
Samedi, c’est la fête nationale en Algérie. Cette journée commémore la proclamation de l’indépendance du pays, le 5 juillet 1962, après 132 ans de colonisation française. A cette occasion, Paris nourrit l’espoir que le président Tebboune gracie nos compatriotes incarcérés dans les prisons algériennes.
D’abord l’écrivain franco-algérien, Boualem Sansal, emprisonné depuis 7 mois. Âgé de 75 ans, atteint d’un cancer, il a été a été condamné en appel, mardi 1er juillet, à 5 ans de prison. Une sentence qui confirme la peine infligée en première instance. Le pouvoir Algérien lui reproche notamment des déclarations au magazine d’extrême droite Frontières.
L’écrivain estime que l’Algérie a hérité, pendant la colonisation, de territoires appartenant au Maroc. Ce qui lui a valu d’être interpellé à sa descente d’avion et poursuivi pour “atteinte à l’unité nationale” et “outrage à corps constitué”.
Le second détenu est notre confrère, Christophe Gleizes. Ce journaliste, spécialiste reconnu du football, travaille pour les magazines SoFoot et Society. Sous contrôle judiciaire depuis 13 mois, il a été condamné le 29 juin à 7 ans de prison ferme avec mandat de dépôt. Il lui est reproché d’avoir contacté le responsable du club de Tizi Ouzou qui se trouve être également l’animateur d’un mouvement autonomiste Kabyle. Christophe Gleizes l’avait interviewé, il y a 10 ans, alors que son mouvement n’était pas considéré comme une organisation terroriste par les autorités algériennes.
Mardi, à l’Assemblée, le cas de ces deux prisonniers a été évoqué au cours de la séance des questions au gouvernement.
Christophe Gleizes est collaborateur des magazines SoFoot et Society. Il enquête, il écrit, il raconte sa passion du football depuis plus d’une décennie. Il n’est un activiste, ni un provocateur. Mais sous prétexte qu’il aurait échangé, il y a près de 10 ans, avec une figure criminalisée bien des années plus tard par Alger, il se retrouve aujourd’hui enfermé. Enfermé pour avoir fait son travail.
Ce n’est pas une dérive, c’est une instrumentalisation politique de la justice par un régime autoritaire qui bâillonne la critique et qui veut régler ses comptes avec la France. 5 ans, à nouveau, décidés ce matin en appel contre l’écrivain français Boualem Sansal qui est âgé de 75 ans, qui est malade, assigné au silence, lui aussi pour ses mots. Même méthode et même arbitraire.
Je vous demande monsieur le Premier ministre, une parole forte pour les Français détenus illégalement à travers le monde. Une stratégie claire pour les défendre et pour défendre nos principes.
Naïma Moutchou, députée « Horizons et indépendants », le 01/07/2025
Réponse de Jean-Noël Barrot, le ministre de l’Europe et des Affaires étrangères.
Je veux évidemment, avec vous, m’indigner de la condamnation en appel de notre compatriote Boualem Sansal qui est incompréhensible et injustifiable. Aujourd’hui, alors que la procédure est arrivée à son terme, les autorités algériennes sont face à un choix. Celui de la responsabilité, de l’humanité et du respect, permettant à notre compatriote d’être libéré et soigné en tenant compte de son état de santé et de son âge.
Et puis s’agissant de Christophe Gleizes, comme depuis le premier jour de son arrestation au mois de mai 2024, nous sommes à ses côtés. Nous avons été vivement choqués par sa condamnation en première instance, à 7 ans de prison, condamnation extrêmement lourde. Et nous allons nous mobiliser pour obtenir sa libération.
Jean-Noël Barrot, ministre des Affaires étrangères, le 01/07/2025
La surenchère de Bruno Retailleau est une impasse
Mais dans les couloirs de l’Assemblée, c’est surtout la surenchère à laquelle s’est livrée Bruno Retailleau avec l’Algérie qui est pointée du doigt.
La diplomatie c’est du temps long. Il n’y a pas d’obligation d’un pays vis-à-vis de l’autre. Il faut parlementer, échanger, essayer de convaincre. Mais si on avait peut-être eu moins de propos de certains dans ce territoire, notamment à droite, peut-être qu’on aurait pu avoir des relations un peu plus simples avec l’Algérie.
