Budget : l’ombre du 49-3

Les député sont appelés dans les prochains jours à voter le projet de loi de programmation budgétaire. En manque de majorité absolue, le gouvernement sait qu’il ne sera pas voté. Il brandit donc la menace de recourir à l’article 49-3 de la Constitution, coupant court à tout débat sur le sujet.

À l’Assemblée, ça ne va pas mieux pour le gouvernement. La confrontation démocratique va crescendo. Ainsi, le projet de loi de programmation budgétaire, autrement dit le texte qui organise la réduction de la dépense publique jusqu’en 2027 a été vidé de sa substance par les oppositions. Visiblement dépité, Gabriel Attal, l’a reconnu mardi 11 octobre dans l’hémicycle. « Il y a une irresponsabilité budgétaire quand on défait tous les cadres qui nous permettent de maîtriser la dépense publique dans notre pays. Oui j’assume de le dire, il ne s’agit pas de dire qu’il y a des irresponsables mais qu’il y a des votes qui font preuve d’une irresponsabilité budgétaire. Ce que je constate, c’est que lorsqu’il s’agit de dire que ce n’est pas grave les déficits, ce n’est pas grave la dette, là on arrive à se rassembler. C’est factuel c’est ce que nous avons vu ce soir. Je constate que monsieur Guiraud [député LFI, ndlr] était tellement heureux de pouvoir dire que nous avions été minoritaires ce soir, qu’il cachait mal le fait qu’il a été majoritaire avec les voix du Rassemblement National. C’est quand même ça la réalité de ce qu’on a vu ce soir. »

La menace

On s’achemine donc vers un recours à l’article 49-3 qui permet d’adopter le texte sans vote, sauf si une motion de censure, déposée dans les 48 heures, recueille la majorité des voix. C’est ce qu’a laissé entendre le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, à la sortie du Conseil des ministres du mercredi 12 octobre. « Sur des textes budgétaires, s’il y a une majorité relative au Parlement, c’est la Constitution qui l’a prévu de manière à éviter tout risque de blocage pour notre pays et donc pour les Français, il peut être fait recours au dispositif du 49-3. Ca ne veut pas dire qu’on souhaite y avoir recours, et ça ne veut pas dire qu’on y aura recours. Vous ayant dit cela, je ne peux pas vous dire ni quand ni dans quelles conditions précises cela serait activé. Je vous dis juste que nous souhaitons l’éviter mais que si nous n’avions pas le choix, nous utiliserions le 49-3. » Quand ? C’est toute la question.

Dans le camp présidentiel, on plaide pour la semaine prochaine. D’abord, pour faire la démonstration qu’il est impossible d’arriver à un compromis avec les oppositions. Ensuite, pour éviter d’apporter de l’eau au moulin de la Nupes qui organise, ce dimanche 16 octobre, une manifestation contre la vie chère. Le 49-3 équivaudrait à la cape que le matador agite devant le taureau.

Sur l’agenda de l’Assemblée, les députés doivent se prononcer le 25 octobre sur le projet de loi de programmation des finances publiques et sur la première partie du projet de loi de finances pour 2023. Mais il serait très étonnant que cette échéance soit tenue. Dans l’intervalle, le gouvernement aura certainement engagé sa responsabilité. Dès lors, que va-t-il se passer ?

L’opposition se prépare

Deux groupes ont annoncé leur intention de déposer une motion de censure : la France insoumise et le RN. Le Rassemblement national est prêt à voter la motion de censure déposée par LFI, comme le déclare Jean-Philippe Tanguy, député RN de la Somme. « Si le gouvernement a recours au 49-3, nous poserons notre motion de censure contre ce gouvernement, qui est en minorité dans ce Parlement, et nous n’hésiterons pas, Marine Le Pen l’a dit aussi, à voter éventuellement la motion de censure de la Nupes, si elle n’est pas établie dans des termes provocateurs faits pour s’isoler de toute coalition possible. »

La réciproque est-elle vraie ? Manuel Bompard, député LFI des Bouches-du-Rhône répond à la question. « La question en fait ne se pose pas puisque nous sommes les plus nombreux, avec 151 députés de la Nupes. Donc si le gouvernement s’entête, passe en force en déposant un article 49-3, nous déposerons effectivement une motion de censure, et ça sera la motion de censure principale, celle qui sera examinée en premier, et c’est sur celle-ci qu’il y aura un enjeu du nombre de votant. Si le Rassemblement National la vote c’est son choix. » En fait, la question se pose bien. Mathilde Panot n’avait pas écarté la possibilité de voter avec le RN contre le gouvernement lors d’une conférence de presse le 20 septembre dernier.

Explication de texte

Comment fonctionnent les motions de censure ? Un peu de technique parlementaire sur cette question. Après tout, il ne s’agit que de renverser le gouvernement. Plusieurs motions de censure peuvent être déposées lorsque le gouvernement engage sa responsabilité. Chaque député ne peut en signer qu’une seule. L’organisation du vote est prévue par l’article 154 du règlement de l’Assemblée nationale. S’il y a plusieurs motions, la conférence des présidents peut décider qu’elles seront discutées en commun sous réserve qu’il soit procédé, pour chacune, à un vote séparé.

Exemple concret : si la motion de la Nupes est signée par le plus grand nombre de députés, ça sera donc celle examinée en premier. Si le RN ne la trouve pas à son goût. La motion est rejetée. Les députés vont ensuite se prononcer sur la motion de censure déposée par le mouvement lepéniste.

Reste la position des Républicains. Encore une fois, ce sont eux qui peuvent faire pencher la balance. Ainsi, mardi 11 octobre, la loi autorisant le gouvernement à modifier les conditions d’indemnisation des chômeurs n’a été adoptée que grâce à leurs voix. Des voix que le gouvernement s’est attachées en intégrant un amendement sur les abandons de poste qui seront désormais considérés comme une démission et non plus comme une faute du salarié. Sur la loi de finances 2023, en revanche, aucun compromis n’est possible. Les LR ont annoncé qu’ils voteraient contre, estimant que les dépenses publiques restent trop élevées. Iront-ils jusqu’à voter une motion de censure déposée par LFI ou RN ? Olivier Marleix lève le doute. « On va avoir peut-être sept ou huit motions de censure déposées en quelques semaines. Tout ça n’est peut-être pas très responsable. On a voté il y a trois mois et demi, Dieu sait si je regrette le résultat de l’élection présidentielle, mais essayons de faire fonctionner malgré tout ces institutions. C’est aussi le message que nous ont envoyé les Français. On votera une motion de censure le jour où nous-mêmes nous déciderons d’en déposer une. »

Les Républicains déposeront-ils leur propre motion de censure ? C’est peu probable pour l’instant. La menace d’une dissolution de l’Assemblée nationale en cas de censure les incite à se montrer prudent. Ils n’ont plus de chef ni même de programme clairement identifié. Le parti sortirait laminé des législatives qui suivraient.

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