Cafouillages en série autour de la taxe sur les super-profits

Emmanuel Macron propose une contribution européenne en lieu et place d’une taxe nationale sur les superprofits

Va-t-on taxer les superprofits, ces effets d’aubaine qui augmentent spectaculairement les marges des opérateurs de l’énergie ?

De 50 euros le /MWh en début d’année 2021, le prix de gros est monté jusqu’à 700 euros au cours de l’été 2022. En cause, l’augmentation du prix du gaz et le risque -aujourd’hui effectif -d’un arrêt des importations de gaz russe. Les marchés ont anticipé la baisse des livraisons de la Russie. S’y est ajouté une production réduite d’énergie nucléaire en raison de l’arrêt de certains réacteurs présentant des traces de corrosion.

Bien malin celui qui pourra résumer la position de l’exécutif dans ce débat qui agite la classe politique. Il y a une semaine, dans un entretien accordé au Parisien, la première ministre Élisabeth Borne déclarait ne pas «fermer la porte» à une taxation des superprofits.

Bruno Le Maire ne connaît pas les superprofits

Quatre jours plus tard, le ministre de l’Économie et des finances, Bruno Le Maire, devant un parterre de chefs d’entreprise du Medef affirmait ne pas savoir ce qu’était un superprofit. Provocateur, il ajoutait :

« Je sais que les entreprises doivent être profitables, c’est tout ce que je sais »

Bruno le Maire Université d’été du Medef

Contribution européenne

Lundi soir, nouveau rebondissement. Le Chef de l’État, Emmanuel Macron annonce qu’il propose que l’UE impose une contribution sur les opérateurs énergétiques qui feraient des « bénéfices indus » à la faveur de la flambée des prix de gros de l’électricité. Un projet élaboré avec le Chancelier allemand Olaf Scholz.

Ça tombe bien, la Commission européenne prépare justement un plan plan contenir la hausse actuelle des prix de l’électricité.

Quel calendrier ?

En apparence plus ambitieuse qu’une taxe à l’échelle nationale, la proposition d’une contribution européenne est surtout un moyen pour le président de gagner du temps. A supposer que les pays européens adoptent une position commune, ce ne sera pas avant plusieurs années. Qui sait même si l’actuel chef de l’État sera encore en poste.

Ce que n’a pas manqué de souligner Fabien Roussel :

« proposer de soumettre cette possibilité à une décision de la Commission européenne, c’est un peu se moquer de nous » (…) Il faut mettre ça à l’œuvre tout de suite, dès le projet de loi de finances qui sera présenté d’ici un mois »

Fabien Roussel LCI

Emmanuel Macron a prévenu l’objection. Si les Vingt-Sept ne parvenaient pas à se mettre d’accord sur ce prélèvement, une taxe serait alors instaurée « au niveau national ». Mais selon quel calendrier ? Le président ne l’a pas dit.

De son côté, Bruno Le Maire a mis de l’eau dans son vin. Face à Appoline de Malherbe, mardi matin, il trouvait toutes les vertus à la proposition franco-allemenande, présentée comme un mécanisme de régulation pérenne du marché.

Mission parlementaire

Ce même mardi, les députés d’une mission flash sur la taxation des superprofits se sont réunis pour la première fois à l’Assemblée nationale. Initiée par la Commission des finances que préside Éric Coquerel (LFI), elle sera co-présidée par Manuel Bompard (LFI) et David Amiel (Renaissance). Ses membres se retrouveront tous les mardis jusqu’au mois d’octobre.

Cette mission se penchera notamment sur les décisions prises par nos partenaires européens. Surprise, ce sont souvent des conservateurs qui sont à l’offensive contre les superprofits.

La France à la remorque de l’Europe

Ainsi l’italien Mario Draghi, ancien gouverneur de la BCE, qui est à la tête du gouvernement de son pays depuis février 2021. Il a instauré une taxe de 10 %sur les superprofits. Elle a été, réévaluée à 25 % cet été.

En Grèce, pays gouverné par la droite, les profits exceptionnels des sociétés de production d’électricité sont taxées à hauteur de 90 % depuis le mois de mai.

Au Royaume-uni, le gouvernement conservateur a décidé de taxer à 25% les compagnies pétrolières. Les compagnies britanniques opérant en mer du Nord, théoriquement taxées à 40 % sur leurs bénéfices, le sont désormais à 65 %.

En Espagne, le gouvernement socialiste a instauré une taxe de 25 % sur les superprofits des compagnies pétrolières ou gazières, et des banques. Cette taxe entrera en vigueur en janvier 2023.

Le gouvernement de centre droit Pays-Bas devraient adopter dans les semaines à venir des mesures sociales, financées par une taxe sur les bénéfices exceptionnels des entreprises pétrolières et gazières. Une augmentation des taxes sur les entreprises est également prévue.

Enfin, en en République tchèque la coalition de centre droit envisage d’introduire un impôt exceptionnel sur les sociétés énergétiques et les banques.

Comme quoi les gouvernements les plus attachés au libéralisme économique savent composer avec leurs convictions idéologiques lorsqu’il s’agit de préserver l’intérêt national.

3 Rétroliens / Pings

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