Retraites, budget : le gouvernement abandonne trois mesures saugrenues

André Chassaigne, député GDR et président du groupe GDR à l’Assemblée nationale, le 21/01/2025 ©PurePolitique

Comment plumer les retraités ? C’est l’obsession des gouvernements depuis quelques mois. Michel Barnier voulait décaler l’indexation des pensions. Ce qui revenait à raboter celles-ci définitivement. Ça s’est terminé par le vote d’une motion de censure. Depuis, c’est un festival de ballons d’essai. On lâche une idée devant les médias et on regarde comment ça réagit. Si ça grogne, on retire. Mais l’avantage de cette technique, c’est qu’elle installe dans l’opinion la nécessité de remettre en cause les acquis sociaux. La manœuvre a commencé avec la nouvelle année.

Il y a une dizaine de jours, c’est l’économiste libéral Gilbert Cette qui a eu une idée géniale. “Et si on enlevait aux retraités l’abattement fiscal de 10% pour frais professionnels ?” a suggéré ce macroniste convaincu, soutien en son temps de François Hollande, et proche du laboratoire d’idées Terra nova. L’ennui, c’est que Gilbert Cette préside aujourd’hui le Conseil d’orientation des retraites. Il a été nommé par Élisabeth Borne qui reprochait à son prédécesseur de ne pas s’aligner sur les positions du gouvernement.

La disparition de l’abattement aurait pour conséquence immédiate d’assujettir 500 000 retraités à l’impôt sur le revenu. Ce qui ferait rentrer quatre milliards dans les caisses du Trésor. Le président du MEDEF, Pascal Martin, a aussitôt applaudi la proposition de Gilbert Cette. Le patron des patrons a proposé de supprimer également les taux réduits de CSG. Et bien sûr, d’ouvrir largement la porte à la retraite par capitalisation. Pour l’heure, le gouvernement reste discret sur cette possible suppression de l’abattement. Mais il pourrait refaire surface à la faveur de la discussion budgétaire.

Samedi dernier, c’est l’ineffable Catherine Vautrin qui a pris le relais dans les colonnes du Journal du Dimanche.

“Les sénateurs, dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale qu’ils ont voté, proposent de travailler sept heures de plus dans l’année, soit dix minutes de plus chaque semaine. Cette mesure peut, en 2025, générer deux milliards d’euros de recettes fléchées vers les dépenses sociales. Le gouvernement respectera le débat parlementaire à venir sur le sujet.”

Bosser gratuitement. Quelle bonne idée. Au Moyen Âge, les serfs allaient travailler gratuitement pour le seigneur du coin. Ça s’appelait la corvée. Mais quel rapport entre ce voyage dans le temps et les retraités ? Par définition, ces derniers ne pourront pas faire cadeau d’une semaine de travail. Heureusement, Astrid Panosyan-Bouvet, la ministre chargée du Travail et de l’emploi a la solution.

Il n’y a pas que les sept heures, on peut aussi faire contribuer les retraités. Les retraités qui peuvent se le permettre notamment. Il y a différentes taxes et cotisations qui pourraient être envisagées.

Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du Travail et de l’Emploi, le 21/01/2025

Un tôlé

Cette brillante suggestion a été saluée par une immense vague d’enthousiasme dans son propre camp.

Je pense que quand on a travaillé toute sa vie, on doit bénéficier des fruits de son travail une fois à la retraite. Je pense qu’on n’est pas riche quand on gagne 2000 euros quand on est à la retraite. Il me semble qu’il y a d’autres voies à explorer pour améliorer l’équilibre de nos comptes, à commencer par la réduction de nos dépenses publiques.

Dans un pays qui est champion du monde des prélèvements obligatoires, on ne rajoute pas de l’impôt à l’impôt.

Mathieu Lefèvre, député EPR, le 21/01/2025

Du côté des Républicains, on met en garde le gouvernement.

Il y en a assez, il faut le dire vraiment. Il y en a assez maintenant que ce soit le concours Lépine de la taxe ou de l’impôt supplémentaire alors qu’on n’a pas été capable, le gouvernement n’a pas été capable de remettre en cause la première des dépenses parmi tous les dispositifs gadgets mis en place depuis l’avènement d’Emmanuel Macron au pouvoir.

Je pense aussi au Service national universel, je pense au Pass culture, je pense aux différents fonds sur la réparation des textiles et de divers objets. Je l’ai dit dès le début : le soutien est exigeant, il se fait texte par texte sur le fond.

Le cap ne semble plus être exactement le même que sous Michel Barnier. Et c’est pour ça que nous ne pouvons pas donner notre accord à une telle orientation telle que celle que vous avez évoquée.

Fabien Di Filippo, député LR, le 21/01/2025

Fabien Di Filippo peut être rassuré. Pour le Service national universel, la cause est entendue. Les Sénateurs ont supprimé les crédits le 17 janvier. Même les centristes du groupe LIOT, qui se montrent d’ordinaire conciliants, ont rué dans les brancards en entendant la ministre Panosyan-Bouvet.

On ne lui demande pas son avis. On a une conférence de financement qui doit se réunir avec les partenaires sociaux. Qu’elle respecte au moins cela par rapport à l’engagement du Premier ministre et qu’elle ne vienne pas, par le biais de son gouvernement, faire des propositions un peu débridées, décousues, et qui ne sont pas connectées avec la logique générale.

Olivier Serva, député LIOT, le 21/01/2025

Il faut peut-être aussi ajouter qu’il y a peut-être un problème de coordination au sein du gouvernement parce que dans le même temps où la ministre du Travail dit qu’il faut taxer les retraités pour financer le grand âge, la ministre madame Vautrin des affaires sociales nous remet sur la table le projet de journée travaillée non rémunérée pour financer également le même sujet.

