La nomination du gouvernement se fait attendre dans l’indifférence générale

La délégation socialiste reçue à Matignon, le 17/09/2025 ©PurePolitique

On l’a un peu perdu de vue, mais la France n’a toujours pas de gouvernement. Certes, cela ne semble pas bouleverser outre mesure les Français. Comme s’ils estimaient que ce nouveau Premier ministre ne durerait pas plus longtemps que les deux qui l’ont précédé. Mais voilà, sans gouvernement, l’Assemblée nationale ne peut pas délibérer. Et la session parlementaire doit débuter le 1er octobre. C’est l’article 28 de la Constitution qui le dit : “Le Parlement se réunit de plein droit en une session ordinaire qui commence le premier jour ouvrable d’octobre et prend fin le dernier jour ouvrable de juin”.

Entre autres menus travaux, les députés doivent commencer à examiner le projet de loi de finances pour 2026. C’est-à-dire le budget. Ce projet de loi doit leur être communiqué, au plus tard le 13 octobre. La Constitution leur accorde ensuite 70 jours pour l’amender et, soyons fou, le voter. Je dis ça, parce que ça se termine le plus souvent par un recours à l’article 49-3. Sébastien Lecornu a donc intérêt à hisser la grand-voile rapidement. Mais comme le remarquait Marine Tondelier dans la manifestation du 18 septembre, le Premier ministre est coincé.

Monsieur Lecornu nous a fait part de beaucoup d’intentions hier, encore assez floues, mais bon il a jusqu’à octobre pour trouver des solutions. Donc je vois bien que tant qu’il n’avance pas avec son propre camp, c’est compliqué d’être très clair sur ce qu’il peut proposer aux autres. Il est sur des intentions mais on voit bien que sur son équation, elle est assez insoluble, puisque plus il va devoir aller chercher monsieur Retailleau, madame Dati, madame Vautrin, monsieur Darmanin, plus il va aller dans une direction qui ne peut pas nous satisfaire. En réalité, les mêmes causes continueront d’entraîner les mêmes conséquences.

Marine Tondelier, secrétaire nationale des Écologistes, le 18/09/2025

Sébastien Lecornu caresse l’idée d’obtenir des socialistes un accord de non-censure. Mais on n’en prend pas le chemin.

Le Premier ministre est resté très flou sur ses intentions. Il continue à consulter, et nous n’avons pas, au moment où on se parle, la moindre indication de ce qu’il ferait, et donc nous restons évidemment très prudents sur ce qui pourrait se passer. Nous lui avons dit très clairement que s’il était là pour refaire François Bayrou, les mêmes causes produiraient les mêmes effets et que nous censurerions dès la discussion de politique générale.

Olivier Faure, député « Écologistes et apparentés » et Premier secrétaire du Parti socialiste, le 17/09/2025

Et ce dimanche, Boris Vallaud a confirmé que la donne n’avait pas changé.

Il n’y a pas de négociation aujourd’hui pour la simple et bonne raison que nous ne connaissons rien des latitudes du Premier ministre. Je ne suis pas certain que lui-même les connaisse. Quand j’écoute le bloc central, dans son extrême diversité, j’entends ceux qui disent : “Bah oui il va falloir bouger sur la taxation des très hauts patrimoines” et puis d’autres, dans le même parti, dans le même groupe parlementaire, qui disent : “Pas question !”.

Boris Vallaud, président du groupe « Socialistes et apparentés » à l’Assemblée nationale, le 21/09/2025

Négociation impossible

A moins d‘une suspension de la réforme des retraites et de la mise en place de la taxe Zucman, Sébastien Lecornu n’obtiendra rien des socialistes. A six mois des élections municipales, ces derniers ne vont pas se saborder pour sauver une macronie à son crépuscule. Mais le Premier ministre doit également composer avec le patronat. Patrick Martin, le patron du Medef, l’a déjà menacé d’une mobilisation des patrons. C’est maintenant Bernard Arnaud qui sort l’artillerie. Dans le Sunday times, le numéro un mondial du luxe, s’en est pris à Gabriel Zucman dans des termes extrêmement violents.

“On ne comprend pas les positions de M. Zucman si l’on oublie qu’il est d’abord un militant d’extrême gauche. A ce titre, il met au service de son idéologie (qui vise la destruction de l’économie libérale, la seule qui fonctionne pour le bien de tous) une pseudo-compétence universitaire qui, elle-même, fait largement débat.”

Au-delà de son outrance, cette charge est maladroite politiquement. Car elle fait de la taxe Zucman la ligne de partage entre la gauche et la droite. Ce qui n’arrange pas le pauvre Lecornu. Du côté de Bercy, on mouline pour trouver quelque chose qui pourrait ressembler à une contribution renforcée des ultra riches. Un ersatz de taxe Zucman. Il y a d’abord le retour de la contribution différentielle sur les hauts revenus que François Bayrou avait fini par lâcher avant d’être renversé. Mais elle ne rapporte que des clopinettes. 2 milliards d’euros tout au plus. La taxe Zucman en rapporterait 10 fois plus.

Du coup, les crânes d’œuf de Bercy phosphorent sur la taxation des holdings, puisque c’est là que dort l’essentiel de la fortune des ultra riches. A voir ce qu’il en sortira. Mais il y a urgence. C’est ce mercredi qu’expire l’ultimatum de l’intersyndicale. Sébastien Lecornu a convié les huit dirigeants syndicaux à Matignon. Il faudra autre chose qu’une tasse de café et des chouquettes pour les satisfaire. L’autre grand arbitre de la survie du Premier ministre, le Rassemblement national, ne se montre guère plus conciliant.

Ce soir, on est nulle part. Nous attendons encore une fois des annonces, des décisions. Nous nous attendons à un budget pour pouvoir juger si véritablement il y a une rupture, ou pas. Et comme l’a rappelé Jordan : s’il n’y a pas de rupture il y aura censure.

Marine Le Pen, présidente du groupe « Rassemblement national » à l’Assemblée nationale, le 17/09/2025

Laurent Jacobelli a précisé les lignes rouges qui, si elles étaient franchies, conduiraient à la censure.

S’il négocie avec le PS l’augmentation des impôts parce qu’on voit bien qu’il y a une espèce de radicalité fiscale qui s’est emparée aujourd’hui de nos gouvernants. Si c’est pour ça, ce sera sans nous. Si c’est pour travailler avec un gouvernement où on a à la fois des LR défroqués et des socialistes en mal de postes ministériels, ce sera sans nous.

Laurent Jacobelli, député « Rassemblement national », le 21/09/2025

A l’Assemblée nationale, la rentrée ne s’annonce pas moins tendue. Avec ou sans gouvernement, les députés commenceront par renouveler leurs instances. Le premier et le deux octobre, ils désigneront ainsi les présidents de commission, les questeurs, les vice-présidents et les secrétaires. Faute d’un accord général sur la présence du Rassemblement national dans ces instances, ce renouvellement a toutes les chances de tourner à la foire d’empoigne. Ce sera un excellent indicateur sur les intentions des uns et des autres. N’oubliez pas le pop-corn.

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