La guerre Israël-Hamas déchire la Nupes

Mathilde Panot, députée du Val-de-Marne et présidente du groupe LFI-Nupes, lors d’une manifestation syndicale, à Paris, le 13 octobre 2023. ©Purepolitique

Tandis qu’à Gaza, les représailles israéliennes approchent les 3 000 morts, en majorité des civils, à Paris, la guerre entre le Hamas et Israël continue de fracturer la Nupes. Ce dimanche 15 octobre, le Parti communiste a décidé de prendre le large. Dans une résolution adoptée par son Conseil national, il appelle à construire un nouveau rassemblement de la gauche.

La Nupes, telle qu’elle a été constituée pour les élections législatives sous la volonté hégémonique de LFI, est devenue une impasse.

Déclaration du Conseil national du PCF, 15 octobre 2023

De son côté, Fabien Roussel a déclaré à France Info qu’il ne fallait plus compter sur lui pour participer aux travaux de la Nupes.

Nous faisons bien la différence entre les propos tenus par quelques dirigeants de La France insoumise – ceux qui m’ont traité de nazi et ceux qui ne savent pas qualifier le Hamas d’organisation terroriste – et la grande majorité de leurs militants, de leurs élus, qui eux n’ont pas de mal à qualifier ce qui s’est passé en Israël. Je ne peux pas m’asseoir à la même table que ceux qui m’ont traité de nazi.

Fabien Roussel, France Info, 15 octobre 2023

Mots très sévères pour LFI

Le secrétaire national du PCF laisse cependant toute latitude à son groupe parlementaire de poursuivre ou non un travail en commun avec ses partenaires de la Nupes. Autrement dit, entre le PCF et LFI, c’est terminé, mais entre les députés communistes, écologistes, socialistes et insoumis, la collaboration peut se poursuivre. 

Du côté des écologistes, le ton a également changé. Il y a quelques jours, Sandrine Rousseau a plaidé pour la suspension de la participation de son parti à l’intergroupe de la Nupes. Une initiative que la présidente du groupe, Cyrielle Chatelain, n’approuve pas. Ce qui ne l’empêche pas d’avoir des mots très sévères pour La France insoumise.

Avec ce qu’il s’est passé ce week-end, avec les horreurs qu’on a vues, mettre la question de la Nupes, ce week-end là, était une faute politique. Ce n’était pas le moment de se regarder le nombril, c’était le moment d’avoir une réponse forte face aux attaques qui ont eu lieu. Maintenant, la crise est ouverte et elle a démontré finalement notre incapacité à avoir une parole audible, à avoir une parole qui vienne finalement réhausser la parole de la France, montre qu’une partie du mandat que nous avaient donné les électeurs, c’est-à-dire d’être une union de la gauche et des écologistes pour gouverner, n’est pas rempli. Donc effectivement on doit se questionner. Une des raisons pour lesquelles je pense, aujourd’hui, que ce mandat n’est pas rempli, c’est que si on a fait une rupture programmatique avec l’ère Hollande, on n’a pas fait de rupture avec les vieilles pratiques politiques. On n’a pas fait de rupture avec la culture du chef. On est… finalement on voulait faire bouger la 5e République, et on s’est retrouvés pris au piège du présidentialisme. Nous devons avoir un mode de fonctionnement qui redonne la place à toutes les pluralités au sein de cette coalition.

Cyrielle Chatelain, députée de l’Isère et présidente du groupe parlementaire écologiste-Nupes, 14 octobre 2023

Crise interne

La crise traverse également La France insoumise. Les désaccords s’étalent publiquement. Sur Twitter, Danièle Obono, qui a rédigé le premier communiqué de LFI sur l’attaque du Hamas, s’en est prise, samedi 14 octobre, à François Ruffin. Le député insoumis de la Somme dénonçait la vengeance d’Israël dans un tweet. 

Cette admonestation n’a pas empêché François Ruffin de répéter, dimanche 15 octobre, qu’il considérait le Hamas comme une organisation terroriste. 

