
S’il s’agissait de donner un petit coup de fouet à la mobilisation du 1er mai, c’est bien parti. Dimanche, le sémillant Éric Lombard a annoncé que le budget 2026 devrait réaliser 40 milliards d’économies par rapport à celui de cette année. Des économies, c’est-à-dire des coupes claires dans les dépenses publiques. Objectif : ramener le déficit à 4,6 % comme le gouvernement s’y est engagé auprès de la Commission européenne.
Je maintiens le 4,6 % pour 2026 qui va demander un effort supplémentaire de 40 milliards d’euros. Nous dépensons, en dépenses publiques, 57 % de la richesse nationale. Nos dépenses publiques sont de 10 % du PIB supérieures à la moyenne européenne.
Éric Lombard, ministre de l’Économie et des Finances, le 13/04/2025
Bien sûr, on pourrait tabler sur une augmentation des recettes à la faveur d’un retour de la croissance. Mais on n’en prend pas le chemin. Les virtuoses de Bercy viennent de ramener leur objectif de croissance de 0,9 % à 0,7 %. Et dans la foulée, ils ont raboté le budget 2025 de 8 milliards. Sans passer par le Parlement bien sûr. Pourquoi déranger les députés pour si peu ?
Au début d’année, vu l’incertitude du monde dans lequel nous sommes, nous avons avec tous mes collègues ministres pris une décision qui était de dire qu’il y avait par exemple 5 % des dépenses qui ne sont pas des salaires de fonctionnaires, que nous allions mettre en réserve et que cet argent nous ne le dépenserions que si, au fond, les circonstances le permettaient. On a fait huit milliards de réserve dans l’État, un milliard de réserve à la Sécurité sociale.
Amélie de Montchalin, ministre chargée des Comptes publics, le 13/04/2025
Le dogme, toujours le dogme
Pour trouver les 40 milliards que cherche le ministre des Finances, on pourrait peut-être augmenter les impôts. Ceux des plus riches. Mais le dogme de la politique de l’offre l’interdit. Dimanche, dans un accès de folie, Éric Lombard s’est risqué à envisager la pérennisation de la contribution sur les hauts-revenus. Un pourboire de deux milliards d’euros. Pas sûr que François Bayrou acquiesce à cette suggestion.
Le Premier ministre a réaffirmé la volonté de ne pas augmenter les impôts. Ça veut dire que c’est un débat au sein du gouvernement ? Vous savez, depuis que je suis porte-parole je dis que ce gouvernement est polyphonique. En réalité, il est issu d’une situation politique qui est inédite avec une majorité qui n’est pas stable à l’Assemblée nationale.
Sophie Primas, porte-parole du Gouvernement, le 13/04/2025
Ce qui est une aimable façon de dire que chacun des ministres raconte n’importe quoi. Un exemple de polyphonie corsé, comme dirait I Muvrini. Voilà en tout cas qui ne fera pas plaisir à Marylise Léon, la patronne de la CFDT. Dans l’édition dominicale des Échos, elle déclare : “On ne peut avoir autant de bouleversements et de défis et garder le même discours qu’en 2017 : faire des efforts et des réformes sans toucher aux impôts”.
Nous rappellons qu’un excellent rapport de la Cour des comptes, publié le 15 juillet 2024, chiffrait à 62 milliards l’impact de la baisse des prélèvements obligatoires pour la seule année 2023. En clair, il rentre chaque année 60 milliards de moins dans les caisses de l’État comparé à l’année 2017. Voilà le résultat de la baisse de l’impôt sur les sociétés, de la liquidation progressive de la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises, de la suppression de la taxe d’habitation et des allègements de cotisations sociales.
Le gouvernement a une pathologie. Sa pathologie c’est qu’il ne s’intéresse jamais aux riches et que c’est toujours aux mêmes de faire des efforts. La France est maintenant un pays de rentiers dans lequel on taxe toujours moins le patrimoine, dans lequel les dividendes explosent. C’est là-dessus qu’il faut travailler. Il y a 200 milliards d’aides aux entreprises qui sont consenties chaque année sans conditions ni contreparties. Quand est-ce qu’on en parle ?
Sophie Binet, secrétaire nationale de la CGT, le 14/04/2025
Demain, mardi, François Bayrou entretiendra les Français de l’urgence budgétaire. La fourmi de Matignon expliquera aux cigales qu’il faut se serrer la ceinture. Mais si les cigales se trouvant fort dépourvues de pognon entreprennent d’aller frapper à la porte de Matignon, c’est la fourmi qui risque de faire son baluchon. Car les pistes d’économies qui circulent sont particulièrement gratinées. L’abattement fiscal de 10 % serait supprimé pour les retraités. Et leurs pensions se verraient désindexées de l’inflation. Certains ministres songent même à reculer l’âge de départ en retraite. Avec un sens du timing social certain.
Aujourd’hui, on le voit, d’un point de vue démographique, d’un point de vue budgétaire, d’un point de vue économique, on a besoin de travailler plus. On a besoin de travailler plus et tous les autres pays, les pays qui sont gouvernés par des gouvernements de gauche comme des gouvernements de droit en Europe vont vers 65, 66, 67 ans.
Dans le programme du président de la République, il y avait 65 ans. Moi je défendais 65 ans. Je pense que c’est du bon sens et c’est simplement prendre en compte le fait qu’il y a de moins en moins d’actifs.
Marc Ferracci, ministre chargé de l’Industrie et de l’Énergie, le 13/04/2025
Dégainer la censure
Mais la fine équipe du socle commun pourrait regagner les vestiaires plus tôt que prévu.
Si le projet c’est de demander aux Français de se serrer la ceinture une fois de plus sans que l’État lui-même ne fasse des économies, n’aille sur le chemin des économies, en matière d’immigration, de train de vie de l’État, des collectivités, nous nous emploierons effectivement à le censurer, sans aucun problème.
Sébastien Chenu, député RN, le 14/04/2025
Dans le même entretien, Sébastien Chenu affirme que le RN est prêt à voter une motion de censure de la gauche. Ça tombe bien, Manuel Bompard songe aussi à renverser le gouvernement.
Nous, évidemment, nous sommes favorables à la censure de ce gouvernement. Nous avons déjà essayé à cinq reprises. À cinq reprises nous avons déposé une motion de censure. Et nous sommes prêts, là, dans les prochains jours, à déposer une nouvelle motion de censure. Mais comme on n’a pas des motions de censure de manière illimitée, nous sommes prêts à déposer cette motion de censure si on a une garantie qu’au moins les députés de gauche la votent.
Manuel Bompard, député LFI et coordinateur national de LFI, le 14/04/2025
Sortons la calculette. LFI plus Les Écologistes plus la Gauche démocratique et républicaine plus le RN plus Ciotti et ses amis, cela nous fait un total de 265 voix. Il en faut 289 pour que la motion de censure soit adoptée. S’il se trouve 24 députés socialistes pour voter la censure malgré François Hollande, François Bayrou gagnera un aller simple pour aller se faire cuire une poule à Pau. Dans le cas contraire, c’est l’ensemble de la gauche qui aura du mal à se remettre de ce rendez-vous raté. Et avec eux, l’ensemble des Français.
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