Demain, mardi, Michel Barnier affrontera sa première motion de censure. Elle sera défendue au nom du Nouveau Front Populaire par Olivier Faure, le Premier secrétaire du Parti socialiste. Dans le texte, les rédacteurs mettent en avant deux motifs : “L’existence de ce gouvernement, dans sa composition et ses orientations, est une négation du résultat des dernières élections législatives”. “Le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2025 s’annoncent comme les textes budgétaires les plus austéritaires de ces vingt-cinq dernières années.” Cette motion n’a aucune chance d’aboutir. Car le Rassemblement national ne la votera pas.
La situation de la France est tellement chaotique que voter cette motion de censure à priori, censurer ce gouvernement à priori, n’aurait pas de sens et ne ramènerait simplement la politique du pire. Vous savez, nous on se prépare à gouverner ce pays. On se prépare à avoir des responsabilités, donc il n’est pas question de mettre du chaos.
Laure Lavalette, député RN, le 3/10/2024
Les électeurs du Rassemblement national se posent des questions
Les électeurs du Rassemblement national ont de quoi s’interroger. Alors que leur parti a recueilli 9,3 millions de voix au premier tour des élections législatives, arrivant ainsi en tête, voilà qu’ils se retrouvent à soutenir un gouvernement de droite. Qui plus est dirigé par un ancien commissaire européen qui incarne tout ce que le RN vilipende depuis un demi-siècle. De quoi être déboussolé. Hier, dimanche, à Nice, Jordan Bardella s’est employé à rassurer électeurs et militants.
Mes chers compatriotes, ne désespérez pas, n’abandonnez pas, soyez plus motivés que jamais. Le Rassemblement national, le Rassemblement national, mes amis, l’ensemble de ses élus, de ses cadres, de ses adhérents, de ses électeurs, n’ont changé ni d’ambition ni d’objectif. Nous préparons la grande alternance qui permettra le redressement du pays. Tous ensemble, nous incarnons cet espoir français qui sera la réponse aux peurs, au chaos et à l’immobilisme.
Jordan Bardella, député européen RN et président du RN, le 6/10/2024
Marine Le Pen est allée plus loin en expliquant que le meeting de Nice lançait la prochaine campagne électorale.
Aujourd’hui, nous ne sommes pas rassemblés pour déplorer. Mais pour continuer à agir, à convaincre, car la prochaine campagne a déjà commencé, ou plutôt elle commence ici, avec vous à Nice !
Marine Le Pen, députée RN et présidente du groupe RN à l’Assemblée nationale, le 6/10/2024
Mais de quelle élection parle-t-on ? La prochaine présidentielle est prévue en 2027. Et le renouvellement de l’Assemblée nationale ne devrait pas intervenir avant 2029.
Nous ne sortirons pas de la crise sociale, de la crise sécuritaire, de la crise de l’immigration, et bien sûr de la crise budgétaire sans des choix politiques clairs, tranchés, et c’est normal en démocratie, par le vote des Français. C’est d’ailleurs pour cela que non seulement nous pensons qu’il y aura des élections dans moins d’un an. Mais surtout que nous considérons ces élections comme urgentes pour notre pays.
La France a besoin d’un gouvernement avec une légitimité démocratique forte pour faire face aux enjeux majeurs qui touchent notre nation.
Marine Le Pen, députée RN et présidente du groupe RN à l’Assemblée nationale, le 6/10/2024
Marine Le Pen marche sur des oeufs
“Il y aura des élections législatives dans moins d’un an”, affirme la présidente du groupe parlementaire RN. C’est le sentiment de la plupart des responsables politiques. Mais ce qu’oublie de rappeler Marine Le Pen à ses électeurs, c’est que la décision de dissoudre l’Assemblée nationale appartient au seul président de la République. Et pour forcer la main d’Emmanuel Macron, le parti d’extrême droite devra certainement voter plus d’une motion de censure déposée par la gauche.
Dès lors, comment justifier ce répit donné au gouvernement Barnier ? Par le fait que constitutionnellement, une nouvelle dissolution ne peut intervenir moins d’un an après la précédente ? Et que renverser le gouvernement avant juillet 2025 ne conduirait qu’à la reconduction d’un gouvernement plus ou moins identique ? Si c’est bien là l’explication – c’est en tout cas celle qui est donnée dans les couloirs de l’Assemblée – cela veut dire que le gouvernement de Michel Barnier est assuré de demeurer en place jusqu’à l’été prochain. Et que les menaces du Rassemblement national ne sont que des rodomontades.
Il y a cependant une deuxième raison, moins glorieuse. En juillet dernier, le RN a découvert qu’il n’était tout simplement pas prêt à prendre le pouvoir. Trop de candidats folkloriques. Ou racistes. Ou antisémites. Ou les trois en même temps. Les abrutis qui posent en casquette d’officier allemand sur les réseaux sociaux ont été priés d’aller relire Mein Kampf dans leur cave. Et de casser la clé dans la serrure. Mais faire le ménage prend du temps à supposer qu’on veuille vraiment le faire. En outre, le parti manque cruellement de cadres. Comment s’emparer des leviers de l’État quand on n’a pas le mode d’emploi ? Le RN a besoin de temps pour se réorganiser et former ses élites.
Enfin, dernier paramètre, Marine Le Pen est accaparée par le procès des assistants parlementaires rémunérés par le Parlement européen alors qu’ils travaillaient pour le parti. Si sa culpabilité est reconnue, elle encourt une peine d’inéligibilité qui peut être assortie d’une mesure d’exécution provisoire. Mieux vaut attendre la décision judiciaire avant toute initiative politique.
Le meeting de Nice est le premier d’une série de réunions destinées à entretenir la flamme militante. Cela suffira-t-il à faire patienter des électeurs à qui Marine Le Pen et Jordan Bardella promettent la victoire à chaque élection ? Certains commencent à se lasser.
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