La crise politique s’accentue, les coalitions et même les partis se fracturent à la faveur du débat budgétaire

Sébastien Lecornu, Premier ministre, le 04/12/2025 ©Assembléenationale

Vous n’y comprenez plus rien et vous êtes inquiets. Le jeu politique est devenu illisible et vous avez le sentiment que quelque chose ne tourne plus rond dans nos institutions. Rassurez-vous, vous n’êtes pas les seuls à ressentir ce malaise. C’est le baromètre trimestriel de l’Observatoire Société et consommation et du Centre de recherches politiques de Sciences Po qui nous le dit. Ou plutôt qui nous le confirme. Pour la première fois dans l’histoire des enquêtes d’opinion, le délabrement démocratique est devenu la première préoccupation des Français. Juste devant le pouvoir d’achat.

Selon les auteurs de l’enquête, la crise actuelle résulte de la conjonction de trois facteurs : la perte de légitimité personnelle du chef de l’État, la remise en cause des institutions et le rejet de la classe politique. L’Assemblée élue en 2024 est pourtant une des plus légitimes qui soit. Le second tour des élections législatives a en effet enregistré le plus fort taux de participation depuis 1997. Et pourtant tout se déglingue. D’abord et surtout, parce qu’Emmanuel Macron s’est refusé à appeler à Matignon la force politique arrivée en tête, la coalition du Nouveau Front Populaire. Aurait-elle fait mieux ? Personne ne peut le dire. Mais au moins l’hypothèque aurait été levée. Et des millions de Français n’auraient pas l’impression d’être les cocus de l’histoire.

Mais au-delà de ce fait générateur, il y a l’incapacité de la classe politique à s’adapter à la nouvelle donne. Celle d’une Assemblée où personne n’a de majorité. L’actuel débat sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, le PLFSS, en livre le navrant spectacle, jour après jour. Les yeux sont désormais tournés vers la présidentielle de 2027. Et les postures l’emportent sur l’intérêt général.

Ce qu’on souhaite, c’est qu’aujourd’hui, les ambitions politiques à court terme, à moyen terme, ne viennent pas polluer les débats qu’on a sur le projet de loi de finances de la Sécurité sociale. Ce qui est un peu le cas quand même, chacun regardant les prochaines échéances du mois de mars pour les municipales, et celles pour la présidentielle dans un an. Au détriment de qui ? Des plus fragiles.

Parce que le budget de la Sécurité sociale, je le rappelle, c’est le budget des plus fragiles puisque c’est le budget des prestations sociales, c’est le budget de la santé, c’est le budget également du chômage, bref, du handicap, des personnes âgées, bref, tous ceux qui sont fragiles dans notre société. Et pour des ambitions plus ou moins cachées de tous les partis, d’ailleurs, à un moment, on est en train de sacrifier ce qu’on a de plus cher, la Sécurité sociale.

Perrine Goulet, députée « Les Démocrates », le 2/12/2025

Les macronistes avalent des couleuvres

Perrine Goulet fait référence à la déclaration d’Édouard Philippe, mardi, dans le Parisien. Le maire du Havre, candidat à l’élection présidentielle, annonce que le groupe Horizons ne votera pas le PLFSS. Horizons fait pourtant partie du fameux socle commun censé soutenir le Premier ministre. Ce qui fait grincer des dents du côté des macronistes pur jus.

J’ai pu lire, effectivement, par vos confrères que certains partenaires du socle commun, comme on peut l’appeler dans les médias, avaient déjà annoncé voter contre le PLFSS avant même que le débat n’ait pu avoir lieu. J’ai envie de dire, la stratégie de la terre brûlée, d’autres y sont beaucoup plus professionnels. Laissons cette stratégie de la terre brûlée à la LFI et au RN.

Nous, continuons à nous mobiliser pour faire atterrir un budget. Bien évidemment, ce ne sera pas facile, ce ne sera pas toujours agréable. Mais nous devons pouvoir faire encore bouger le texte en débat, et pas en le condamnant avant même de le voir arriver en séance.

Prisca Thévenot, députée « Ensemble pour la République », le 2/12/2025

Depuis maintenant plusieurs semaines nous parlons de ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale. Nous voyons les positions des uns et des autres qui sont en train de se dessiner. Voyons également les concessions qui sont faites, notamment au groupe du Parti socialiste. Le même Parti socialiste qui dit à qui veut l’entendre qu’en dépit de l’ensemble des concessions faites en sa direction il ne peut pas voter pour, ce qui ne manque pas de sel de mon point de vue.

Nous n’avons pas pris de décision, mais ce que je peux dire c’est qu’en ce qui me concerne et en ce qui concerne la majorité du groupe auquel j’ai l’honneur d’appartenir, à ce stade si on devait arriver sur le texte tel qu’il est au regard du déficit de la Sécurité sociale, au regard de l’abandon de la réforme des retraites, au regard de l’augmentation fiscale induite par les concessions faites aux uns et aux autres, il sera très difficile que le groupe Horizons vote pour le texte.

