Branle-bas de combat, mardi 10 octobre à l’Assemblée. Dans la salle des conférences de presse où se tient chaque semaine le point de La France insoumise, il n’y a plus une chaise de libre. Mathilde Panot, la présidente du groupe, est à la contre-attaque.
Sur la question du mot « terrorisme », alors oui nous avons dit : « ce sont donc des crimes de guerre », tout comme d’ailleurs la Cour pénale internationale avait dit que la colonisation était des crimes des guerres. Et donc nous dénonçons, nous condamnons l’ensemble des crimes de guerre qui visent à la terreur. Donc on peut appeler ça terrorisme. Mais je vais vous dire ce qui nous dérange dans cette question. Ce qui nous dérange c’est que justement elle ne permet pas de penser la situation. Et penser la situation ce n’est pas juste une démocratie qui serait attaquée par des terroristes. Il y a une situation qui est extrêmement complexe, qui vient d’années et d’années de colonisation, de blocus, et qui ne permettent pas d’assurer la paix.
Mathilde Panot, députée du Val-de-Marne et présidente du groupe LFI-Nupes, Assemblée nationale, 10 octobre 2023
« J’ai répondu sur « terroriste » »
« Crimes de guerre », dit Mathilde Panot. Est-ce à dire que le Hamas est une armée ? Et que les victimes civiles ne seraient que le dommage collatéral d’une incursion en territoire ennemi ? Alors que l’enchaînement des événements montre plutôt qu’il s’agissait de terroriser l’opinion israélienne par un bain de sang. Pour en avoir le cœur net, Pure Politique, par la voix de Serge Faubert, demande à Mathilde Panot sa définition du Hamas :
Comment caractérisez-vous le Hamas ? Quelle est la définition que vous demandez du Hamas, aujourd’hui ?
Comment ? Oui, enfin… On ne va pas se lancer là-dessus. C’est la branche armée qui, aujourd’hui, est responsable de crimes de guerre. Voilà. Et dont, et c’est largement documenté, vous pourrez… Mais j’ai répondu sur « terroriste » en fait.
Organisation terroriste ou pas ?
J’ai répondu sur « terroriste. »
Mathilde Panot, Assemblée nationale, 10 octobre 2023
Le RN fait son miel
La conférence de presse s’achève dans la confusion. Salle des Quatre-Colonnes, le Rassemblement national fait son miel des propos de Mathilde Panot.
Donc madame Panot et La France insoumise reconnaissent le Hamas comme une armée régulière et non pas comme des terroristes dangereux. Je pense que La France insoumise se perd. Se perd volontairement dans ces errances antisionistes et probablement, au final, antisémites. Il faudra aussi que les partenaires de La France insoumise nous disent clairement de quoi ils sont partenaires, de qui ils sont partenaires.
Sébastien Chenu, député RN du Nord et vice-président de l’Assemblée nationale, Assemblée nationale, 10 octobre 2023
On en est là. Malgré l’histoire chargée du Front national, l’ancêtre du Rassemblement national, un député de ce parti peut aujourd’hui accuser La France insoumise d’antisémitisme sans sourciller. La dédiabolisation entamée par Marine Le Pen en 2011 a atteint son apogée.
PCF et EELV condamnent
Cependant, s’il comptait mettre en difficulté les partenaires de LFI au sein de la Nupes, Sébastien Chenu s’est trompé.
Nous condamnons sans ambiguïté l’acte de barbarie, l’acte terroriste commis par le Hamas et nous exprimons une émotion forte, une compassion à l’égard des victimes concernées par cet acte. Commencer par ça, c’est… d’abord c’est un réflexe d’humanité, mais c’est surtout aussi créer les conditions pour être audible sur le reste. Audible sur une situation très très préoccupante que nous dénonçons depuis de nombreuses années, sur le sort réservé aux Palestiniens, sur une extrême droite au pouvoir en Israël qui ne peut pas masquer ses propres turpitudes à la faveur de ce drame.
Sébastien Jumel, député GDR-Nupes de Seine-Maritime, Assemblée nationale, 10 octobre 2023
Du côté des écologistes, tout est dans la formulation. Soyez attentif aux répétitions de Cyrielle Chatelain.
Les écologistes condamnent fermement et sans réserve les attaques terroristes du Hamas qui ont conduit à la mort et à l’enlèvement de civils. Pour nous, cela relève du terrorisme. Nous le disons, nous assumons, et c’est la position des écologistes.
Cyrielle Chatelain, députée de l’Isère et présidente du groupe parlementaire écologiste-Nupes, Assemblée nationale, 10 octobre 2023
PS sévère
Les socialistes prennent moins de gants pour dénoncer la posture de LFI.
Je pense que c’est, effectivement, inacceptable que de ne pas considérer ces attaques comme terroristes. On en a aujourd’hui le déroulé précis. Est-ce que ça veut dire que par ailleurs nous soutenons depuis des années et des années le gouvernement de Benyamin Nétanyahou ? Non. Est-ce que la colonisation est un problème et nous la condamnons ? Oui, bien sûr.
Boris Vallaud, député des Landes et président du groupe parlementaire socialiste, Assemblée nationale, 10 octobre 2023
Faut-il en conclure à la fin de la Nupes ? À son transfert prochain du service des soins intensifs à celui des soins palliatifs ?
