Israël-Hamas : la Nupes explose sur les propos de Danièle Obono

Raquel Garrido, députée LFI de Seine-Saint-Denis, à l’Assemblée nationale, le 17 octobre 2023. ©Purepolitique

Cette fois, les carottes sont cuites. La Nupes est officiellement plongée dans un coma qui apparaît irréversible. Olivier Faure a débranché le patient mardi 17 octobre.

Moi je proposerai ce soir aux socialistes un moratoire.

Ce soir c’est la Conseil national du Parti socialiste, vous serez 300 participants.

Je suggérerai que tant que nous n’avons pas réussi à obtenir une clarification, que nous ne participions plus aux travaux de l’intergroupe de la Nupes. Je cherche quoi ? Je cherche non pas moins d’union, je cherche au contraire plus d’union.

Olivier Faure, député de Seine-et-Marne et secrétaire national du Parti socialiste, France Inter, 17 octobre 2023

Crise ouverte il y a plusieurs mois

La position adoptée par La France insoumise sur la guerre entre Israël et le Hamas n’est que le point d’arrivée d’une crise ouverte il y a plusieurs mois. Devant le Conseil national du Parti socialiste, réuni mardi soir à Ivry, Olivier Faure a longuement énuméré les griefs : la bordélisation des débats au moment de la réforme des retraites, bordélisation qui a empêché le vote sur le report de l’âge à 64 ans, le retour d’Adrien Quattenens, le refus d’appeler au calme pendant les émeutes de juillet et, bien sûr, l’obstination à ne pas reconnaître le caractère terroriste du Hamas.

Nous n’avons pas signé, quand nous avons signé l’accord de la Nupes, pour la bordélisation permanente. Nous avons signé au contraire pour une gauche qui se tient debout, pour une gauche qui propose, pour une gauche qui sait, enfin, se retrouver pour proposer au pays un projet. Pas pour être dans l’AG du move permanente. Pas pour donner le sentiment que nous sommes dans la énième AG du syndicalisme étudiant. Non, nous sommes celles et ceux qui aspirons, qui voulons gouverner. […] Jean-Luc Mélenchon a été, évidemment, un facteur d’union mais aujourd’hui il est devenu un obstacle à cette même union. On ne peut pas conflictualiser à tout bout de champ. On ne peut pas fracturer la gauche. On doit, au contraire, la rassembler. Et c’est la raison pour laquelle ce matin j’ai dit qu’il ne pouvait plus prétendre incarner l’ensemble de la gauche alors qu’il la fracture, alors qu’il la divise.

Olivier Faure, Conseil national du PS, 17 octobre 2023

Un vote a conclu cette réunion. Résultat, 150 membres du Conseil national ont voté pour se retirer temporairement de la Nupes, et 126 ont voté contre parce qu’ils voulaient que ce retrait soit définitif.

Tempête sur Sud Radio

Comme pour donner raison à Olivier Faure, l’insoumise Danièle Obono a déclenché une tempête, mardi 17 octobre, au micro de Sud Radio.

Est-ce que c’est un mouvement de résistance ?

C’est un groupe politique, islamiste, qui a une branche armée, et qui s’inscrit dans les formations politiques palestiniennes.

C’est un mouvement de résistance ?

Qui a pour objectif la libération de la Palestine.

C’est un mouvement de résistance ?

Qui résiste à une occupation.

Donc c’est un mouvement de résistance ?

Oui.

Oui, c’est un mouvement de résistance. C’est ce que vous pensez. 

Qui se définit comme telet qui est reconnu comme tel par les instances internationales.

C’est un mouvement de résistance.

Danièle Obono, député LFI de Paris, Sud Radio, 17 octobre 2023

« Consternant » pour Raquel Garrido

Certes, Jean-Jacques Bourdin s’y est repris à sept reprises pour arracher cette réponse. Il n’en reste pas moins qu’elle a été prononcée et qu’elle a ébranlé jusqu’au groupe parlementaire de La France insoumise.

Le Hamas n’est pas un mouvement de résistance. C’est très clair. Franchement, je trouve consternant ce type de… aller pour être gentille je vais dire un malentendu. Le mieux, ça serait que notre collègue Danièle Obono retire ses propos. Ce serait le mieux. Sans trahir le contenu de notre discussion ce matin en réunion de groupe qui relève de la souveraineté du groupe, je peux vous dire qu’il y avait unanimité pour dire que ce n’était pas nous ces propos-là. Ces propos ne reflètent pas ce que nous sommes, ce que nous pensons. Personne, dans le groupe, considère que le Hamas est une organisation de résistance.

