TVA sociale : le nouveau tour de magie que prépare l’illusionniste de Matignon

Benjamin Lucas-Lundy, député « Écologiste et social », le 27/05/2025 ©PurePolitique

Revoilà la TVA sociale. L’éternel serpent de mer de la droite française. L’idée est simple : on augmente la TVA afin de baisser les cotisations sociales des entreprises. Autrement dit, c’est le consommateur qui paie la protection sociale plutôt que l’employeur et le salarié. François Bayrou a reconnu sur BFM que c’était une des pistes envisagées par son gouvernement pour combler le déficit.

Pour avoir une réponse franche, il faut aller la chercher à la fourchette à escargots. Quand ce n’est pas au tire-bouchon. Le lendemain, au Sénat, le Premier ministre s’est donc livré à une explication de texte.

J’ai dit qu’avant le 14 juillet le gouvernement proposerait un plan général de retour à l’équilibre des finances publiques. Ce plan, aucune des mesures qui le composeront n’est arrêtée. Peut-être me suis-je mal exprimé hier, et d’autres ministres du gouvernement.

On nous a demandé si la TVA sociale était écartée, ma réponse est, à l’heure actuelle : rien n’est écarté. Et donc les partenaires sociaux sont réunis. Plusieurs d’entre eux ont émis l’idée que nous reprenions la totalité de la question du financement de la protection sociale. Il est tout à fait possible que nous nous accordions pour qu’ils s’en saisissent.

François Bayrou, Premier ministre, le 28/05/2025

Corrigeons le Premier ministre. Il n’y a que le Medef pour défendre cette mesure.

Nos entreprises sont pénalisées parce qu’elles supportent trop de charges sociales. Qui seraient les bénéficiaires d’une TVA dite sociale ? Les entreprises en termes de compétitivité. Ce sera ensuite les salariés puisque les entreprises payant moins de charges, pour partie, ça favoriserait les salaires nets.

Et enfin, j’insiste sur un point qui n’est pas suffisamment souligné, ça bénéficierait à l’État lui-même. Pourquoi ? Parce que, par hypothèse, les résultats des entreprises s’amélioreront, elles paieraient plus d’impôts.

Patrick Martin, président du MEDEF, le 27/05/2025

Les entreprises sont sauvées !

On se croirait à la Foire de Paris. Face à un gars qui vend des décapsuleurs qui font le café, soignent les cors aux pieds et allument la télé. La TVA sociale serait donc la panacée des finances publiques. Et nous l’ignorions. Regardons-ça de plus près. Une hausse d’un point du taux de TVA – celle qui est à 20% – rapporterait à l’État 8 milliards d’euros par an. Et 13 milliards si on relevait les quatre taux de TVA.

Le salaire net serait bien augmenté. Mais il s’agit d’une augmentation en monnaie de singe. Car l’augmentation de la TVA fera grimper mécaniquement les prix. Et les salariés perdront en pouvoir d’achat ce qu’ils ont gagné en salaire net. Un tour de passe-passe. Face, je gagne, pile, tu perds.

Au sein du bloc central, on anticipe la critique sur le pouvoir d’achat. La TVA sociale mettra à contribution des gens qui ne coûtent rien à la sécurité sociale ou aux comptes de l’État : les touristes étrangers.

C’est une très bonne idée, parce qu’il vaut mieux faire payer les importations et les touristes plutôt que les salariés français. Ce n’est pas une hausse d’impôt parce qu’à la fin le gain sera redistribué à la fois pour le pouvoir d’achat des salariés, pour la compétitivité des entreprises.

Et, objectivement, on a aujourd’hui un modèle de financement de notre protection sociale qui repose trop, beaucoup trop sur le travail. Il est temps de changer d’assiette de financement. Dès 2012 j’avais soutenu ce qu’avait dit le président Sarkozy s’agissant de cela.

Si on veut avoir un gain de pouvoir d’achat net important pour les salariés et des gains de compétitivité pour les entreprises, il n’y a pas 30 solutions, il faut augmenter les impôts qui pèsent sur la consommation.

Mathieu Lefèvre, député « Ensemble pour la République », le 27/05/2025

Éternel refrain

Laissons de côté l’année olympique dont les chiffres sortent du lot. En 2023, la France a enregistré 138 millions de nuitées de touristes étrangers. Ce qui nous met loin derrière l’Italie et surtout l’Espagne. Si le séjour coûte plus cher, les touristes seront-ils aussi nombreux ? L’Espagne et l’Italie pourraient se révéler encore plus attractives. A gauche, on rappelle que cette TVA sociale n’a rien de nouveau. Ni rien de social, d’ailleurs.

Ca subira le même sort qu’avait subi Nicolas Sarkozy qui avait perdu, je crois, entre 50 et 60 parlementaires dans l’entre-deux-tours des législatives quand il l’avait proposé.

François Bayrou, ce qu’il nous propose, que tout le monde le comprenne bien, c’est de faire payer par les classes moyennes et les classes populaires de ce pays le laxisme fiscal à l’égard des ultra riches, les offrandes fiscales qui ont été faites aux grandes entreprises.

