Divergences entre Macron et Borne

Élisabeth Borne, Première ministre, lors des Rencontres jeunesse Matignon, le 3 mars 2023. ©Matignon

Élisabeth Borne appelle au respect « d’une période de convalescence ». C’était jeudi 6 avril, au cours d’un entretien informel avec des journalistes. Convalescence de qui ? Du pays ? Du gouvernement ? Ou de la Première ministre elle-même ? Du pays si l’on en croit le reste des propos rapportés par Le Monde. Élisabeth Borne aurait explicité sa réflexion en ces termes :

Nous devons être extrêmement attentifs à ne pas brusquer les choses, il faut laisser reposer. Le pays a besoin d’apaisement.

Élisabeth Borne, Première ministre, Le Monde, 7 avril 2023

Cela fait sourire l’opposition. 

Le terme de « convalescence », c’est le médecin malgré lui. Elle fait la saignée et puis ensuite elle s’en étonne. Donc la première des choses c’est que pour panser le malade il faut, et pour lui permettre la convalescence, il faut peut-être retirer l’écharde qu’on lui a mis dans le pied.

Boris Vallaud, député des Landes et président du groupe socialiste-Nupes, « Le Grand Jury », LCI-RTL-Le Figaro, 9 avril 2023

Mission assignée

La Première ministre aura certainement été trahie par son inconscient. Car s’il y a une grande blessée politique de la réforme des retraites, c’est bien elle. Élisabeth Borne avait promis le dialogue, ça s’est terminé à coup de 49-3 et de matraques. Une réussite…

Depuis la Chine où les nuits ne sont pas toujours câlines, Emmanuel Macron s’est ému de l’emploi du mot « convalescence ». Vendredi, l’entourage du chef de l’État a donc rappelé que celui-ci avait fixé un cap lors de son entretien sur TF1 et France 2, et qu’il avait assigné une mission à sa Première ministre. En déplacement à Rodez, Borne a accusé réception du missile intercontinental tiré par l’Élysée :

Le président de la République fixe le cap, je travaille à un programme de gouvernement et à un agenda législatif. On partage les mêmes objectifs : apaiser le pays et apporter des réponses concrètes et rapides aux Français.

Élisabeth Borne, Première ministre, BFMTV, 7 avril 2023

Drapeau blanc hissé

Ce qui ne veut rien dire. S’il s’agit d’élargir la majorité, c’est sans espoir. Les Républicains se sont révélés des partenaires défaillants. Au point qu’Élisabeth Borne a préféré recourir au 49-3 pour éviter un vote sur son projet de loi. Pourquoi seraient-ils plus fiables à présent ?

Et s’il s’agit de renouer avec les syndicats, c’est impossible tant que la réforme des retraites n’est pas retirée. Samedi 8 avril, dans les colonnes du Parisien, abdiquant toute dignité, la Première ministre a hissé le drapeau blanc :

Je suis à ma tâche. Pas pour répondre à un plan de carrière, j’ai passé l’âge. Mais parce que je pense encore être utile dans la crise que traverse notre pays.

Élisabeth Borne, Première ministre, Le Parisien, 8 avril 2023

Barrer la route à Gérald Darmanin

Gardez-moi, nôt’ bon maître, je peux encore vous servir ! Dans les colonnes du Monde, le député européen Pascal Canfin, qui est aussi secrétaire général délégué de Renaissance, livrait samedi la grille de lecture de cette étrange représentation. Une comédie qui pourrait s’appeler : « Un pas en avant, deux pas en arrière ». Il s’agit, pour le courant le moins droitier de la Macronie, de barrer la route de Matignon à Gérald Darmanin. 

Et le meilleur moyen d’empêcher le ministre de l’Intérieur de prendre du galon, c’est de conserver Élisabeth Borne à son poste. Là est sa véritable utilité. Voici ce que déclare Pascal Canfin :

Il n’y aurait aucun bénéfice politique à changer la Première ministre, sauf pour changer de ligne. […] Nous ne devons pas tomber dans une hystérisation du débat, dans la conflictualité et dans la stratégie de la tension. […] Dans le cas contraire, nous ferons le jeu de l’extrémisme et de l’affaiblissement de la démocratie.

Pascal Canfin, Le Monde, 8 avril 2023

En clair, dit le député macroniste, si on continue à braconner sur le territoire du Rassemblement national, on va se faire bouffer par Marine Le Pen. Le chef des braconniers, c’est bien sûr Gérald Darmanin. La fracture entre l’Élysée et Matignon se double donc d’un conflit au sein de la Macronie.

Il y a d’un côté ceux qui pensent pouvoir aspirer la droite et s’emparer de son espace politique, et de l’autre ceux qui veulent que Renaissance conserve une position centrale entre le RN et la Nupes. Comment survivre au départ d’Emmanuel Macron en 2027 ?

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