Ce lundi 24 octobre, les députés ont voté les motions de censure déposées par la Nupes et par le Rassemblement national, en réponse à l’utilisation de l’article 49-3 de la Constitution par le gouvernement la semaine passée. Sans surprise, aucune des motions n’a reçu la majorité absolue, même si Marine Le Pen a étonné par sa démarche.
Deux motions de censure avaient été déposées, suite au déclenchement de l’article 49-3 pour faire adopter le projet de budget pour 2023. Ce lundi 24 octobre, les députés étaient appelés à voter pour ou contre ces motions. Celle déposée par le RN n’a recueilli que 89 voix. Et il s’en est fallu de peu pour que celle déposée par la Nupes passe ! Cette dernière ayant obtenu un total de 239 voix. Il n’en manquait que cinquante pour atteindre la majorité absolue et faire adopter la motion de censure. Et donc cinquante voix pour renverser le gouvernement.
A la surprise générale, Marine Le Pen a déclaré devant l’hémicycle, peu avant le scrutin, que le Rassemblement National voterait la motion de censure déposée par la Nupes. Mais le compte n’y est toujours pas. Le sort du gouvernement dépend donc de l’opposition, de l’Assemblée nationale. La démonstration en a été faite devant l’opinion. Sans les voix du groupe LR, le gouvernement aurait été renversé. Le sort des projets d’Emmanuel Macron dépend maintenant du bon vouloir de ses adversaires.
Une alliance avec LR ?
Nicolas Sarkozy, dans le Journal du dimanche du week-end dernier, proposait au président, une alliance.
Il a été entendu au-delà de ses espérances. Olivier Marleix, le jour du vote, a affirmé : « Soyons clairs, nous ne nous associerons pas à la France insoumise et au RN et ne voteront pas ces motions de censure. A quoi cela conduirait-il ? En les votant, nous ferions tomber le gouvernement, mais cela aboutirait très probablement à remplacer le gouvernement Borne 2, par un gouvernement Borne 3, et puis la semaine suivante par un gouvernement Borne 4. Il y a là, au-delà d’un bref moment de satisfaction d’opposants, aucune utilité pour les Français. Bien sûr, il y a sans doute sur les bancs autour de vous, madame la Première ministre, des candidats pour vous remplacer. Je ne citerai pas les noms, ils se reconnaîtront. Mais si c’est pour faire la même politique, je n’en vois pas non plus l’utilité pour les Français. »
C’est à se demander si les Républicains sont encore un parti d’opposition. Ce à quoi Olivier Marleix répond : « On est au quotidien ici, une force d’opposition. Simplement, une fois encore, depuis le premier jour, nous savons qu’il n’y a pas de majorité. Un 49-3, une motion de censure, c’est fait pour vérifier s’il y a une majorité ou s’il n’y en a pas. On est tous d’accord que c’est un jeu totalement stérile, puisque depuis le premier jour on sait qu’il n’y a pas de majorité. On sait que ce gouvernement n’a pas de majorité. Donc on n’est pas là pour participer à des enfantillages de ce genre. Le gouvernement a suffisamment du travail à faire pour essayer de sauver ce pays. »
Voter n’est pas s’associer
Comparer le vote d’une motion de censure à des enfantillages, et expliquer que le gouvernement est en train de sauver la France, c’est pour le moins culotté de la part d’un parti d’opposition. C’est précisément la démonstration que voulait faire le RN en votant la motion de censure de la Nupes. Laurent Jacobelli, député RN de Moselle, ne se prive pas de le préciser : « Je pense qu’il y a une opposition d’opérette, ça s’appelle les Républicains. Je pense qu’ils sont morts de trouille, pour être honnête avec vous, sur une dissolution possible. Ils ont peur de finir à 3-4 députés sur les bancs de l’Assemblée et qu’ils ont préféré un intérêt corporatiste ou personnel à l’intérêt général. C’est dommage mais je ne crois pas qu’ils méritent le terme d’opposition ce soir. »
