Les négociations autour d’une possible suspension de la réforme des retraites se poursuivent dans la confusion

Valérie Pécresse, présidente de la région Ile-de-France, le 13/01/2025 ©Franceinter

Négocier avec la gauche non mélenchoniste et ménager la droite. C’est le défi que doit relever demain mardi François Bayrou lors de sa déclaration de politique générale. A la clé, il y a la survie de son gouvernement, au moins pendant la discussion budgétaire. Celle-ci devrait commencer le 30 janvier et s’achever la semaine suivante. Pour l’instant, le pari semble bien mal engagé. Dimanche, pour Olivier Faure, il y avait encore du chemin à parcourir.

Au moment où nous nous parlons ce matin, le compte n’y est pas encore. Et je ne peux pas dire ce que sera l’issue de la discussion puisqu’il y a une négociation, nous amenons à la fois des revendications mais aussi des solutions, des solutions techniques, financières, qui permettent d’avancer. Le gouvernement a ses propres lignes rouges et donc nous cherchons à voir quelles sont les voies qui permettent la conciliation.

Olivier Faure, député Socialistes et apparentés et Premier secrétaire du Parti socialiste, le 12/01/2025

Suspension ? Abrogation ?

Sur le budget, les socialistes ont avancé une quarantaine de revendications. Mais il y a un préalable : la réforme des retraites. Les socialistes veulent sa suspension. Les communistes exigent l’abrogation immédiate.

Nous avons formulé nos attentes, modestement, humblement. L’abrogation de la réforme des retraites fait partie de ces demandes. Et donc nous attendons de la part du Premier ministre qu’il s’engage là-dessus, non pas dans neuf mois, non pas en renvoyant à une conférence sociale qui, si elle n’aboutit pas, ferait qu’on en resterait à la réforme des retraites à 64 ans. On ne veut pas de chèque en blanc.

Fabien Roussel, Secrétaire national du PCF, le 13/01/2025

Chez les écologistes, on réclame également l’abrogation.

Ce que nous leur disons fermement, c’est qu’on ne se contentera pas de miettes, de micro symboles qui concernent à la fin quelques milliers de personnes. Si on arrive à la fin, à faire en sorte que des personnes partent à l’âge de la retraite à laquelle ils auraient dû partir si cette réforme n’avait pas eu lieu, alors on aura changé la vie de Françaises et de Français.

Marine Tondelier, Secrétaire nationale des Écologistes, le 12/01/2025

Un possible gel de la réforme des retraites

François Bayrou ne semble pas envisager l’abrogation. Mais une forme de suspension pourrait être acceptée. Il s’agirait plus exactement d’un gel comme on le précise dans les couloirs de Bercy. La réforme Borne prévoit en effet d’atteindre le seuil des 64 ans en progressant par paliers successifs. Un trimestre d’activité en plus par génération.

Ainsi, au 1er janvier de cette année, pour la génération née en 1963, il faut avoir 62 ans et 9 mois pour partir en retraite. L’idée serait de mettre en pause l’application de la réforme. Et de considérer ce palier de 62 ans et 9 mois comme l’âge légal de départ tant que dureront les négociations. Ce gel coûterait environ trois milliards et demi pour l’année 2025.

Les socialistes proposent que le Fonds de réserve pour les retraites vienne équilibrer les comptes. C’est justement sa mission. Le Fonds dispose de 20 milliards d’euros de réserve. Alors qu’on aurait pu s’attendre à une hostilité déclarée, une des principales figures macronistes est prête à envisager une parenthèse de six mois.

Moi, ce qui me convient c’est qu’on rediscute. Après, si il faut arrêter pour discuter avec un cycle très court de discussions, moi je n’y suis pas opposée par principe. Mais ce que je veux dans ces cas-là c’est que vraiment on soit d’accord pour mettre vraiment les choses sur la table pendant ces six mois de discussions.

Yaël Braun-Pivet, députée EPR et présidente de l’Assemblée nationale, le 12/01/2025

Mais son homologue du Sénat, Gérard Larcher, est d’un avis contraire. Maintenant qu’il a un fauteuil de président tout neuf comme nous l’a appris le Canard enchaîné – 34 000 euros pour deux exemplaires à même d’accueillir l’auguste séant – Gérard Larcher sait ce que veut dire maîtriser les dépenses. C’est donc confortablement assis qu’il en est revenu aux fondements. Ceux de sa famille politique, bien sûr.

Le message est clair : ni suspension ni abrogation ! Mardi, le Premier ministre fera le choix. Au Sénat, je ne conduirai pas une procédure de suspension ou d’abrogation.

