Inéligibilité : Marine Le Pen organise la contre-attaque mais risque d’y laisser des plumes

Marine Le Pen et Jordan Bardella, le 01/04/2025 ©PurePolitique

Dimanche, Marine Le Pen et Jordan Bardella appellent à un grand rassemblement à Paris pour sauver la démocratie. Ça ne vous rappelle rien ? Vraiment ? Allez, je vous aide. François Fillon, le 5 mars 2017 place du Trocadéro.

Le favori de l’élection présidentielle est alors dans le collimateur du Parquet national financier. Les juges ont ouvert une enquête préliminaire pour détournements de fonds publics et abus de bien sociaux après les révélations du Canard enchaîné. Le palmipède a levé un beau lièvre, ce qui est à la fois une performance zoologique et journalistique. L’épouse de François Fillon et ses enfants ont été rémunérés en tant qu’assistants parlementaires. Des emplois fictifs car aucune preuve de leur travail n’a été rapportée.

A cette inquiétude légitime s’est ajoutée la colère envers cette chasse à l’homme qui me vise et qui au-delà de ma seule personne cherche à briser la droite, à lui voler son vote. Je ne parle pas seulement pour moi. Je parle parce que la démocratie vous appartient, à vous, à vous qui êtes ici.

François Fillon, candidat à l’élection présidentielle, le 05/03/2017

François Fillon avait réuni entre 30 000 et 50 000 personnes. Combien de partisans Jordan Bardella et Marine Le Pen réussiront-ils à rassembler dimanche place Vauban ? Ce qui est certain, c’est que Marine Le Pen joue son va-tout. C’est sa vie politique qui vacille. Et avec elle tout l’édifice construit par son père avant qu’elle n’en prenne le relais. Mardi, lors de la réunion du groupe RN à l’Assemblée, le discours était celui d’un animal blessé.

Le système a sorti la bombe nucléaire et si il utilise une arme aussi puissante contre nous c’est évidemment parce que nous sommes sur le point de gagner les élections. Ils se disent que tout ce qu’ils ont mis en oeuvre n’a pas servi et que donc peut-être faut-il passer à la vitesse supérieure. Que les choses soient très claires, on ne laisserait pas les Français se faire voler l’élection présidentielle.

Nous allons user de tous les moyens qui sont à notre disposition pour permettre aux Français de choisir leur futur dirigeant, et nous allons gagner.

Marine Le Pen, députée RN et présidente du groupe RN à l’Assemblée nationale, le 01/04/2025

Marine Le Pen marche sur des œufs

Tous les moyens, ce sont des tracts, une pétition et le Rassemblement de la place Vauban. Autant d’initiatives qui choquent le reste de la représentation nationale.

Jordan Bardella devrait faire imprimer des tracts sur lesquels il s’excuse. Et sur lesquels il demande pardon au peuple français d’avoir détourné l’argent du Parlement européen pour financer son parti politique. Voilà ce qui devrait être les tracts imprimés par le Rassemblement national.

Il y a là une dérive illibérale extrêmement inquiétante, où lorsqu’une décision de justice ne vous convient pas alors vous en appelez à la rue, à une mobilisation populaire pour faire pression sur la justice et sur l’opinion pour inverser le cours des choses.

Pieyre-Alexandre Anglade, députée EPR, le 01/04/2025

Marine Le Pen soutient qu’à travers sa personne, ce serait l’ensemble des électeurs du Rassemblement national qui seraient lésés. La gauche juge irrecevable ce récit.

On nous parle d’un déni de démocratie voire d’une “bombe nucléaire” qui serait posée contre nos institutions démocratiques. Je veux le rappeler : les électrices et les électeurs du Rassemblement national auront toujours le choix de mettre un bulletin Rassemblement national dans l’urne aux prochaines élections qu’elles soient municipales ou à l’élection présidentielle.