Je considère que notre parole n’a pas été à la hauteur, qu’il faut poser des mots vrais, que les gens comprennent quand il y a des actes terroristes, il faut dire que ce sont des actes terroristes. […] Je vous dis que je ne viens pas pour ça, très clairement. J’ai dit dans Le Monde ce que j’en pensais. Je l’ai dit avec clarté. Si vous voulez, vous pouvez me citer en long, en large et en travers, parce que je ne renonce pas à un mot de ça. Mais en revanche, on est dans un autre temps maintenant monsieur Duhamel.

François Ruffin, député LFI-Nupes de la Somme, BFMTV, 15 octobre 2023

François Ruffin n’est pas le seul

Au sein de LFI, François Ruffin n’est pas le seul à utiliser le qualificatif de terrorisme à propos du Hamas. Dans le département de Loire-Atlantique, les insoumis ont signé une déclaration avec l’ensemble des forces de gauche. Texte qui commence ainsi : 

Unies, les organisations politiques de gauche du département condamnent l’attaque terroriste du Hamas contre Israël et appellent à des solutions politiques et diplomatiques pour une paix juste et durable au Proche-Orient.

Communiqué de la Nupes Loire-Atlantique, 11 octobre 2023

Même situation en Ille-et-Vilaine où les composantes de la Nupes, y compris les insoumis, « condamnent les attaques terroristes et les crimes de guerre du Hamas contre Israël ». Formule de compromis qui permet de préserver l’unité. Enfin, ce lundi 16 octobre, Le Figaro rapporte des propos sans appel de Raquel Garrido, députée insoumise de Seine-Saint-Denis :

En décembre dernier, Jean-Luc Mélenchon avait le choix d’aider à faire mieux, comme il nous y avait invités après la présidentielle, ou de nuire. Je dois constater qu’il n’a fait que nuire depuis dix mois.

Raquel Garrido, Le Figaro, 16 octobre 2023

Distances

Pour ce qui est des socialistes, c’est mardi 17 octobre qu’on connaîtra leur position. Le parti d’Olivier Faure avait prévu de tenir un conseil national ce samedi, mais il a reporté la réunion à mardi en raison de l’attentat d’Arras. En interne, Carole Delga et Anne Hidalgo pressent le premier secrétaire de rompre avec la Nupes. Mais Olivier Faure s’y refuse, estimant que ce serait faire là un cadeau à Jean-Luc Mélenchon. 

Il estime que ce dernier cherche à briser la coalition électorale pour être assuré de pouvoir se présenter à la présidentielle de 2027. Le chef de file de LFI éviterait ainsi d’éventuelles primaires. Pour Olivier Faure, il n’est pas question d’endosser la responsabilité d’une rupture qu’il n’a jamais souhaitée. À défaut d’un divorce définitif, le Conseil national du PS devrait prendre très nettement ses distances avec le chef de file de La France insoumise.

Pas de présage de réconciliation

Vendredi 13 octobre, en marge de la manifestation syndicale, Mathilde Panot renvoyait ses partenaires de la Nupes à leurs propres interrogations.

C’est à eux de répondre à leurs propres questions. Ce sont eux qui posent des questions sur la Nupes, moi je vais vous dire : nous avons fait la Nupes après des élections présidentielles où à 420 000 voix une alternative politique s’offrait au pays au second tour des élections présidentielles. Nous avons, je recite les mots de Jean-Luc Mélenchon, « jeté la rancune à la rivière » et décidé de faire la Nupes qui, je crois, a levé un immense espoir dans le pays. Nous avons fait un programme de gouvernement avec 650 mesures qui sont dans ce programme de gouvernement et je crois qu’il est de notre devoir, comme responsables politiques, de respecter ce programme, d’être à la fois les opposants, les premiers opposants à Emmanuel Macron, mais aussi les premiers proposants. Et donc c’est à ceux qui posent la question d’y répondre. Ce n’est pas à moi.

Mathilde Panot, députée du Val-de-Marne et présidente du groupe LFI-Nupes, 13 octobre 2023

Cette posture droit dans ses bottes ne présage pas d’une réconciliation. Reste à savoir comment les électeurs jugeront les uns et les autres. Les élections européennes apporteront certainement la réponse.

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