Macron déroule le programme de sa guerre sociale

Le Président de la République a pris la parole dans les JT de 20 heures de TF1 et France 2, dimanche 24 septembre.

Emmanuel Macron, président de la République, au Palais de l’Élysée, le 11 mai 2023. ©Élysée

On connaissait déjà Bruno demande, le surnom qu’a gagné le ministre de l’Économie et des Finances à force de demander aux uns et aux autres d’arrêter de faire leur beurre sur le dos des consommateurs. Depuis le 24 septembre, on a Emmanuel de la table ronde. Pas celle des chevaliers du roi Arthur. Ce serait trop beau.

Non, plutôt celle autour de laquelle on réunit des gens pour leur faire les gros yeux. Mais ça marche rarement. On l’a vu avec la grande distribution qui se refuse à vendre à perte le carburant sur les parkings des hypermarchés. Qu’à cela ne tienne : Emmanuel Macron n’insiste pas, il a une nouvelle idée ! 

La Première ministre va rassembler tous les acteurs de la filière cette semaine et on va leur demander de faire à prix coûtant. C’est-à-dire que personne ne fasse de marge.

Emmanuel Macron, président de la République, TF1-France 2, 24 septembre 2023

« Personne ne doit profiter de cette crise »

On va leur demander… Et s’ils ne veulent pas ? On les met au coin ? Ou alors on les invite à dîner ? On leur fait porter des fleurs ? D’ailleurs, Emmanuel Macron croit si peu à sa proposition qu’il reconduit le chèque annuel de 100 euros pour ceux qui gagnent moins de 1 314 euros nets par mois. Sachant qu’un plein avoisine actuellement la centaine d’euros, les voilà bien lotis… 

Pour l’agroalimentaire, le chef de l’État prévoit également une table ronde. Un secteur dont, hier soir, il a semblé tout découvrir. C’est vrai qu’à l’Élysée, ce n’est pas lui qui fait les courses.

Ce mercredi au Conseil des ministres, un texte arrive qui va nous permettre de réouvrir ce qu’on appelle les négociations commerciales. Avec les grands industriels. On a des grands groupes qui, en effet, ont fait flamber les prix de certaines de leurs marques. Et donc, eux, on veut les remettre autour de la table et passer plus vite la baisse des prix. Parce que parfois ils ont augmenté les prix en prenant le haut de la courbe de leurs matières premières qui remontait à il y a quelques mois. On va mettre en place, et je vais y veiller personnellement, un accord sur la modération des marges dans tout le secteur. C’est-à-dire qu’aujourd’hui, au fond, on a une crise sur l’alimentaire, ça pèse sur la vie de nos compatriotes. C’est insupportable de voir tant de nos compatriotes qui sont dans cette situation de devoir choisir des biens essentiels, pour eux, pour leurs enfants, pour leur famille. Personne ne doit profiter de cette crise.

Emmanuel Macron, TF1-France 2, 24 septembre 2023

« Ça ne marche pas le blocage des prix »

Emmanuel Macron devrait en parler au gars qui est à l’Élysée depuis six ans. Il aurait peut-être pu faire quelque chose. Non, j’exagère. Même Jupiter, parfois, ne peut rien faire. Ainsi, lorsque Laurent Delahousse, impertinent journaliste bolchevique du service public, lui demande s’il va bloquer les prix, le président lui répond qu’il ne faut quand même pas rêver. 

Vous modérez les marges, ça veut dire quoi ? Blocage des prix ? Ça veut dire quoi ?

Non, on n’est pas dans des prix administrés. Ça veut dire que tous ceux qui font des excès… 

Certaines personnes de l’opposition souhaitent un blocage des prix, soit une baisse de la TVA. 

Ça, je vais vous dire, ça ne marche pas le blocage des prix. 

Pourquoi ça ne marche pas ? 

Parce que les prix ne sont plus administrés dans notre pays. Ce qui marche, c’est de remettre tout le monde autour de la table.