Il ne s’agit pas d’interdire le Rassemblement national mais simplement de dire que la probité de Marine Le Pen a été entachée, la probité de Marine Le Pen et ses complices et d’autres auteurs de détournements publics.

Léa Balage El Mariky, députée Écologiste et social, le 01/04/2025

Quand monsieur Strauss-Kahn a eu des problèmes il y a quelques années le Parti socialiste a changé de pied, a présenté François Hollande. Ça ne lui a pas si mal réussi que ça en 2012.

Stéphane Peu, député GDR et président du groupe GDR à l’Assemblée national, le 01/04/2025

Mais le Rassemblement national a décidé de jouer la carte victimaire jusqu’à plus soif. Écoutez Jean-Philippe Tanguy lors de la séance des questions au gouvernement, mardi. Les portes de la Comédie française lui sont grandes ouvertes. A condition que ses cordes vocales résistent.

Voilà qu’un quarteron de procureurs et de juges prétend sortir du droit pour exercer la vendetta du système contre son seul opposant, le Rassemblement national, et contre sa principale incarnation, Marine Le Pen ! Il y a des tyrannies qui enferment leurs opposants. Il y a désormais des juges tyrans qui exécutent l’État de droit en place publique.

Voilà des magistrats qui, dans ce jugement, avouent que la candidature, l’élection de Marine Le Pen, serait un trouble à l’ordre public. Voilà finalement des magistrats qui appliquent la promesse du Syndicat de la magistrature, celle de faire barrage par tous les moyens, les pires moyens, à Marine Le Pen.

Jean-Philippe Tanguy, député RN, le 01/04/2025

Réponse du garde des Sceaux, Gérald Darmanin.

Je veux rappeler ici, comme ministre de la Justice, que tout citoyen, que toute citoyenne, doit pouvoir faire valoir son droit au recours, à être jugé par une cour d’appel. Et je souhaite personnellement que si madame Le Pen interjette recours ce délai de jugement nouveau à la Cour d’appel de Paris puisse être organisé dans un délai le plus raisonnable possible avec l’esprit dans lequel madame Le Pen va interjeter appel.

Gérald Darmanin, ministre de la Justice, le 01/04/2025

Gare aux illusions

Le soir même, un communiqué de la Cour d’appel indiquait que la juridiction “examinera ce dossier dans des délais qui devraient permettre de rendre une décision à l’été 2026”. Une première victoire pour Marine Le Pen ? Pas vraiment si l’on en croit l’interview accordée au Parisien, mercredi, par la Procureure générale de la Cour d’appel de Paris.

“Nous n’avions pas besoin d’entendre les propos du ministre pour nous organiser. Compte tenu des positions antagonistes du parquet et de la défense, nous savions que ce dossier du RN viendrait en appel. L’audiencement est le fruit d’une anticipation et notre réflexion n’a pas débuté lundi.”

Que peut espérer Marine Le Pen de ce jugement en appel ? La relaxe ? Ce serait bien étonnant au regard des faits. Ils sont avérés. En revanche, la Cour d’appel peut réduire la durée de l’inéligibilité de la candidate désormais empêchée. Si cette peine était ramenée de 5 ans à 18 mois, Marine Le Pen pourrait se présenter à la présidentielle. Elle aurait en effet purgé, par provision, les mois d’inéligibilité en question. Mais faire campagne avec une condamnation pour détournements de fonds public en bandoulière, n’est certainement pas le meilleur moyen de convaincre les électeurs.

Qu’à cela ne tienne. Marine Le Pen pourrait alors se pourvoir en Cassation. Ce qui lui permettrait de clamer dans ses meetings que sa condamnation n’est pas définitive. Et qu’elle reste présumée innocente. Mais quand ça ne veut pas, ça ne veut pas. Une jurisprudence, exhumée cette semaine par le Canard enchaîné, est venue rappeler que le pourvoi ne suspend que la décision de la Cour d’appel. Le jugement de première instance demeure. Et avec lui toutes les mesures d’exécution provisoire. Autrement dit, aller en cassation c’est redevenir inéligible pour cinq ans.