Raquel Garrido, députée LFI de Seine-Saint-Denis, Assemblée nationale, 17 octobre 2023

Absence de démocratie interne

Mais l’absence quasi-totale de démocratie interne ne facilite pas les choses, comme le dénonce Raquel Garrido.

C’est un secret pour personne que nous avons des débats à l’Assemblée nationale mais aussi dans le mouvement, sur notre fonctionnement. Mais ce sont des débats qui sont difficiles à mener dans un contexte, dans un cadre qui n’est pas démocratique. Donc on fait ce qu’on peut. Je pense que nous devons faire mieux. Je pense que nous pouvons faire mieux. Et je demande à chacun d’y mettre du sien pour ne pas nous empêcher de le faire. Mais cela dit, je voudrais être très claire : je n’accepterai que personne mette en cause ma qualité d’insoumise. Et je n’accepte pas les appels à ce que nous partions ou que sais-je. Ca n’est pas par des coups de butoir et des appels disciplinaires, ou excluants, que les difficultés qui sont celles de la France insoumise, seront réglées.

Raquel Garrido, Assemblée nationale, 17 octobre 2023

Jean-Luc Mélenchon aura reçu le message. Y compris les sous-titres. Du côté des écologistes, la condamnation des propos de Danièle Obono est tout aussi nette.

Il n’est pas acceptable de dire que le Hamas serait un mouvement de résistance. C’est une organisation terroriste.

Cyrielle Chatelain, députée de l’Isère et présidente du groupe parlementaire écologiste-Nupes, Assemblée nationale, 17 octobre 2023

Politique de la chaise vide

Le moratoire socialiste s’est traduit dès mardi matin par l’absence des députés PS à la réunion de l’intergroupe Nupes. Cette politique de la chaise vide a déclenché une réaction en chaîne : les Écologistes ont décidé à leur tour de ne plus siéger dans cette instance. 

La question c’est : est-ce qu’un intergroupe avec les quatre groupes de la Nupes se réunit ? Si ce n’est pas le cas, on ne peut pas participer à quelque chose qui n’existe pas. Par contre, nous, nous croyons à l’union de la gauche et des écologistes. C’est pour ça qu’on appelle les 151 députés à venir échanger. Si on est dans une période difficile, revenons à la base. C’est-à-dire : on met tout le monde autour de la table, que tout le monde puisse porter sa parole et soit associé à la décision. C’est ça notre proposition.

Cyrielle Chatelain, Assemblée nationale, 17 octobre 2023

Cyrielle Chatelain propose que se tienne dans les plus brefs délais une assemblée générale des députés de la Nupes. Mais voudront-ils venir ? Et sont-ils prêts à accepter de nouvelles règles de conduite ?

Aspiration à l’union

Si la Nupes est moribonde, l’aspiration à l’union ne l’est pas. Socialistes, communistes et écologistes n’imaginent pas l’emporter en 2027 sans les insoumis, ce qui ne veut pas forcément dire avec Jean-Luc Mélenchon. Ou derrière celui-ci. 

Je me suis adressé aux dirigeants de la France insoumise pour leur dire que ça ne pouvait pas continuer comme ça. Ni les insultes, ni l’impossibilité pour eux de qualifier d’organisation terroriste le Hamas. Je ne me suis pas étendu sur l’ensemble des griefs que nous avons mais ils sont nombreux. Mais en tout cas je leur ai dit, clairement, que tant qu’il n’y avait pas une clarification sur ces sujets importants, nous ne pouvons pas continuer à travailler ensemble, et nous rompons, donc, toute relation tant qu’il n’y a pas de clarification. Et en disant cela, je voudrais faire une différence entre les dirigeants de La France insoumise, qui ont entretenu des propos insupportables, et l’immense majorité des militants avec qui nous travaillons dans beaucoup de collectivités, dans des majorités, et avec qui ça se passe très très bien.

Fabien Roussel, député du Nord et secrétaire national du Parti communiste, Assemblée nationale, 17 octobre 2023

Reste maintenant à construire le cadre qui permette un rassemblement, sans caporalisme d’un parti ou d’un individu. L’équation est complexe car la culture du compromis n’est pas dans la tradition politique française. Tout n’est peut-être pas perdu cependant. La gauche a déjà connu ce genre de scénario. En 1977, le Parti communiste rompt l’accord conclu cinq ans plus tôt avec le PS sur un programme de gouvernement. Aux élections législatives de l’année suivante, la gauche se prend une veste. Mais en 1981, François Mitterrand, dont le programme reprend l’essentiel des propositions du programme commun est élu président de la République. La dynamique de l’union a triomphé des divisions entre les appareils. Certes, l’histoire ne se répète jamais au mot près. Mais rien n’est définitivement écrit, même la victoire de Marine Le Pen.

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