Laurent Marcangeli, député « Horizons et indépendants », le 2/12/2025

Et même au sein du MoDem, un vent de fronde se fait entendre.

Donc vous dire que nous sommes inquiets, qu’on ne laissera pas faire n’importe quoi, qu’on ne votera pas de façon aveugle un PLFSS qui irait au-dessus d’un déficit de 20 milliards. Sinon on appellera le gouvernement à prendre ses responsabilités, peut-être même au travers d’un 49.3. On ne peut pas continuer comme ça.

Philippe Vigier, député « Les Démocrates », le 2/12/2025

49.3 ou pas 49.3 ?

S’il n’y avait que cela ! Mercredi, Bruno Retailleau, le président des Républicains a déclaré au micro de Sud Radio que le budget de la Sécurité sociale n’était pas votable. Et d’ajouter que le Premier ministre n’avait qu’à utiliser l’article 49.3 s’il voulait voir son budget être adopté. Une petite musique reprise ce jeudi matin par Gérard Larcher, le président du Sénat dans les colonnes du Figaro.

“Pas question de recourir au 49.3” a rappelé une nouvelle fois Sébastien Lecornu, ce jeudi après-midi.

Mesdames et messieurs les députés, vous avez critiqué le 49.3 pendant des années et au moment où nous le laissons tomber vous continuez de critiquer. Vous ne souhaitez être responsables de rien. Vous auriez préféré que j’engage la responsabilité du gouvernement. Je vais vous demander d’engager votre propre responsabilité pour notre Sécurité sociale, qui, vous en conviendrez, mérite, parce que c’est les 30 ans du PLFSS, création par le Premier ministre Alain Juppé en 1996 et l’anniversaire de la Sécurité sociale, il y aurait quand même quelque chose d’absolument incroyable à ce que le Parlement se dessaisisse de sa propre compétence.

Sébastien Lecornu, Premier ministre, le 2/12/2025

Pourtant le recours à l’article 49.3 ne déplairait pas à certains députés socialistes.

Si la tactique du consensus et du vote d’ouverture ne fonctionne pas, effectivement il ne reste plus que deux options : la France n’aura pas de budget, c’est soit la loi spéciale et les ordonnances, avec une aggravation de la condition de déficit du pays, avec la dégradation de la note pour la France, avec encore plus d’argent pour les intérêts de la dette et donc encore moins d’argent pour les services publics, et avec les ordonnances, une application stricte du budget 1 de monsieur Lecornu.

Si, effectivement, c’est la seule alternative, nous préférons, non pas nous, les socialistes, mais que le Premier ministre utilise le 49.3 pour conserver les avancées sociales obtenues par le débat budgétaire et que la France se dote d’un budget à travers ce moyen-là, plutôt que les ordonnances.

Romain Eskenazi, député « Socialistes et apparentés », le 2/12/2025

Mais voilà, ce n’est pas du tout la ligne défendue par Olivier Faure.

Moi je souhaite que tout le monde soit face à sa responsabilité. Je souhaite que chacun soit amené à dire ce qu’il fait et que les Français comprennent quels sont ceux qui travaillent pour eux et ceux qui travaillent uniquement pour leur candidature à l’élection présidentielle. Ça fait la différence à un moment. Il y en a marre de tous ces gens qui considèrent que la seule chose qui compte dans la vie, c’est eux.

Pardon d’être trivial, mais enfin ce qui m’emmerde c’est d’avoir des gens qui ne voient pas que dans ce projet de loi de financement de la Sécurité sociale, il y a le problème des pensions de retraite, il y a le problème des prestations sociales, l’Allocation Adulte Handicapée, les allocations familiales, les minimas, qu’il y a la question du montant de la CSG. Tout ça c’est important pour les gens. Et là on se comporterait comme si tout ça n’avait aucune importance et que la seule chose qui comptait c’était d’avoir à un moment capacité à dresser un signal à des électeurs supposés pour une future élection présidentielle. Mais enfin, de qui se moque-t-on ?

Le 49.3, c’est la politique pour les paresseux, pour les hypocrites, pour tous ceux qui ne veulent pas, en fait, prendre leurs responsabilités. On dit : “C’est le gouvernement qui fait, tout seul” et puis après on voit qui vote ou qui ne vote pas ? Non, ce n’est pas sérieux.

Olivier Faure, député « Socialistes et apparentés » et Premier secrétaire du Parti socialiste, le 2/12/2025

Un espoir de fou

Deux lignes pour un parti, ça en fait une de trop. Il va falloir choisir. Hollande ou le Parti socialiste.

S’il reste un très mince espoir de voir le Projet de loi de financement de la sécurité sociale être adopté, personne en revanche ne croit que le budget de l’État puisse être adopté. Et déjà on travaille sur une loi spéciale qui reconduirait le budget de l’année passée. Les députés seraient appelés à se prononcer la veille de Noël. Un chouette cadeau pour les petits souliers des Français.

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