Voilà pour la procédure. Reste maintenant à expliquer aux électeurs pourquoi la justice a condamné des innocents, puisque c’est ainsi que se présente Marine Le Pen et les 20 autres prévenus de cette affaire. C’est simple, c’est un complot.

Nous contestons formellement, formellement, les accusations qui ont été portées contre nous et qui font l’objet de ce procès. Procès dont je vous rappelle qu’il a été engagé par mes adversaires politiques, monsieur Schulz président socialiste du Parlement européen main dans la main avec madame Taubira dont je n’ai pas besoin de vous rappeler tout de même qu’elle est une opposante absolument farouche de notre mouvement.

Marine Le Pen, députée RN et présidente du groupe RN à l’Assemblée nationale, le 01/04/2025

Martin Schulz, président du Parlement européen de 2012 à 2016, serait donc le grand responsable des malheurs du Rassemblement national. Une conspiration dont Jean-Philippe Tanguy dévoilait, sans se faire prier, les rouages.

Monsieur Bayrou, à l’époque où il a été mis en cause, était contre le système. C’est une thèse que j’ai énoncée depuis longtemps. Je pense que j’ai été l’un des premiers où j’ai analysé que le Parlement européen, Martin Schulz, président du Parti socialiste européen, qui était très préoccupé de la victoire de Marine Le Pen et moins des valises de billets qui circulaient par le Qatar chez les socialistes européens, avait ciblé les trois opposants à la bureaucratie fédéraliste européenne, à savoir monsieur Mélenchon, monsieur Bayrou et madame Le Pen.

Vous avez peut-être oublié, monsieur Bayrou, à l’époque, était un grand adversaire de la corruption du système, était très dur contre Nicolas Sarkozy, contre les ambiguïtés d’un certain nombre de forces de l’argent, en particulier le groupe Bouygues avec TF1 et à l’époque monsieur Bayrou n’avait pas de mot assez dur pour le système.

D’ailleurs il avait aussi commencé sa présidentielle de 2017 en condamnant ce que représentait Emmanuel Macron avant de le rejoindre. Je regrette que monsieur Bayrou ait arrêté d’être contre le système mais c’est peut-être ce qui l’a protégé contrairement à Marine Le Pen d’une sanction pour les mêmes faits.

Jean-Philippe Tanguy, député RN, le 01/04/2025

C’est un complot !

A entendre le député de la Somme, l’incorruptible François Bayrou serait rentré dans le rang pour échapper à une condamnation. Mais cette théorie du complot ne tient pas la route. Car loin de se faire discret, le Premier ministre est venu à la rescousse du Rassemblement national. Le jugement venait à peine d’être rendu que l’entourage du Béarnais faisait part du trouble de celui-ci. Cette confidence a semé le trouble jusque dans les rangs de son propre parti, le MoDem.

Ce sont les propos du Premier ministre. Ça tombe bien, on a des QAG tout à l’heure, il pourra sans doute et devra sans doute y répondre. Nous, le groupe Démocrates, on a une position très claire, je crois que vous avez tous lu notre communiqué paru hier. Nous le disons : la loi c’est la loi.

Erwan Balanant, député MoDem, le 01/04/2025

Est-ce bien malin, de la part d’un Premier ministre, de commenter les décisions de justice ? “Non” répondent les socialistes.

Moi je suis troublé devant ce trouble du Premier ministre. Le président de la République est le garant des institutions, c’est l’article 64 de la Constitution qui le dit. Le garant de l’indépendance de la justice. Et que fait le Premier ministre aujourd’hui ? Il donne l’impression de remettre en cause une décision de justice qui est hautement problématique. Alors, ce sont des propos tenus en privé. J’espère qu’il aura l’occasion de les démentir.