Ce qui serait utile à ce stade c’est que le gouvernement, les ministres, au lieu de lancer chacun une nouvelle idée ou alors une idée ancienne éculée et déjà rebattue depuis longtemps, se parlent entre eux et que Matignon assure la cohérence de l’action gouvernementale.

Harold Huwart, député LIOT, le 21/01/2025

Pour la cohérence, on repassera

A ce niveau de rejet, la prestation de la ministre du Travail tient de la performance. Sans parler du Rassemblement national qui a rappelé que s’en prendre aux retraités revenait à franchir une ligne rouge. Quant à la gauche, ses différentes composantes ont sorti la sulfateuse.

J’ai été scandalisé par cette proposition. Je crois même d’ailleurs qu’elle l’a chiffré à deux milliards d’euros. Ce serait considérer que ce sont les retraités qui devraient financer des mesures du grand âge concernant la dépendance, concernant la perte d’autonomie.

Rien n’a été fait par ce gouvernement. Rien n’a été fait pour mettre en œuvre véritablement l’accompagnement de la vieillesse. Et aujourd’hui on nous dit qu’il faut aller chercher vers ceux qui sont aux portes de la perte de l’autonomie, pour moi ça me scandalise. C’est une mesure petit bras, et c’est tout simplement aussi le refus d’aller chercher l’argent où il est.

Quand on voit qu’il y a dans ce pays les 500 plus grandes fortunes qui ont 1 200 milliards d’euros de fortune, et que la taxation qui est annoncée sur le patrimoine rapporterait seulement deux milliards d’euros, c’est se moquer du monde de faire de telles propositions.

André Chassaigne, député GDR et président du groupe GDR à l’Assemblée nationale, le 21/01/2025

Les écologistes préconisent d’aller piocher dans les dividendes des grands groupes.

Je ne pense pas que ce soit la bonne solution. La bonne solution c’est d’aller chercher des financements là où il y a de l’argent et là où ça ne fait pas mal. Notamment sur la question du capital. C’est ce que les écologistes ont porté lors des discussions autour du projet de loi de financement de la Sécurité sociale.

Nous avons essayé d’aller chercher des financements autour de la taxation des dividendes notamment. C’est ça le bon chemin pour avoir un financement pérenne et de la justice sociale dans notre pays.

Léa Balage El Mariky, députée Écologiste et social, le 21/01/2025

Le gouvernement est à la bourre

La France insoumise est sur la même ligne. Mais au fait, n’y avait-il pas déjà une loi sur le grand âge ? Ah oui, elle a été publiée au Journal officiel le 16 mai 2024. Et c’est ballot, un article de cette loi impose au gouvernement de présenter une loi de programmation pluriannuelle tous les cinq ans. Cette loi de programmation aurait dû être présentée avant le 31 décembre 2024.

On a un gouvernement qui devrait appliquer la loi. La loi demande une loi de programmation pour le grand âge. Nous l’attendons. Elle était dans les cartons depuis un an, madame Vautrin l’avait d’ailleurs plus ou moins annoncée en juin dernier. Et aujourd’hui, ce qu’il faut c’est de la cohérence dans les propos et surtout de l’ambition dans les mesures. Là, on est plutôt par la petite porte que par des mesures solides et ambitieuses.

Arthur Delaporte, député Socialistes et apparentés, le 21/01/2025

Résumons. Le gouvernement Barnier puis le gouvernement Bayrou sont en faute. Et plutôt que de présenter au parlement un plan sur cinq ans, ils tentent de faire les poches des retraités en leur faisant la morale qui plus est. Plus c’est gros, plus ça passe.

Mais il en faut davantage pour ébranler le MoDem. L’une de ses porte-paroles, Perrine Goulet, est favorable à toutes les solutions. Travailler une semaine gratuitement, taxer les retraités et mettre à contribution le capital. Un consensus à elle toute seule.

L’enjeu du grand âge qu’on a devant nous, ce n’est pas un ou deux milliards d’euros par an qu’il va nous falloir, c’est beaucoup plus que ça. Si peut-être qu’il faut cumuler ces deux propositions. Peut-être même avec une troisième sur le capital pour financer notre grand âge dans les années à venir.

Vous savez tous comme moi qu’aujourd’hui les enjeux de dépendance et on parle beaucoup de la vieillesse mais regardez aussi la dépendance au niveau du handicap. On voit bien que le nombre de personnes en situation de handicap augmente d’année en année.

On a un enjeu dépendance au sens large qu’il va falloir financer et donc ça ne sera pas qu’avec un courant de financement, il en faudra plusieurs et donc peut-être, effectivement, regarder les retraités pour moi ça ne me paraît pas non plus être, j’allais dire, un totem à ne pas toucher.

Perrine Goulet, députée MoDem, le 21/01/2025

Mercredi matin, Éric Lombard, le ministre des Finances et de l’Économie, a sifflé la fin de la récréation.

Dans un entretien accordé aux Échos, il rappelle que : « La position du gouvernement est sans ambiguïté : pas de nouveaux impôts sur les ménages ! ». Quand aux sept heures de travail gratuit recommandées par Catherine Vautrin, le ministre de l’Économie rétropédale : « Si les partenaires sociaux sont contre, je ne pense que nous ne le ferons pas ».

Sage précaution. Le 30 janvier, la Commission mixte paritaire sur le budget se réunit pour rédiger une version du budget qui sera soumise aux députés. Le débat se terminera selon toutes probabilités par un recours à l’article 49-3. Pas la peine, donc, de mettre de l’huile sur le feu en taxant les retraités.

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