Tous ces cadeaux, toutes ces aides publiques aux entreprises sans aucune contrepartie alors qu’elles licencient et qu’elles versent des dividendes à leurs actionnaires.

Benjamin Lucas-Lundy, député « Écologiste et social », le 27/05/2025

Benjamin Lucas fait référence à cette passe d’armes entre Jean-Louis Borloo, éphémère ministre de l’Économie de Nicolas Sarkozy et le socialiste Laurent Fabius, ancien Premier ministre de François Mitterrand. Il sera aussi le ministre de l’Économie et des Finances de Lionel Jospin. La scène se déroule juste avant le second tour des élections législatives de 2007. Nicolas Sarkozy vient d’être élu président de la République.

Ce demi-aveu de Jean-Louis Borloo coûtera à la droite la défaite d’une soixantaine de ses candidats à la députation. Autant dire que depuis, la TVA sociale, c’est de la nitroglycérine. Et quoi qu’en dise le gouvernement, ça reste un impôt.

C’est encore une fois une fausse bonne idée du Premier ministre qui pense rééquilibrer les comptes de notre pays en se refaisant, quelque part, quelques impôts sur le dos des classes moyennes et populaires.

Mélanie Thomin, députée « Socialistes et apparentés », le 27/05/2025

Vous savez que la TVA c’est l’impôt le plus injuste qui pénalise les 10 % les plus défavorisés parce qu’il impacte d’abord ceux qui, j’allais dire, ont peu de revenus pour vivre. Les Français font des efforts. Encore une fois : il y a une catégorie qui ne fait pas d’effort mais qui au contraire a profité de toutes ces politiques, c’est, on va dire, les 1 % des Français les plus riches. Ça coûte des dizaines de milliards d’euros par an.

La dette augmente en France parce qu’on a baissé les recettes, et on les a baissé au profit des plus riches. Donc, l’idée de finalement faire compenser ces déficits par tous les Français, on va baisser, si j’ai bien compris, les budgets des collectivités, on compte attaquer à 20 milliards le budget de la Sécurité sociale, c’est quelque chose qui est aberrant et qui économiquement va être très mauvais pour la consommation.

Éric Coquerel, député LFI et président de la Commission des finances de l’Assemblée nationale, le 27/05/2025

Casus belli à droite

Du côté des Républicains, on ne veut pas entendre parler d’une augmentation des impôts. C’est un casus belli.

Aujourd’hui, les Français n’en peuvent plus d’être sous la pression fiscale, une pression fiscale telle que le fruit de leur travail est absorbé par les impôts. Et donc il faut nécessairement que le train de vie de l’État soit réduit et donc qu’il y ait le courage et cette volonté de vouloir tailler dans le vif du mille feuille administratif.

De la même manière que je l’ai fait en hémicycle lors de l’examen de la simplification, il faut que le gouvernement prenne la liberté de couper court dans un certain nombre d’instances, d’organismes, d’institutions qui ne servent à rien mais qui sont financées par le fruit du travail des Français, par le fruit de ce qu’on appelle l’argent public.

Anne-Laure Blin, députée « Droite Républicaine », le 27/05/2025

Tailler dans la dépense publique. Les Français qui réclament plus d’hôpitaux, plus de professeurs, plus de policiers, plus de juges, apprécieront. Le Rassemblement national est sur une ligne quasiment identique.

Vous savez, nous la TVA on veut la baisser, pas l’augmenter. Je crois que c’est d’une paresse intellectuelle totale que de vouloir augmenter la fiscalité. D’abord, faut savoir, les recettes fiscales en 2024 étaient supérieures à 2023, la dette a été supérieure, le déficit budgétaire encore plus supérieur. Et donc malgré tout il manque encore de l’argent.

Ça veut dire que notre gouvernement gère mal les deniers publics. Il y a des économies à faire, et pas dans la poche des Français. Dans le coût de l’immigration, le coût de l’Union européenne, le coût de l’administration, le coût du mille feuille territorial. Qu’on fasse déjà la chasse aux mauvaises dépenses. Une bonne cure d’amaigrissement de notre État gourmand et puis après on verra.

Laurent Jacobelli, député « Rassemblement national », le 27/05/2025

Marine Le Pen a brandi la menace de la censure. Reste à savoir si la présidente du groupe des députés RN est prête à perdre son siège de député dans l’hypothèse où de nouvelles élections législatives suivraient la chute du gouvernement Bayrou. Le président de la République pourra en effet dissoudre l’Assemblée nationale à partir du 8 juillet.

Un sondage Elabe pour BFM a livré quelques indications sur l’état d’esprit des Français. Sondage qui au passage souligne une nouvelle dégradation de l’image de François Bayrou. Ce n’est plus une dégringolade, c’est carrément de la spéléologie.

Revenons à la TVA sociale. Les Français sont 66 % opposés à cette mesure. Mais souhaitent-ils pour autant que le Premier ministre s’en retourne au pays ? Une courte majorité, 52%, ne veut pas de motion de censure. Même si les électeurs de gauche et du Rassemblement national y sont largement favorables.

François Bayrou aurait bien tort de se croire à l’abri. Surtout si l’Assemblée nationale vient à siéger en session extraordinaire en juillet et en septembre. La TVA sociale est un chat noir.

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