Et tout le lait qui a été mis sur le feu par certains politiques de droite ces derniers mois, à mon avis ont plutôt pas aidé, et je trouve ça quand même culotté d’avoir le président du groupe à l’Assemblée qui dit que le gouvernement n’a pas assez fait alors que celui qui torpille la relation avec l’Algérie depuis quelques mois, c’est justement son président de parti. Je pense qu’il est important que chacun sache posture garder. Peut-être essayer de faire moins de bruit dessus pour qu’on puisse avoir une grâce présidentielle et que nos deux compatriotes reviennent.
Perrine Goulet, députée « Les démocrates », le 01/07/2025
Le président du groupe, c’est Laurent Wauquiez. Et le président du parti, Les Républicains en l’occurrence, c’est Bruno Retailleau. Les macronistes sont sur la même longueur d’onde. Y compris les plus à droite.
C’est très difficile de bien doser le niveau de riposte. On est face à un régime qui est extrêmement susceptible, qui n’a pas du tout les mêmes standards démocratiques que nous, qui n’est pas coopératif sur des dossiers essentiels pour notre pays. Je pense au dossier migratoire mais je ne crois pas que l’escalade verbale ou la surenchère soit non plus une réponse. Il faut faire très attention, évidemment, compte tenu de la situation à la fois de Boualem Sansal et du journaliste que vous évoquiez monsieur.
Mathieu Lefèvre, député « Ensemble pour la République », le 01/07/2025
La gauche sans ambiguïté (ou presque)
A gauche, la France insoumise condamne le bras de fer dans lequel s’est installé le ministre de l’Intérieur et réclame sans ambiguïté la libération de nos deux compatriotes.
Monsieur Retailleau a instrumentalisé la libération de Boualem Sansal dans la confrontation voulue avec Alger, dans une tension. Et on sait très bien, quoi qu’on en pense, que ce n’est pas comme ça qu’on procède avec l’Algérie, surtout en tant qu’ancienne colonie. Je pense qu’il ne fallait pas procéder ainsi.
Il fallait peut-être plus choisir la voie qui avait été un moment esquissée par le président de la République, revenir à des discussions un peu traditionnelles avec Alger, et je pense que ça aurait été préférable. Quand je dis ça, ça ne veut pas dire que j’absous l’Algérie, au contraire, de cette condamnation. Je continue à demander la libération de Boualem Sansal tout comme de Christophe Gleizes, journaliste de SoFoot qui n’a rien à faire dans les prisons algériennes. Il a juste été faire son métier et se consacrer à sa passion qui est le foot.
Eric Coquerel, député « La France insoumise » et président de la Commission des finances de l’Assemblée nationale, le 01/07/2025
Une position qui n’est pas une simple pétition de principe. Le député insoumis Sébastien Delogu en sait quelque chose. A l’occasion d’un séjour en Algérie, il s’est exprimé sur la chaîne de télévision publique TV2. A aucun moment, le député des Bouches-du-Rhône n’a réclamé la libération de Sansal et Gleizes. Cette maladresse de langage sur Jean-Luc Mélenchon et l’expression d’une position qui n’est pas celle de la France insoumise sur le Sahara occidental auront sans doute fait déborder le vase. Fait rare, voire inédit, LFI s’est désolidarisée des propos de son député dans un communiqué.
Pour Sandrine Rousseau, la détention de Boualem Sansal et Christophe Gleizes est la conséquence d’une décision imprudente
Emmanuel Macron n’aurait jamais dû reconnaître la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental. Pourquoi on a pris cette décision unilatérale sans prévenir personne ? C’est incroyable cette décision sur le Sahara occidental. C’est Macron tout seul qui a décidé ça. Evidemment que ça allait générer des tensions. Vous imaginez bien qu’un sujet aussi sensible que le Sahara occidental, qui dure depuis autant d’années, il ne suffisait pas d’une déclaration tout à fait intempestive pour le régler.
Sandrine Rousseau, députée « Écologiste et social », le 01/07/2025
Seul le Rassemblement national réclame encore que la France durcisse le ton avec l’Algérie.
Faire preuve de fermeté. C’est toutes les mesures vis-à-vis de l’Algérie : revenir sur cet accord de 1968, plus aucun visa, mais zéro, ils ont beaucoup plus à perdre qu’à gagner, arrêter tous les transferts de fonds, alors évidemment l’argent public transférer à l’Algérie, on va à Bruxelles aussi pour demander à l’Union européenne de faire la même chose, et puis les flux privés, on peut aussi les tarir. Avoir une vraie politique de fermeté, ce qu’on ne fait pas depuis trop longtemps maintenant avec cette dictature corrompue algérienne.
Philippe Ballard, député « Rassemblement national », le 01/07/2025
On saura samedi si la diplomatie est plus forte que les rodomontades.
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