Lors de sa conférence sur la méthode de l’Union populaire, Jean-Luc Mélenchon a développé une nouvelle ligne politique. Jusqu’ici, La France insoumise, comme la plupart des commentateurs, théorisait la partition de l’électorat en trois camps distincts. La gauche ; les macronistes et la droite ; enfin, l’extrême droite. Pour Jean-Luc Mélenchon, cette grille de lecture est désormais obsolète. Écoutez-le.
Quelque chose de décisif a changé et vous ne pouvez pas faire, camarades, comme si vous ne l’aviez pas vu. Vous devez vous préparer au choc avec une ligne de front qui s’étend désormais de l’extrême droite jusqu’au macronisme d’un seul fil avec bien sûr autant de nuances qu’on peut en trouver dans la grisaille mais au total, c’est la même couleur, c’est la même grisaille. Le candidat commun de l’espace idéologique que représente « l’orbanisme » [en référence à Victor Orban, Premier ministre hongrois] français, la jonction de la droite avec l’extrême droite, c’est monsieur Darmanin.
Jean-Luc Mélenchon, journées d’été Amfis, images fournies par LFI, 25 août 2023
Analyse espagnole
Il n’y aurait donc plus que deux camps : la gauche et un bloc qui irait d’Emmanuel Macron à Marine Le Pen. Cette analyse, Jean-Luc Mélenchon l’emprunte à Yolanda Díaz, la ministre espagnole du travail, chef de file de Sumar [« additionner », en français]. Sumar regroupe la quasi-totalité des partis qui se situent à gauche du Parti socialiste espagnol. Yolanda Díaz a brillamment expliqué comment chez nos voisins, la droite avait repris l’intégralité du programme de l’extrême droite pour survivre.
Mais ça, c’est l’Espagne. Et comme le disait si justement le philosophe Pascal : « Vérité en-deçà des Pyrénées, erreur au-delà. » Autrement dit, le parallèle n’est pas évident. Certes, Nicolas Sarkozy fait implicitement la même analyse que Jean-Luc Mélenchon en réclamant dans les colonnes du Parisien un leader qui soit capable de rassembler les amis de messieurs Zemmour, Macron et Ciotti.
Gérald Darmanin
Ce leader, bien sûr, c’est Gérald Darmanin. Comme l’ancien ministre de l’Intérieur puis de l’Économie de Jacques Chirac, Darmanin s’essaie au périlleux exercice d’avoir un pied dans le gouvernement et un pied en dehors. Mais Emmanuel Macron est bien décidé à ne pas laisser son ministre de l’Intérieur répéter le numéro de Sarkozy, d’autant qu’il le connaît par cœur. Le chef de l’État s’est lui-même servi de son poste de ministre de l’Économie de François Hollande pour préparer sa campagne de 2017.
Sur instruction de l’Élysée, Élisabeth Borne s’est donc parachutée à la réunion de Tourcoing.
Notre unité et notre force, nous devons la protéger à tout prix, c’est la condition pour continuer à agir et ne pas paver nous-mêmes le chemin des extrêmes.
Élisabeth Borne, Première ministre, CNews, 27 août 2023
Profil bas
Du coup, Darmanin l’a joué profil bas.
La vérité, mes amis, c’est que le président de la République et sa majorité ont fait bien plus que quiconque pour les Français modestes. Le chômage n’a jamais autant baissé. Et c’est d’autant de victoires pour tous ces travailleurs, ces employés qui vivaient la peur de ne plus avoir un emploi. Et on le doit au président de la République et à son gouvernement.
Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur, CNews, 27 août 2023
Balle au centre, donc. Du côté des Républicains, l’heure n’est certainement pas à une alliance avec les macronistes. Écoutez Éric Ciotti détailler ce qu’il compte dire au chef de l’État, mercredi 30 août.
Horizon lointain
Je lui demanderai naturellement de s’opposer à toute forme de régularisation comme c’est aujourd’hui le cas dans le texte qui nous est présenté à l’Assemblée nationale et au Sénat, mon cher Bruno, par monsieur Darmanin.
Éric Ciotti, député des Alpes-Maritimes et président du parti Les Républicains, images fournies par LR, 27 août 2023
Ce projet de loi sur l’immigration validera ou non l’existence d’un front commun allant des macronistes à l’extrême droite, en passant par Les Républicains. Il y a encore quelques semaines, ces derniers menaçaient le gouvernement d’une motion de censure en cas de recours à l’article 49-3 pour l’adoption du projet de loi. Ils semblent maintenant privilégier l’exigence d’un référendum.
Mais ce qui est certain, c’est qu’ils n’accepteront pas la régularisation des travailleurs sans papiers dans les métiers en tension. Inversement, le MoDem et l’aile gauche des macronistes – il y en a – n’accepteront pas le retrait de ce volet du projet de loi. L’horizon d’une union des droites reste donc lointain. Tant que les macronistes n’auront pas essuyé une défaite électorale d’ampleur, la recomposition autour de l’extrême droite restera bloquée.
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