La France insoumise s’enfonce dans la crise. Lundi dernier, le quotidien Le Monde publiait une tribune réclamant l’exclusion d’Adrien Quatennens du mouvement. Un texte signé par plus d’un millier de jeunes se réclamant de la FI. Du jamais vu. Cette rébellion pétitionnaire venant après les protestations publiques d’Alexis Corbière, Clémentine Autain, François Ruffin et Éric Coquerel contre leur éviction des structures de direction, on pensait avoir atteint le plus fort de la crise.
Pétition contre pétition
Eh bien non. Une autre pétition est venue répondre à la première. Signée par un peu plus de 5 000 personnes, elle s’intitule « Pour que cesse l’acharnement politique et autres contre Adrien Quatennens ! ». Le texte prend la défense du député, mais blâme en même temps la direction pour n’avoir pas consulté la base sur la sanction à appliquer. Sous-entendu, si les insoumis avaient été consultés, tout le monde se serait incliné et il n’y aurait pas eu déballage sur la place publique.
La sanction prise par la direction est d’ailleurs présentée comme particulièrement injuste :
En revanche, nous ne comprenons pas la décision que LFI a prise pour lui infliger une double peine, sa suspension du groupe parlementaire pendant encore quatre mois ainsi que l’obligation d’effectuer un stage de responsabilisation sur les violences faites aux femmes, alors qu’il suit actuellement une thérapie.
Contre les « féministes intégristes »
À ce tableau, il faut ajouter une troisième pétition. Elle a le privilège de l’antériorité, puisque sa gestation remonte au mois de septembre. C’est une inconditionnelle de Jean-Luc Mélenchon, Michèle Tirone qui en est à l’origine. Intitulée #soutien à Adrien Quatennens, elle a été lancée en réaction à un billet de blog de Caroline de Haas. La militante féministe s’en prenait vertement à Jean-Luc Mélenchon.
« Ton rôle était de veiller à ce que la chape de plomb de silenciation des victimes, ne se referme pas un peu plus. En soutenant un homme qui a giflé sa femme, tu as fait exactement l’inverse »,
Dans le collimateur de Michèle Tirone et ses amis, il y a également, pour reprendre sa propre terminologie, les « féministes intégristes ». Un qualificatif qui désigne le collectif transpartisan Relève féministe. À ce jour, la pétition frôle les 6 000 signatures.
Ces “féministes” prétendent incarner l’alpha et l’oméga de la lutte pour les droits des femmes, mais nous ne leur reconnaissons pas celui de confisquer le concept même de féminisme. Nous affirmons que nous nous désolidarisons sans la moindre réserve de ce que ces personnes font de ce magnifique combat.
Abattre la Nupes
Et le texte va encore plus loin dans les accusations :
Pourquoi ces “féministes “restent-elles indifférentes à la récupération politique de leurs propos et à la responsabilité des médias dans cette récupération, ces mêmes médias qui tirent à vue sur Jean-Luc Mélenchon et LFI depuis déjà des années, en particulier ces derniers mois, et maintenant sur la Nupes ? Cela fait de ces féministes leurs complices.
(…) L’objectif serait-il non seulement d’abattre les individus Adrien Quatennens, Jean-Luc Mélenchon, Julien Bayou, mais aussi d’abattre LFI, la Nupes, et donc tous les espoirs des millions qui ont voté pour en finir avec ce système qui les étrangle ?
Guerre sur les réseaux sociaux
Sur les réseaux sociaux, c’est la guerre. Sur Twitter, le Discord insoumis – le compte du forum sur lequel échangent les adhérents les plus actifs – accuse l’entourage d’Adrien Quatennens de se livrer à des opérations de harcèlement contre les détracteurs du député condamné.
À la manœuvre, on retrouve Michèle Tirone. C’est elle qui a lancé le canal Télegram sur lequel échangent les groupies du député du Nord. De ce que nous avons pu lire, il s’agit surtout de partager des éléments de langage en défense d’Adrien Quatennens.
Dans le collimateur du groupe, il y a Édouard Richard, l’assistant parlementaire d’Adrien Quatennens. Celui-ci se défend d’être la cheville ouvrière d’un quelconque harcèlement.
Reste qu’il y a bien harcèlement. Le compte « vilain syndicaliste », bien connu de la mouvance insoumise, a subi un assaut en règle. Son crime : avoir voulu débattre du retour d’Adrien Quatennens et de la situation à gauche. Du coup, « vilain syndicaliste » a saisi le « Comité de respect des principes de LFI », qui tient lieu de commission des conflits du mouvement.
Dernière cible, en fin, Raquel Garrido, député LFI de Seine Saint-Denis. Ayant un peu trop applaudi à la pétition demandant l’exclusion d’Adrien Quatennens, elle est la cible des partisans de ce dernier.
Du coup, elle n’a pas hésité à comparer ces supposés insoumis à des zemmouriens.
Qui sifflera la fin de la récréation ?
On en est là. Jamais dans son histoire, le mouvement n’avait été aussi fracturé. Plus inquiétant, Jean-Luc Mélenchon ne semble pas en mesure de siffler la fin de la récréation. Dépourvue des structures traditionnelles d’un parti, congrès, élection des échelons de direction, représentation à la proportionnelle, la FI se retrouve désemparée face à ce désir de parole et de transparence. Il est clair que la forme gazeuse du mouvement a atteint ses limites. Si elle veut survivre à cette crise, la France insoumise doit à la fois se normaliser et se réinventer.
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