Pénurie de carburant : le gouvernement contourne le droit de grève

Les grèves des salariés des raffineries se poursuivent, et de ce fait les pénuries de carburant un peu partout en France. La Première ministre, Elisabeth Borne, a décidé, ce mardi 11 octobre, de réquisitionner leurs personnels pour faciliter les approvisionnements. La décision du gouvernement ne fait pas l’unanimité à l’Assemblée.

Depuis 48 heures, le pays échappe au gouvernement. Les pénuries d’essence et les tensions croissantes à l’Assemblée nationale donnent l’impression que l’exécutif est dépassé par les événements. Devant les députés, mardi 11 octobre, Élisabeth Borne a tenté de reprendre la main. La Première ministre a annoncé qu’elle réquisitionnait les salariés du groupe Esso-ExxonMobil. « Des accords sont possibles, il y a d’ailleurs eu un accord majoritaire signé hier chez Esso. Aujourd’hui, une partie des organisations, malgré cet accord, veut poursuivre le mouvement et continuer le blocage. Nous ne pouvons pas l’accepter. Dès lors, j’ai demandé aux préfets d’engager, comme le permet la loi, la procédure de réquisition des personnels indispensables au fonctionnement des dépôts de cette entreprise. »

Une décision applaudie sur les bancs des macronistes, notamment par Prisca Thévenot, députée des Hauts-de-Seine. « A l’heure où nous nous parlons, là maintenant, il y a des hommes, des femmes, qui sont prises en otage de cette grève préventive, et j’insiste sur ce mot, préventive. Ils ont besoin de se déplacer tout simplement, et donc nous devons pouvoir y répondre ce à quoi la Première ministre vient de répondre dans l’hémicycle. »

« Une absence de courage »

Du côté de LR, on trouve que le gouvernement la joue petit bras. C’est ce qu’Eric Ciotti, député des Alpes Maritimes, laisse entendre : « D’abord elle ne parle sur les réquisitions que d’Exxon. Je l’ai dit très clairement, il y a une forme d’absence de courage, de l’absence de ce gouvernement. Il y a beaucoup plus de coups de menton pour limoger les policiers de la police judiciaire de Marseille ou d’ailleurs que de mettre au pas la CGT qui bloque le pays. Monsieur Véran, un peu comme sur les masques, a nié la gravité de la pénurie qui touche le pays. J’appelle le gouvernement à agir, parce qu’aujourd’hui, légitimement, les Français ont le sentiment que le pays n’est pas gouverné. »

Au RN, la position est plus ambiguë. Quand on se veut à la fois le parti de l’ordre et celui des classes populaires, il est difficile d’applaudir ouvertement les réquisitions. Entre les grévistes et la matraque, il faut choisir. Marine Le Pen s’est donc livrée à un savant exercice de contorsion. « La meilleure solution c’est le dialogue social, ça se prépare en amont, voilà. Et le gouvernement aurait très bien pu, encore une fois, faire pression, intervenir, défendre son dossier pour que ce dialogue social puisse aboutir. Il ne l’a pas fait, il subit la situation et se retrouve dans la situation d’attendre un résultat de ce dialogue social et de ne pas avoir d’autres choix que de procéder aux réquisitions qui ne sont jamais, bien sûr, la bonne solution. »

La grève, un droit constitutionnel

À gauche, bien sûr, Olivier Faure, député de Seine-et-Merne et premier secrétaire du PS, proteste : « La grève, comme manifestation, est un droit constitutionnel. C’est la possibilité pour des gens de s’exprimer pour inverser un rapport de force. Le rapport de force dans l’entreprise, il est favorable au chef d’entreprise et on voit bien que dans cette histoire de Total, c’est un chef d’entreprise qui se donne tous les droits y compris celui de s’augmenter massivement alors qu’il laisse les autres de côté. »

Fabien Roussel, député du Nord et secrétaire national du PCF, met en garde le gouvernement sur les risques d’extension du mouvement. « Je crains que le gouvernement ajoute de l’huile sur le feu. Je crains que le gouvernement fasse pire que mieux et que ça déchaîne plus de colère de la part des salariés. Je crains que d’autres salariés se mettent en grève derrière ça, par réaction. Parce que ce n’est pas la solution. La solution c’est d’aboutir à une plus juste répartition des richesses. 2,5 milliards d’euros de dividendes, ça correspond à 300 euros de salaires pour 35 000 salariés de Total pendant 12 ans ! »

Mathilde Panot, députée La France insoumise du Val-de-Marne, pointe les responsables du blocage. « On a bien compris que la Première ministre avait choisi la matraque face aux revendications légitimes des grévistes, et nous ne sommes pas d’accord avec cela. Parce que celles et ceux qui bloquent aujourd’hui les 18 millions de personnes qui dépendent de leur voiture pour aller au travail, c’est bien le gouvernement, notamment parce qu’ils refusent d’augmenter les salaires, main dans la main avec le Rassemblement National. »

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