Marine Le Pen avait pourtant exclu que son groupe puisse voter le texte présenté par la gauche. Elle s’est expliquée sur les circonstances de son revirement. « On ne s’associe pas à une motion de censure, on la vote ou on ne la vote pas. En l’espèce, la rédaction de la motion de censure qui a été déposée par la Nupes n’était absolument pas idéologique et elle portait sur les sujets qui sont ceux qui ont fondé la nôtre, et notamment le fait que dans un irrespect absolument total de la démocratie, le gouvernement a cru pouvoir sortir le 49-3 en triant les amendements votés par l’Assemblée. »
Le gouvernement joue la mauvaise foi
Le gouvernement, plutôt mauvais joueur, accuse la Nupes d’avoir édulcoré sa motion de censure pour que le RN puisse la voter. C’est Élisabeth Borne la première à avoir brandi cet argument d’une alliance des extrêmes. Elle le fait savoir lors de sa réponse à Marine Le Pen, après que cette dernière a annoncé son intention de voter la motion de la NUPES. « Car ce que vous visez, c’est le désordre et la discorde
au prix d’une alliance contre-nature avec la Nupes. Au sein de la Nupes, certains veulent le désordre ou plus clairement encore le chaos. Ils l’affirment et le revendiquent, et le RN pense tranquillement pouvoir en récolter les fruits. »
Le procès d’intention a déclenché la colère de toute la gauche. Boris Vallaud, député PS des Landes, clarifie ce point : « Jamais il n’y aura de connivence avec l’extrême droite. Tout nous sépare comme socialistes et comme républicains. Nous ne voterons pas leur motion de censure. Ensuite, ils sont libres de leurs votes, mais il n’y a pas de convergence, il n’y a pas de connivence, il n’y a pas d’ambiguïté possible entre eux et nous, et nous les combattrons jusqu’à notre dernier souffle. »
Du côté des écologistes, Cyrielle Chatelain, présidente du groupe à l’Assemblée, rappelle que ce sont les macronistes qui ont passé des accords avec le Rassemblement national : « le premier acte de la mandature des écologistes, c’est de déposer deux candidats à la vice-présidence de l’Assemblée nationale pour justement permettre qu’il n’y ait pas de vice-président de séance de cette Assemblée présidée par des Rassemblement National. Les soutiens du gouvernement ont choisi le Rassemblement National. »
Une motion pour un maximum de voix
Chez les insoumis, Rachel Garrido, députée de Seine-Saint-Denis, souligne que l’objectif d’une motion de censure est, par définition, d’être votée par le plus grand nombre. « La motion de censure de la Nupes n’est pas là juste pour témoigner, elle était là pour gagner. Donc pour gagner, il faut qu’il y ait une majorité de voix, d’ici, de l’Assemblée nationale. On ne peut pas à la fois vouloir que gagner, et ensuite quand les gens votent pour nous dire : “Ah bah non on ne veut pas que vous votiez pour nous”. Il faut être cohérent. »
Raquel Garrido veut d’ailleurs croire que ce sont les propres électeurs du RN qui ont poussé Marine Le Pen à voter la motion de censure de la Nupes : « Ils [les députés RN, ndlr] ont tous reçu des messages dans leurs circonscriptions des électeurs leur demandant de voter notre motion de censure, alors que Marine Le Pen, il y a encore quelques jours disait qu’elle ne la voterait pas. Ils ont été obligés de totalement faire un revirement parce qu’il y a une pression populaire qui leur dit :“Mais la Nupes a raison.” »
Et ne dites surtout pas aux insoumis que la Nupes s’est fait piéger par le Rassemblement national. Éric Coquerel, député de Seine-Saint-Denis, s’en défend : « Non mais ça c’est votre petite musique médiatique, je l’entends un peu partout. Je trouve ça un peu paradoxal qu’on m’explique que quelqu’un qui a réussi à récupérer 90 voix sur sa motion aurait piégé la Nupes qui, elle, a récupéré 239 voix. »
Soyez le premier à commenter