Superprofits : la Nupes propose un référendum

La Nouvelle union populaire écologique et sociale (Nupes) a présenté, mercredi 21 septembre, une proposition de loi pour taxer les superprofits des grandes entreprises. Le but : d’obtenir un référendum d’initiative partagée (RIP). Le gouvernement désapprouve.

Bruno Le Maire, le ministre de l’Economie et des finances, n’aime pas qu’on lui parle de taxer les superprofits. Il en a encore fait la démonstration, mardi matin au micro de France Inter :

Derrière cette supercherie de la taxation exceptionnelle sur les superprofits, se cache dans le fond le réflexe pavlovien de cette partie-là de l’échiquier politique : taxer tout le temps, tout le monde, qu’il soit gros ou qu’il soit petit.

Réflexe pavlovien. Le ton est donné. Dans le collimateur du ministre, il y a la proposition de loi présentée par la Nupes la semaine dernière. Celle-ci entend créer une contribution additionnelle sur les bénéfices exceptionnels des grandes entreprises.

Une procédure particulière

Pour que cette proposition de loi arrive devant les députés, les dirigeants de la NUPES, à l’initiative du socialiste Olivier Faure, ont opté pour le référendum d’initiative partagée. Cette procédure permet à une proposition de loi, présentée par un cinquième des membres du Parlement, d’être inscrite à l’ordre du jour des assemblées si elle est soutenue par 10 % du corps électoral. En résumé, il faut recueillir autour de 4,8 millions de signatures, ce qui n’est pas simple. En 2019, une précédente tentative pour s’opposer à la privatisation d’Aéroports de Paris avait échoué.

L’article 11 de la Constitution est très précis sur les questions pouvant être soumises à référendum. « Tout projet de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent, ou tendant à autoriser la ratification d’un traité« . Les parlementaires n’ont donc pas le droit de proposer la création d’une taxe ou d’un impôt. S’ils tentaient de passer outre, le Conseil constitutionnel censurerait la proposition de loi.

Que dit le texte ?

Voilà pourquoi le texte de la Nupes reste assez modéré dans ses ambitions et extrêmement prudent dans son intitulé. La députée socialiste Christine Pires Beaune a détaillé les précautions prises lors d’une conférence de presse le 21 septembre :

« Tous les mots du titre de cette proposition de loi ont été pesés au trébuchet. Donc “contribution” et pas “taxe”, vous l’aurez compris. C’est évidemment volontaire. “Additionnelle” pour passer simplement l’écueil de l’article 11. Et pourquoi “provisoire” ? Tout simplement parce qu’encore une fois on vous dit que c’est le contexte : à situation exceptionnelle, mesure exceptionnelle. On a des résultats au premier semestre 2022 équivalents à ceux de toute une année 2021, qui elle-même avait été supérieure à bien des années. »

Le texte est conjoncturel. Ses dispositions cesseront en 2025. Il vise toutes les grandes entreprises dont le chiffre d’affaires dépasse les 750 millions d’euros. La proposition de loi considère qu’il y a superprofit quand le bénéfice est supérieur de 25 % aux revenus constatés sur la moyenne des années 2017, 2018 et 2019, années normales d’exploitation. Si le texte est adopté, les superprofits seraient taxés de la façon suivante : à 20 % pour les bénéfices qui sont supérieurs de 25 % à la moyenne, à 25 % pour les bénéfices supérieurs de 50 % à la moyenne et à 33 % pour ceux qui sont au-delà de 75 %. Ce type de mesure n’est pas inédit. En 1916, le gouvernement français avait instauré une contribution sur les bénéfices de guerre, c’est-à-dire sur les superprofits réalisés par les industries de l’armement tandis que les poilus versaient leur sang dans les tranchées.

La contre-offensive de Le Maire

Mais rien n’arrête Bruno Le Maire dans sa croisade contre la taxation des superprofits. Toujours sur France Inter, il a soutenu que cette dernière serait inutile, puisque les mécanismes de régulation existants empêchent la constitution de rentes. Pour étayer son affirmation, le ministre brandit l’exemple du bouclier tarifaire pour 2023 : « Je rappelle que les tarifs auraient dû augmenter de 100 %. Ils vont augmenter de 15 %. Je rappelle que ça coûte, en coût brut, ce que l’État va sortir, 45 milliards d’euros. Mais en coût net, 16 milliards d’euros seulement. Pourquoi ? Parce que nous récupérons la rente des energéticiens, d’Engie, de Total, d’EDF ».

C’est le moment de sortir la calculette : 45 milliards moins 16 milliards, ça fait 29 milliards. D’où viennent ces 29 milliards qui vont tomber dans les caisses de l’État ? Des énergies renouvelables. Jusqu’à présent, quand le coût de l’électricité produite par le solaire ou l’éolien était supérieur au prix du marché, l’État compensait la différence. Mais le prix du mégawatt-heure (MWh) a été multiplié par douze en un an. Du coup, plus besoin de subventions. Les énergéticiens du solaire et de l’éolien vont rétrocéder à l’État 19 milliards de bénéfices. Ils vont également payer la CSPE, la Contribution au service public de l’électricité, taxe sur le transport de l’électricité pour un montant de 9 milliards, que l’État, jusqu’à présent, payait à leur place. Cet argent restera donc dans les caisses de Bercy. Le milliard restant provient de l’hydroélectricité.

Si ce mécanisme de compensation allège la facture du consommateur, il ne réduit en rien les gigantesques marges réalisées sur les énergies fossiles par Total ou Engie par exemple. En tant que producteurs d’énergie renouvelable, ces deux sociétés ont été aidées par l’État, malgré les profits réalisés sur le pétrole ou le gaz. Le paradoxe ne s’arrête pas là. Cet argent rendu par les grands groupes au titre de producteurs d’énergie renouvelable va alimenter la cagnotte du bouclier tarifaire. Autrement dit, les énergies renouvelables vont subventionner une partie des énergies fossiles.

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