Arthur Delaporte, députée Socialistes et apparentés, le 01/04/2025

Loin de démentir les propos qu’on lui prêtait, le Premier ministre a surenchéri devant les députés.

En principe de droit, toute décision lourde et grave en matière pénale doit être susceptible d’appel. Toute décision, et de recours. Il se trouve que le seul point de l’exécution provisoire fait que des décisions lourdes et graves ne sont pas susceptibles de recours. Les décisions potentiellement porteuses de conséquence irréversibles ne sont pas susceptibles d’appel.

C’est le Parlement qui fait la loi. J’ai lu les déclarations des insoumis sur cette question. J’ai lu avec une très grande clarté. Ils ont indiqué que selon leur idée du droit, il devrait y avoir… eh bien je considère que pour vous, la réflexion doit être conduite.

François Bayrou, Premier ministre, le 01/04/2025

Comme le Premier ministre n’a pas terminé sa phrase, nous avons demandé à Éric Coquerel de nous mettre les sous-titres.

Il y a eu des faits graves. Je pense que c’est bien que personne ne soit au-dessus des lois. Après, nous, on a toujours dit, et je le répète, que la question de ne pas pouvoir faire de recours sur une inéligibilité était problématique. Mais c’est le principe que nous remettons en question. Une fois de plus, la juge en l’occurrence n’a fait qu’appliquer la loi. Ceux qui ont mis tout ça dans la loi doivent s’en prendre à eux-mêmes.

Éric Coquerel, député LFI et président de la Commission des finances de l’Assemblée nationale, le 01/04/2025

Délire politique

Pour ce qui est de la réflexion sur la loi, c’est tout vu pour Éric Ciotti.

Nous observons la prise de pouvoir de l’autorité judiciaire. Le gouvernement des juges s’installe contre le peuple souverain. D’éminents juristes, pourtant opposés à Marine Le Pen, ont fait entendre leur inquiétude. L’exécution provisoire installe une peine de mort politique. Monsieur le Premier ministre, notre groupe portera dans sa niche de juin une proposition de loi pour supprimer l’exécution provisoire pour les peines d’inéligibilité.

Éric Ciotti, député UDR et président du groupe UDR à l’Assemblée nationale, le 01/04/2025

La proposition de loi sera examinée le 26 juin dans le cadre de la niche parlementaire du groupe UDR. Si elle était adoptée, cette loi deviendrait rétroactive. Car elle adoucit les peines et doit donc profiter aux prévenus dans les procès en cours. Marine Le Pen pourrait s’en prévaloir. Mais il n’est pas dit que les députés, puis les sénateurs, votent le texte. Et que l’adoption définitive intervienne avant le procès en appel. Cette dénonciation d’un supposé gouvernement des juges fait réagir au-delà des rangs de la gauche.

Il y a un problème démocratique de voir des députés qui ont tous quasiment, unanimement, voté les peines et les dispositions qui sont appliquées se ruer devant les caméras pour les dénoncer et annoncer la “dictature des juges”.

Les mots qui sont prononcés depuis 24 heures sont extravagants, relèvent d’une forme de délire politique de la part d’un parti d’extrême droite aux abois et qui oublie toute retenue, toute modération, toute même considération pour les faits, pour se laisser aller à la propagande la plus débridée avec l’inspiration et le relais de forces étrangères dont on voit par leurs sources qu’elles sont toutes anti-démocratiques et anti-occidentales.

Harold Huwart, député LIOT, le 01/04/2025

Marine Le Pen a-t-elle des chances de renverser la situation ? En politique, il ne faut jamais dire jamais. Même François Hollande a réussi à revenir. Sans parler de Donald Trump. Mais le plus grand danger pour elle vient peut-être de ses rangs. Plus Marine Le Pen tardera à passer la main, plus certains de ses amis seront tentés de l’écarter pour éviter que le navire du Rassemblement national ne coule avec son capitaine.

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