Gérard Larcher, sénateur LR et président du Sénat, le 11/01/2025

On roule du muscle à droite

En clair, les sénateurs républicains, majoritaires au Sénat, bloqueront tout projet de loi abrogeant ou suspendant la réforme Borne. Le lendemain, dimanche, c’est Laurent Wauquiez qui a roulé du muscle, toujours dans le Parisien.

Suspendre sans scénario alternatif revient à sauter dans le vide sans parachute. Ce sera sans la Droite républicaine !

Laurent Wauquiez, député LDR et président du groupe LDR à l’Assemblée nationale, le 12/01/2025

Sans la Droite républicaine… Serait-ce à dire que Les Républicains devraient quitter le gouvernement ? C’est le sentiment de Valérie Pécresse, la présidente de la région Ile-de-France.

Ce serait finalement le triomphe de la démagogie et de l’irresponsabilité. Je pense que dans ces conditions, surtout, la droite ne peut plus participer à ce gouvernement. Parce que c’est un gouvernement qui irait contre les valeurs qu’elle porte, les valeurs de responsabilité vis-à-vis des générations qui nous suivent.

Valérie Pécresse, présidente de la région Ile-de-France, le 13/01/2025

Pas sûr que Bruno Retailleau soit sur la même longueur d’onde. On le voit mal démissionner après tant d’efforts pour entrer au gouvernement. François Bayrou est donc pris en tenaille par la gauche et la droite. Mais la droite ne votera pas une motion de censure. Alors que la gauche n’hésitera pas à le faire si Matignon ne répond pas à ses attentes. Pour survivre, le Premier ministre n’a d’autre solution que de faire des concessions. Mais le veut-il ?

Ce qu’il essaie de faire c’est d’éviter la motion de censure en échange de certaines mesures. Or, il n’y a pas de mesures. Autrement dit, il essaie de faire en sorte que les forces d’opposition qui ont censuré le gouvernement Barnier sur le budget Barnier, ne le censurent pas alors que le budget va être pire, on peut le dire aujourd’hui.

Éric Coquerel, député LFI et président de la Commission des finances de l’Assemblée nationale, le 12/01/2025

Pourquoi sera-t-il pire ? Parce qu’un certain nombre de dispositions qui mettaient à contribution les grands groupes ou les plus fortunés ont été supprimées par le Sénat. Sans parler de celles qui devaient s’appliquer en 2024 et qui, faute d’avoir été votées à temps, ne s’appliqueront pas.

Du côté du Rassemblement national, on ne croît pas que le Premier ministre entraînera les Français derrière lui.

Je pense que demain ils auront un centriste bon teint qui essaie de ne froisser personne pour faire que son intérim dure le plus longtemps possible.

Laurent Jacobelli, député RN, le 13/01/2025

François Bayrou en intérim

Le choix du vocabulaire est en soi une indication. Si François Bayrou n’assure qu’un intérim, c’est donc que le Rassemblement national envisage déjà de le censurer. Laurent Jacobelli ne s’en cache pas.

Si, en revanche, c’est un budget Barnier deux avec un peu de cosmétique, les mêmes causes ayant les mêmes effets, nous utiliserons la censure.

Laurent Jacobelli, député RN, le 13/01/2025

Au regard de ce contexte, était-il habile, à gauche, d’entamer des négociations avec un exécutif minoritaire et dépourvu de légitimité ? Surtout s’il refuse de suspendre la réforme des retraites ou bien ne l’envisage qu’en 2026 comme des bruits de couloir le laissaient entendre aujourd’hui ? Dimanche Marine Tondelier a défendu la portée pédagogique du choix fait par les socialistes, les écologistes et les communistes.

François Bayrou et Emmanuel Macron ne pourront pas faire porter la responsabilité du blocage des institutions à la gauche. Si il décident de ne rien faire et de continuer comme si de rien n’était, ils n’auront plus aucune excuse, ils n’auront plus aucun alibi. Ils ne pourront pas dire : “Ah mais c’est parce qu’ils ne sont pas venus à notre réunion”. Ils ne pourront pas dire : “Ah c’est parce qu’ils n’avaient pas de propositions”. Tout ce que nous pouvions faire, nous l’avons fait.

Marine Tondelier, Secrétaire nationale des Écologistes, le 12/01/2025

Pour le dire autrement, il s’agit d’apporter la preuve, s’il en était encore besoin, qu’Emmanuel Macron est le seul artisan du chaos institutionnel dans lequel est plongé le pays. Et qu’il persiste dans ce naufrage.

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