Comme on s’y attendait, le bureau de l’Assemblée nationale a déclaré recevable la proposition de résolution de la France insoumise visant à destituer Emmanuel Macron. La gauche est en effet majoritaire dans cette instance : 12 députés sur 22. Le texte doit maintenant être examiné en Commission des lois. S’il est adopté, la discussion pourra alors se poursuivre en séance publique dans l’hémicycle.
C’est un événement inédit dans la 5e République où, à majorité, les membres du bureau ont considéré que le président de la République n’était plus le garant du bon fonctionnement des institutions républicaines et que donc le débat devait avoir lieu devant l’ensemble du peuple français, puisque ce sont des débats qui sont télévisés, et que ce débat était sain pour la démocratie.
Mathilde Panot, députée LFI et présidente du groupe LFI à l’Assemblée nationale, le 17/09/2024
Un chemin semé d’embûches
Mathilde Panot exagère quelque peu la portée de la décision. Au sein du bureau, les députés ne se prononcent pas sur le fond de la résolution, mais sur sa conformité avec le droit. Autrement dit sa recevabilité. C’est ce que souligne le député socialiste Inaki Echaniz qui siège au bureau de l’Assemblée nationale. Car lui et ses collègues sont par ailleurs hostiles à cette proposition de résolution.
Nous jugeons nécessaire que ce débat puisse avoir lieu ouvertement en commission des lois puis en hémicycle. Il s’agit simplement de faire respecter l’intention organique de l’article 68 et non pas d’avoir un débat d’opportunité dès le bureau de l’Assemblée nationale. Ce n’est pas son rôle. Nous avons fait respecter tout simplement le droit.
Inaki Echaniz, député PS et Secrétaire de l’Assemblée nationale, le 17/09/2024
Les écologistes ont également voté la recevabilité de la proposition de résolution. En revanche, aucune décision n’a été prise quant à leur vote en commission des lois.
Nous, écologistes, nous avons respecté “step by step” l’ensemble de la procédure, c’est-à-dire que nous nous sommes réunis pour décider collectivement que nous allions voter la recevabilité de ce texte en bureau de l’Assemblée nationale. C’est ce que Sabrina Sebaihi vient de vous dire. Et puis nous allons nous réunir aussi pour avoir une position. Mais je crois que c’est l’ensemble du Nouveau Front Populaire et l’ensemble des parlementaires qui doivent décider en leur sein.
Léa Balage El Mariky, députée écologiste et social, le 17/09/2024
Le bloc central agite le chiffon rouge
Du côté du bloc central, on dénonce une atteinte aux institutions.
La France insoumise est contre les institutions. Ca fait des années qu’elle l’est. Et elle contribue à cette motion de destitution, à continuer à ébranler nos institutions. J’allais dire “c’est grave”, mais là-dessus rien de nouveau sous le soleil de Caracas. Ce qui est grave, c’est qu’on a un parti de gouvernement, le Parti socialiste, qui nous disent que cette motion n’a aucun sens, qui nous disent que cette motion est grotesque, mais qui votent quand même sa “recevabilité” pour que le débat ait lieu.
Et ça, ça affaiblit de manière extrêmement forte l’Assemblée nationale elle-même, le bureau de l’Assemblée national lui-même, qui de ce point de vue devient une espèce de chambre d’enregistrement de toutes les idées les plus délétères des uns et des autres.
J’ai noté que monsieur Vallaud n’était pas présent au moment de ce vote. Je ne l’ai pas entendu prendre la parole. Moi j’en appelle à lui.
Roland Lescure, député EPR et vice-président de l’Assemblée nationale, le 17/09/2024
Un député macroniste devrait surtout éviter de dire n’importe quoi. Roland Lescure met en cause Boris Vallaud, le président du groupe socialiste. Le député du bloc central devrait pourtant savoir que les présidents des groupes parlementaires, s’ils ont le droit d’assister aux travaux du bureau de l’Assemblée, ne peuvent en aucun cas prendre part aux votes. Quant à l’atteinte aux institutions, c’est l’hôpital qui se moque de la charité.
On a fait remarquer à monsieur Attal qu’il ne faisait observer que c’était une résolution qui pouvait abîmer la fonction présidentielle, la 5e République. On a beaucoup d’exemples, et les Français, je crois, en jugent ainsi.
Le président de la République se charge très bien lui-même d’affaiblir la fonction présidentielle par son comportement, par cette dissolution insensée et non concertée, par cette procrastination qui a duré des semaines avant de décider et de choisir un Premier ministre, par son refus de reconnaître, que contrairement à tous les usages de la 5e République, de nommer un Premier ministre de la coalition arrivée en tête, même si elle n’était pas majoritaire et chacun en était conscient.
Stéphane Peu, député GDR et Secrétaire de l’Assemblée nationale, le 17/09/2024
Mais c’est Eric Ciotti qui reste le plus caricatural.
Au-delà de la personne du président de la République, ce sont nos institutions, celles de la 5e République qui sont visées et qui ont pour but, aujourd’hui, très clairement, de procéder à une forme de coup d’État politique de la part d’une minorité qui a choisi la violence en politique.
Éric Ciotti, député UDR et président du groupe UDR à l’Assemblée nationale, le 17/09/2024
En regard de ces outrances, le Rassemblement national apparaît mesuré. Un comble.
Les socialistes et même les communistes ont d’ailleurs annoncé qu’ils avaient voté la procédure en elle-même mais qu’ils ne comptaient pas voter la destitution du président de la République. Nous n’avons pas le goût de l’effort inutile. Les Français ont d’autres attentes, et nous aussi.
Sébastien Chenu, député RN, le 17/09/2024
Le président de la Commission des lois, le député Renaissance Florent Boudié, a indiqué qu’il ne s’opposerait pas à l’examen de la proposition de résolution des insoumis. Ces derniers ne comptent que 9 députés sur les 73 membres de ladite commission. L’aventure a toutes les chances de s’arrêter là.
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