Emmanuel Macron, TF1-France 2, 24 septembre 2023

Il ne jure que par la table ronde

Un peu d’explications sur cette histoire de prix administrés. C’est ce qu’on appelait il y a quarante ans encore le contrôle des prix. Un dispositif mis en place en 1945. Les prix étaient plafonnés par le gouvernement. Mais le 1er décembre 1986, une ordonnance a tiré un trait définitif sur ce système. Depuis cette date, les prix sont « librement déterminés par le jeu de la concurrence ». Cependant le Code du commerce prévoit toujours que dans certaines circonstances, le gouvernement peut bloquer les prix : « une situation de crise, des circonstances exceptionnelles, une calamité publique ou une situation manifestement anormale du marché dans un secteur déterminé »

La situation actuelle rentre incontestablement dans ces critères. Le président pourrait par conséquent bloquer certains prix. Au moins sur les produits et les services de première nécessité. On l’a bien fait au moment du Covid avec les masques et le gel hydroalcoolique. Mais Emmanuel Macron s’y refuse. Il ne jure que par la table ronde. Cet homme aurait dû travailler chez Ikea. Et les salaires ? Ben on fait une table ronde !

Rattrapage

On va ensuite continuer d’accompagner l’augmentation salariale. C’est pour ça qu’il y a une conférence sociale qui va s’organiser début octobre. 

Donc ça veut dire que les Français, ce qu’ils entendent ce soir, c’est qu’il y a une possibilité pour eux, pour les classes moyennes, pour les plus bas salaires, d’être augmentés ?

On va travailler avec toutes les branches qui ont encore un salaire minimum qui est sous le Smic légal.

Emmanuel Macron, TF1-France 2, 24 septembre 2023

Ne mentez pas. Vous avez cru un instant que les salaires allaient augmenter. Eh bien c’est râpé. Il s’agit juste d’aligner ceux qui sont en dessous du Smic sur le minimum légal. Du rattrapage. Car il est hors de question d’aligner les salaires sur les prix.

Complaire à la droite et à l’extrême droite

Je ne suis pas pour qu’on indexe tous les salaires sur les prix parce qu’à ce moment-là on crée complètement une boucle inflationniste.

Emmanuel Macron, TF1-France 2, 24 septembre 2023

Autrement dit, pour éviter d’alimenter une inflation, dont le président lui-même reconnaît que ce sont des marges démesurées qui en sont à l’origine, les salariés doivent accepter de se serrer la ceinture. Ce raisonnement est assuré d’un franc succès dans les cortèges syndicaux qui se préparent pour le 13 octobre. À défaut de faire tourner les tables, le président fera certainement tourner les têtes. 

Il n’y a que sur l’immigration et le RSA que le chef de l’État s’est montré ferme. Là, pas de table ronde, mais un argumentaire carré autour du projet de loi du gouvernement sur le sujet. Les accents humanistes ont totalement disparu. Il s’agit désormais de complaire à la droite et à l’extrême droite pour éviter le dépôt d’une motion de censure lorsque le texte viendra à l’Assemblée.

« Pas de droit inconditionnel à la régularisation »

Le cœur de ce texte, c’est surtout d’accélérer nos procédures et d’avoir une politique plus efficace pour mieux instruire les situations et renvoyer plus efficacement dans leur pays les femmes et les hommes qui n’ont pas vocation à rester.

Emmanuel Macron, TF1-France 2, 24 septembre 2023

Les métiers en tension et les régularisations ? 

Moi je souhaite qu’un compromis soit trouvé. Je pense qu’il y a un compromis intelligent, mais je vais être simple. Un : les métiers en tension, faut d’abord quand même essayer de faire que ce soit nos compatriotes qui y aillent. On a encore 7 % de chômage, et c’est le coeur de la réforme France Travail, on ne peut pas accepter un discours qui consisterait à dire : « C’est des gens qui sont étrangers en situation irrégulière qui vont occuper les métiers dans le BTP, la restauration ou autre ». Non, il y a des Françaises et des Français qui sont au RSA qui parfois ont la possibilité d’occuper ces emplois. Il n’y a pas de droit inconditionnel à la régularisation. Il n’y en aura jamais.

Emmanuel Macron, TF1-France 2, 24 septembre 2023

Pression à la baisse sur les salaires

On résume. Le président veut que les allocataires du RSA aillent remplacer les sans-papiers qui travaillent à moindre coût. Tous ceux qui dénoncent l’assistanat applaudiront. Pas longtemps, cependant. Car ce remplacement des sans-papiers par les allocataires du RSA va exercer une pression à la baisse sur les salaires. Les allocataires en question n’auront en effet aucun moyen de refuser de travailler pour des clopinettes. Bienvenue dans le monde radieux des travailleurs pauvres. 

Soyons honnêtes. On reproche souvent au chef de l’État de s’imposer sur les écrans pour ne rien dire. Cette fois, il y avait vraiment une annonce : la guerre sociale continue.

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