Avec la disparition du pape François, l’Église se retrouve à un tournant de son histoire

Le pape François en Corée du Sud, le 17/08/2014

Qui peut nier que la mort du Pape soit un évènement politique qui s’impose même à ceux qui ne sont pas croyants ? N’était-il pas la référence de presque un milliard quatre cent millions d’individus sur les cinq continents ? Au moment où de l’autre côté de l’Atlantique, le vice-président américain instrumentalise la religion catholique pour la mettre au service d’une guerre culturelle, ce qui va se jouer à Rome dans les prochaines semaines aura de lourdes conséquences.

Le destin, ou l’ironie de l’histoire, aura voulu que le dernier interlocuteur officiel de François fut son exact opposé. Converti en 2019, JD Vance était venu mettre en scène sa réconciliation avec le lointain successeur de l’apôtre Pierre. Car l’internationale réactionnaire mondiale se cherche des cautions et des légitimités. Et dans cette quête, le pape François s’est révélé un obstacle insurmontable. Partisan d’une église sans frontières, ouverte à tous, comme il l’avait rappelé en 2023 lors des Journées mondiales de la jeunesse au Portugal.

Le souverain pontif avait inquiété jusqu’aux cardinaux en autorisant la même année la bénédiction des couples de même sexe. Ce qui ne l’empêchait pas, cependant, de continuer à considérer l’homosexualité comme un péché. Issu d’une famille d’Italiens immigrés en Argentine, le Pape a toujours prôné l’accueil des migrants, d’où qu’ils viennent.

Cette approche l’a conduit en 2024 à qualifier de « péché grave » les tentatives visant à « repousser » les migrants. Le 10 février dernier, dans une lettre adressée aux évêques américains, François est allé encore plus loin. Il qualifie les expulsions en masse de “déportation” et appelle tous les fidèles “à ne pas céder aux discours qui discriminent et causent des souffrances inutiles à nos frères et sœurs migrants et réfugiés”.

Sur le plan économique, François était également aux antipodes du productivisme trumpiste qui se contrefiche de l’environnement. En témoigne, par exemple, les ravages provoqués par la fracturation hydraulique utilisée dans l’extraction du gaz et du pétrole de schiste. En 2015, dans l’encyclique “Loué sois tu”, contribution qui restera sans doute la plus importante de son pontificat, François appelle les chrétiens à prendre soin de la maison commune, la Terre, et de ceux qui la peuplent. Quelques semaines plus tard, il exprimera son souhait que la COP 21, la conférence sur le climat, aboutisse à un accord.

Et puis il y a Gaza. Sa préoccupation jusqu’à son dernier souffle.

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Cette simple énumération suffit pour comprendre combien ce Pape pouvait être dérangeant pour les nouveaux croisés de l’Amérique. Sa disparition leur laisse le champ libre. Non pas qu’il faille faire de François l’étendard d’un quelconque progressisme. Là n’était certainement pas sa préoccupation, même s’il venait d’Amérique du Sud où longtemps prédomina la théologie de la libération. En revanche, sa jeunesse péroniste puis l’expérience de la dictature argentine lui auront conféré un pragmatisme politique certain. Au fond, François voulait ancrer l’Église dans son époque au moment même où d’autres s’efforcent d’inverser le sens de l’histoire au nom du retour à la religion.

Dans cette bataille pour ouvrir l’Église, François ne s’est pas fait que des amis. En reconnaissant l’ampleur des abus sexuels, en remaniant l’organisation pyramidale, en tentant d’y voir clair dans les finances, le prélat a cristallisé bien des oppositions. En 2021, il avait été jusqu’à restreindre l’utilisation du latin à la grande fureur des traditionalistes. Son désir de réforme, voire de révolution, inquiétait les cardinaux électeurs, c’est-à-dire les 137 cardinaux âgés de moins de 80 ans qui pourront voter sur les 252 que compte l’Église.

Seront-ils tentés de stopper le mouvement de transformation de cette dernière au moment de choisir le successeur de François ? La France sera peut-être amenée à suivre de très près le prochain conclave. Jean-Marc Aveline, le cardinal-archevêque de Marseille avait la faveur du Pape. Selon les experts en vaticanologie, il compterait déjà 6 à 8 soutiens parmi les cardinaux. Il lui en faudrait une vingtaine au premier tour du conclave pour assurer sa désignation. Ce ne serait pas impossible, dit-on. Il faut quand même remonter au XIVe siècle pour trouver trace d’un pape français. Il portait le nom de Grégoire XI.

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