Lundi 31 octobre, la motion de censure déposée par la France insoumise contre le projet de loi de financement de la sécurité sociale a été rejetée. Si elle a bénéficié une fois de plus des voix du Rassemblement national, la motion, contrairement à celle votée la semaine dernière, n’a pas réussi à unir tous les groupes de la Nupes.
Est-ce la fin de ce nouveau front de gauche ? La question est posée depuis ce lundi 31 octobre, depuis l’échec de la motion de censure déposée par la France insoumise après que le gouvernement a engagé sa responsabilité sur le Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale. À la différence de la semaine précédente qui avait vu tous les partis de gauche signer une motion commune, la FI, cette fois, s’est retrouvée isolée. Ni les écologistes, ni les communistes, ni les socialistes n’ont voulu s’y associer, comme l’explique Olivier Faure, premier secrétaire du PS. « Vous voulez désormais banaliser l’usage du 49-3. En regard, nous pensons, nous socialistes, imprudent de banaliser l’usage de la motion de censure qui doit conserver son caractère exceptionnel. À suggérer chaque semaine que le gouvernement tombe, sans que jamais il n’en soit réellement menacé, on prend le risque d’affaiblir la force du message. » Le député admet « un point de désaccord avec le groupe insoumis. Parce que, avec la répétition des 49-3 et de leur réplique, la motion de censure, le risque pris, c’est celui d’un brouhaha continu qui ne profitera qu’à l’antiparlementarisme. »
Cette analyse est partagée par les écologistes, comme le confirme Sabrina Sebaihi, député EELV des Hauts-de Seine. « On a déjà eu une motion de censure sur le PLFSS, et on a déjà eu une motion de censure sur le PLF qui nous ont permis de tracer des feuilles de route politique, sur lesquelles on s’est exprimé, sur lesquelles on a pu voter. Donc en réalité, nous on estimait que ce n’était pas forcément pertinent aujourd’hui de redéposer une motion de censure sur le PLFSS puisque le débat a déjà eu lieu. »
Le compte n’est pas bon
Les communistes sont aussi de cet avis. « Il n’y a pas de majorité d’une certaine manière pour personne, annonce Sébastien Jumel, député PCF de Seine Maritime. Il n’est donc pas la peine de se demander tous les matins ou tous les soirs quand on se couche si le gouvernement va vaciller, basculer, etc. Il peut utiliser le 49-3 encore 19 fois d’ici la fin du texte sur les finances. On ne va pas abîmer la motion de censure au point de tomber dans la caricature du gouvernement lui-même. Il nous faut, évidemment, résolument, être opposés au gouvernement, sans faille, sans travers. Il nous faut dire au FN : “Vos voix on n’en veut pas. Ce n’est pas les mêmes, tout nous sépare”.
C’est sur ce dernier point qu’il y a divergence. L’arithmétique est cruelle : sans les voix du RN, le gouvernement ne sera jamais renversé. Éric Coquerel, député LFI de Seine-Saint-Denis, en a bien conscience. « Nous on dépose des motions de censure pour arriver à faire en sorte que le gouvernement ne continue pas à appliquer sa politique. Donc à partir de ce moment-là, il faut être majoritaire. Pour être majoritaire, il faut que des forces, autres que la Nupes, finissent par dire : “Nous ne voulons pas non plus que ce gouvernement continue.” Chacun sait que ça ne signifie en rien une majorité alternative. On n’a rien à voir avec le Rassemblement National, le Rassemblement National n’a rien à voir avec nous. »
Plus de RN que de Nupes
Mais il y a plus inquiétant pour la gauche : douze socialistes, quatre écologistes et six communistes n’ont pas voté la motion de censure. En revanche, le Rassemblement national a voté comme un seul homme pour la motion de la Nupes, ainsi que l’a annoncé Sébastien Chenu, un des deux vice-présidents lepénistes de l’Assemblée. « Les élus du Rassemblement National vous censureront. Ils voteront leur motion de censure et en parlementaires libres, ne reconnaissant, comme le disait Robespierre, aucune faction, ils voteront toute autre motion présentée dans les mêmes termes tout aussi acceptables que le PLF, toute motion destinée à vous faire revoir votre copie dans l’intérêt de la France et des Français. »
Sur son blog, Jean-Luc Mélenchon conteste que la Nupes soit en train de se fissurer. Toute cette affaire autour des voix du RN ne serait qu’une manœuvre politique. « Il s’agit d’une stratégie de pression sur la NUPES pour séparer LFI du reste de l’alliance. Ses adversaires internes restent les mêmes : l’aile Hollande du PS, l’aile Jadot d’Europe Ecologie Les Verts et Fabien Roussel. » peut-on lire en ligne. Le chef de file des insoumis fustige ceux qui n’ont pas voté la motion de censure : « Sous prétexte de “refuser les voix RN” ils finissent en fait, sans oser le dire, par soutenir le gouvernement Macron en refusant sa chute. »
LFI isolée ?
La semaine dernière, la France insoumise avait annoncé qu’elle déposerait une motion de censure chaque fois que le gouvernement ferait appel à l’article 49-3. Hier, le gouvernement a engagé sa responsabilité pour la quatrième fois en deux semaines. Fort logiquement, les insoumis ont répliqué avec une nouvelle motion. Mais LFI peut-elle prendre le risque d’apparaître, scrutin après scrutin, de plus en plus isolée à gauche ? Et, qui plus est, de n’attirer à elle que les voix du Rassemblement National ?
D’un autre côté, si la France insoumise renonce à ses motions de censure, le RN aura beau jeu de se présenter comme la seule opposition au gouvernement. C’est le piège dans lequel tente de l’enfermer Marine Le Pen : « Je vois que ça suscite beaucoup de difficultés au sein des partis de gauche qui n’arrivent même plus à déposer une motion de censure commune, qui n’arrivent même pas à voter leur propre motion de censure ce qui prouve ces groupes de gauche sont en réalité dans une posture, qu’il n’y a pas beaucoup de sincérité politique dans leur opposition au gouvernement. Nous révélons en réalité les fractures profondes qui existent entre eux et les difficultés qu’ils ont à se mettre d’accord sur quelque chose d’aussi simple que l’expression d’un désaccord profond avec le fond et la forme présentés par le gouvernement dans ce projet de loi de finances et dans ce projet de loi de finances de la sécurité sociale. »
Le vote du budget est l’acte le plus important que puisse accomplir un parlementaire. En refusant les amendements des oppositions, en recourant systématiquement au 49-3, le gouvernement alimente l’antiparlementarisme. À quoi bon élire des représentants si ces derniers se retrouvent privés de leur droit de vote dès qu’ils s’opposent au gouvernement ? Ce petit jeu ne profite qu’aux extrêmes.
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