Emmanuel Macron tente maladroitement de reconquérir le cœur des Français

Emmanuel Macron, président de la République, à Ganges (Hérault), le 20 avril 2023. ©Élysée

Après le vide intersidéral de l’allocution de lundi 17 avril, place maintenant à la séquence reconquête du pays. Emmanuel Macron veut multiplier les rencontres avec les Français. Sous bonne escorte. Pas moins de 600 CRS ont été mobilisés, jeudi 20 avril, pour son déplacement à Ganges, dans l’Hérault. La ville ne compte pourtant que 4 000 habitants. À la différence de la séquence du grand débat, après les gilets jaunes, le bateleur de l’Élysée ne fait plus illusion. Les maladresses s’enchaînent. Au point que les Français qui s’intéressent encore à ces tribulations ont l’impression d’évoluer tout à coup dans un monde parallèle. 

Ainsi la première sortie présidentielle dans les rues de la capitale, juste après l’allocution télévisée. Le président a trouvé le moyen de pousser la chansonnette avec des identitaires. Il y a des millions de gens qui chantent dans ce pays. Mais non, il fallait que le président tombe sur une fine équipe dont le répertoire inclut des chants nationalistes et des chants militaires du IIIe Reich. 

Subvention de 40 000 euros

Ce n’est pas de chance. Car officiellement, cette rencontre n’est due qu’au seul hasard. Même s’il se trouve que le projet Canto, c’est le nom de cette association, a reçu une subvention de 40 000 euros du ministère de la Culture pour développer un site et une application. 

Vous avez dix jeunes qui arrivent, je ne les connais pas, je ne sais pas qui c’est, qui chantent… non mais pardon ils chantaient des chants montagnards. Ils me disent : « Tiens est-ce que vous chanteriez avec nous ? » Là c’est simple. Vous leur dites : « Non, non, etc », les mêmes qui filment vous m’auriez fait 48 heures sur le thème : « Il est méprisant. »

Emmanuel Macron, président de la République, BFMTV, 19 avril

Concert de casseroles

La musique est décidément au cœur des préoccupations du Président. En Alsace où il s’est déplacé hier, sous les huées, Emmanuel Macron s’est risqué à un commentaire sur le concert de casseroles qui a accompagné sa causerie de lundi.

Ce n’est pas des casseroles qui feront avancer la France. On peut relancer massivement l’industrie de casseroles aussi qui ne produit pas assez. Mais moi, ce qui m’intéresse, c’est ce qui va permettre à nos compatriotes de mieux vivre.

Emmanuel Macron, président de la République, Le Figaro, 19 avril 2023

Fonds Marianne

Casserole. Un mot à éviter. Car pour ce qui est de relancer l’industrie de la casserole, le gouvernement compte déjà quelques orfèvres. Ce n’est pas Marlène Schiappa qui dira le contraire. En 2021, la playmate du gouvernement, alors ministre déléguée à la citoyenneté, a créé un fonds baptisé Marianne. Deux millions et demi d’euros ont été distribués à des associations censées défendre les valeurs républicaines. Objectif : prévenir les discours radicaux comme ceux qui ont conduit à l’assassinat de Samuel Paty en octobre 2020. 

La discrète Union des sociétés d’éducation physique et de préparation militaire a ainsi empoché 355 000 euros pour des publications confidentielles. Une autre association, Reconstruire le commun, a touché 330 000 euros du fonds Marianne. Ces sommes auraient financé pour partie des vidéos hostiles à des candidats de gauche lors des campagnes électorales de 2022. 

La maire de Paris, Anne Hidalgo, qui estime avoir été victime de ces agissements, a porté plainte. Au Sénat, les socialistes ont lancé une proposition de commission d’enquête flash. De son côté, le groupe Rassemblement national de l’Assemblée nationale demande une commission d’enquête. Enfin, l’inspection générale de l’administration et le procureur de la République ont été saisis. 

De l’amitié

Mais le chef de l’État est au-dessus de ces contingences. C’est bien simple, il n’est qu’amour. Dans le Bas-Rhin, il a salué Laurent Berger qui vient d’annoncer son départ de la direction de la CFDT en juin prochain. 

C’est quelqu’un pour qui j’ai du respect, oserais-je dire de l’amitié.

Emmanuel Macron, président de la République, BFMTV, 19 avril 2023

De l’amitié… C’est pour cela, sans doute, qu’il a refusé de le recevoir à l’Élysée avec l’intersyndicale. Plus c’est gros, plus ça passe. 

Travail, ordre, progrès

Pendant ce temps, Olivier Véran rafraîchit la devise de la République. 

Cent jours, trois grands axes mis en avant par le président de la République : travail, ordre, progrès.

Olivier Véran, ministre délégué et porte-parole du gouvernement, Conseil des ministres, 19 avril 2023

Travail, ordre progrès. Un drôle d’attelage. La formule renvoie à Pétain pour le travail et à Auguste Comte, le philosophe du positivisme, pour l’ordre et le progrès. À moins qu’il ne s’agisse d’un hommage au Brésil, puisque ce pays arbore sur son drapeau la devise d’Auguste Comte. 

Quoi qu’il en soit, ce programme travail, ordre, progrès, sonne un peu comme : « Bosse, tiens-toi tranquille et tout ira bien ». C’est bien de cela qu’il s’agit d’ailleurs. Écoutez le seul moment de sincérité de l’intervention présidentielle de lundi. 

Travailler tous progressivement un peu plus comme l’ont d’ailleurs fait tous nos voisins européens, c’est aussi produire plus de richesses pour notre pays tout entier.

Emmanuel Macron, président de la République, France 2, 17 avril 2023

Référence malheureuse

Vous avez remarqué ? Il n’est plus question de sauver les retraites et le système de répartition, mais de travailler davantage pour accroître la richesse nationale et nous aligner sur nos voisins. Ce barnum médiatico-politique devrait durer cent jours. 

Nous avons devant nous cent jours d’apaisement, d’unité, d’ambition et d’action au service de la France.

Emmanuel Macron, président de la République, France 2, 17 avril 2023

Voilà une référence bien malheureuse. Dans l’histoire de notre pays, les cent jours, c’est la période qui sépare le retour d’exil de Napoléon de son départ pour l’île de Sainte-Hélène après la défaite de Waterloo. Pour ce qui est de symboliser un nouvel élan ou même l’apaisement, on repassera. Ça sent plutôt la défaite. Il faut croire que le petit caporal de l’Élysée aura été trahi par son inconscient.

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