peut plus faire passer en force quelque texte que ce soit. À commencer par le projet de loi sur l’immigration. Justement, l’examen de ce texte au Palais Bourbon commence le 27 novembre.

Avaler les couleuvres des Républicains 

Toujours dans la même hypothèse, l’exécutif va être contraint d’avaler toutes les couleuvres des Républicains s’il ne veut pas être mis en minorité. L’ennui, c’est que son aile gauche ne veut pas entendre parler d’un compromis avec Olivier Marleix et Éric Ciotti. Bref, le téléphone et les boucles Télégram vont chauffer dans les prochaines semaines. Jacques Chirac aimait à répéter que les emmerdements, ça vole toujours en escadrille. Il avait diablement raison. 

La preuve : à ce bazar institutionnel, il faut maintenant ajouter la hausse du taux de chômage au 3e trimestre 2023 : + 7,4 %. Même la théorie du ruissellement a fini par aller voir ailleurs si elle marche. Quand ça veut pas, ça veut pas.

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