La question c’est : à quoi ça sert cette union de la gauche que nous avons à construire ? À construire une alternative. Est-ce que ça fonctionne bien aujourd’hui ? De façon très imparfaite. Il y a des choses qui ne marchent pas. Et si nous voulons constituer une alternative il faut que ça marche. Comment nous faisons pour qu’on ne soit pas embarqués, à tour de rôle, parce que ça peut être à tour de rôle, dans des polémiques ou des prises de positions dont nous finissons, finalement, par être les otages ? Donc on a besoin de se refixer les règles et c’est ce que nous, nous allons mettre en chantier.
Boris Vallaud, Assemblée nationale, 10 octobre 2023
Rééquilibrage
Samedi 14 octobre, le Parti socialiste tiendra un conseil national. Pressé par ses opposants du courant Refondations, Olivier Faure, le premier secrétaire, est sommé d’acter le divorce entre son parti et la Nupes. Pour l’heure, les échanges avec La France insoumise sont suspendus. Du côté du Parti communiste, on se prépare également aux obsèques.
Je pense que le principe de notre travail commun est posé, mais pas que par ce nouvel acte de désaccord entre nous, c’est plus ancien que ça, et donc on verra dans les semaines et dans les mois qui viennent comment ça se passe.
Fabien Roussel, député du Nord et secrétaire national du Parti communiste, Assemblée nationale, 10 octobre 2023
Si elle parvient à survivre, la Nupes ne sera plus sous la tutelle de Jean-Luc Mélenchon. Écologistes, socialistes et communistes sont fermement décidés à obtenir un rééquilibrage, quitte à ce que la coalition explose.
Rideau de fer
Du côté du bloc présidentiel, on travaille à l’édification d’un rideau de fer autour des insoumis.
Pourquoi est-ce que Mathilde Panot ne sait pas condamner clairement le Hamas comme une organisation terroriste ? Parce qu’elle protège un fonds de commerce électoraliste. Elle flatte les islamistes, les intégristes. Ils portent en eux quelque chose de profondément dérangeant qui les sort du champ républicain.
Pieyre-Alexandre Anglade, député Renaissance des Français établis hors de France, Assemblée nationale, 10 octobre 2023
LFI, malheureusement, franchit là un cap. On était déjà dans la complaisance vis-à-vis de l’islamisme. On était déjà face à de la complaisance vis-à-vis de l’antisémitisme, au fait de souffler sur les braises de l’antisémitisme, sur du complotisme, mais là, l’apologie du terrorisme, moi je dis « non ».
Caroline Yadan, députée Renaissance de Paris, Assemblée nationale, 10 octobre 2023
« Apologie du terrorisme »
Les Républicains disent non, eux aussi. De façon policée avec Olivier Marleix.
Qu’en France, des gens, des parlementaires, puissent refuser de qualifier le Hamas de mouvement terroriste, évidemment me paraît un fait d’une grande gravité et empêche, peut-être, de comprendre ce qu’il se joue réellement et ce qu’il se passe aujourd’hui en Israël. Et je crois que ça ne rend pas non plus service, d’ailleurs, à la cause palestinienne que de la réduire à un mouvement qui est le plus violent, qui est un mouvement terroriste et rien d’autre.
Olivier Marleix, député d’Eure-et-Loir et président du groupe parlementaire LR, Assemblée nationale, 10 octobre 2023
La charge est plus violente avec Meyer Habib qui ne cache pas ses liens avec l’actuel gouvernement israélien.
Ces députés ont appelé à l’apologie du terrorisme. C’est un délit pénal. On doit leur retirer leur immunité parlementaire. Pas tous, c’est ponctuel, certains, dont je n’ai même pas envie de nommer pour faire de la publicité. Il y a des partis de la République qui doivent être dissous.
Meyer Habib, députré LR des Français établis hors de France et vice-président du groupe d’amitié France-Israël, Assemblée nationale, 10 octobre 2023
« Choquant et désolant »
Dans sa réponse aux présidents de groupe, mardi, lors de la séance des questions d’actualité, la Première ministre y est allée, elle aussi, de son allusion à la position de LFI.
Dans ces moments tragiques, je trouve choquant et désolant d’entendre des voix dissonantes jusque sur ces bancs. C’est par la cohésion nationale et par la défense de nos valeurs républicaines que nous pourrons être à la hauteur.
Élisabeth Borne, Première ministre, Assemblée nationale, 10 octobre 2023
« Pas l’union nationale avec LFI »
La dernière phrase sur la cohésion nationale a fait bondir Marine Le Pen. Devant les journalistes, elle étale son courroux :
Moi je vous avoue que je ne veux pas faire l’union nationale avec La France insoumise qui considère que le Hamas n’est pas un mouvement terroriste. Je ne veux pas faire l’union nationale avec La France insoumise et ses alliés, car ses alliés sont restés au sein de la Nupes malgré les réserves qu’ils expriment à l’égard de La France insoumise, ils sont encore des compagnons de route assis sur les mêmes bancs de La France insoumise, de l’intergroupe Nupes.
Marine Le Pen, députée du Pas-de-Calais et présidente du groupe parlementaire RN, Assemblée nationale, 10 octobre 2023
Une grosse colère pour les caméras. Il n’est pas certain qu’Élisabeth Borne ait vraiment songé à inclure les insoumis dans une hypothétique union nationale. De toute façon, nous devrions être fixés ce jeudi 12 octobre au soir puisque Emmanuel Macron s’exprimera à la télévision. Auparavant, il aura reçu les chefs de partis à l’Élysée. Les fuites indiquent que le président est inquiet des tensions qui traversent le pays depuis le début des hostilités. Comment ne pas l’être.
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