Le gouvernement n’est pas assuré de passer l’année. Le projet de loi sur l’immigration pourrait pousser Les Républicains à déposer une motion de censure le moment venu. Motion qui aurait de fortes chances de rallier les voix de toutes les oppositions. Le texte gouvernemental sera examiné au Sénat à partir du 6 novembre.
Le récent renouvellement de la moitié de la chambre haute a bouleversé la donne. Avec 133 sièges contre 145 auparavant, Les Républicains n’ont plus la majorité absolue. Ils doivent maintenant composer avec leurs 56 collègues de l’Union centriste.
Et justement, les deux groupes divergent. Les LR sont vent debout contre la régularisation des travailleurs sans papiers dans les métiers en tension. Les centristes y sont favorables. Le gouvernement ne devrait donc pas être chahuté lors de l’examen du texte. De toute façon, il n’y a pas de motion de censure au Sénat.
Bras de fer final
C’est finalement en décembre, devant les députés, que se jouera le bras de fer entre les Républicains et le gouvernement. Pas moins de deux semaines sont prévues pour examiner le projet de loi sur l’immigration dans l’hémicycle. Pour s’assurer une majorité, le gouvernement ne ménage pas ses efforts. Il courtise assidûment les 21 députés du groupe Liot.
Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, est allé jusqu’à leur rendre visite, début septembre, lors de leurs journées parlementaires en Guadeloupe. Il y a pire voyage. Mais ce renfort éventuel de quelques députés Liot ne sera pas suffisant. Le gouvernement doit absolument débaucher des députés LR pour faire l’appoint.
Menace terroriste instrumentalisée
Depuis quelques jours, Élisabeth Borne et Gérald Darmanin instrumentalisent donc la menace terroriste. À les entendre, si les mesures prévues par le projet de loi immigration avaient été en vigueur, on aurait pu éviter l’assassinat du professeur Dominique Bernard à Arras. Originaire d’Ingouchie, le tueur aurait été expulsé avant qu’il ne passe à l’acte.
Je veux redire que le projet de loi, notamment les articles autour de l’article 10 jusqu’à l’article 13, prévoient, nous auraient permis, nous permettraient, c’est pour ça qu’il faut adopter cette loi désormais très vite, de pouvoir expulser du territoire national des personnes qui pourtant, jusqu’à présent, sont protégées par ce qu’on appelle des réserves d’ordre public.
Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur, BFMTV, 16 octobre 2023
« Elle n’aurait rien changé »
L’argumentation du ministre de l’Intérieur ne convainc pas Olivier Marleix.
Ce projet de loi est très largement, très largement insuffisant. Et le ministre de l’Intérieur ment aux Français quand il explique que cette loi aurait permis d’expulser monsieur Mougouchkov. Ce n’est pas la vérité. J’ai regardé très attentivement ce qu’il y avait dans la loi, ce qui est proposé, et le projet de loi en réalité aurait permis de monsieur Mougouchkov soit le 124 000e bénéficiaire d’une obligation de quitter le territoire français. En faisant sauter le fait qu’il est arrivé avant l’âge de, donc on aurait pu avoir une OQTF de plus en France. Mais je vous rappelle que le taux d’exécution des OQTF par monsieur Darmanin était de 7 % en 2022. 7 %. Sur les 124 000 OQTF prononcées, vous n’en avez que 4 000 qui sont exécutées. Voilà ce qu’aurait changé la loi. Elle n’aurait rien changé.
Olivier Marleix, député d’Eure-et-Loir et président du groupe parlementaire LR, Assemblée nationale
Manœuvre du gouvernement
Marine Le Pen dénonce elle aussi une manœuvre du gouvernement.
Il se sert de l’attentat d’Arras en disant : regardez, si ma loi est votée, on aurait pu…, si ma loi avait été votée, puisqu’elle n’est pas encore présentée, on aurait pu expulser le terroriste d’Arras. Mais c’est un mensonge car en réalité, l’article 631 du CESEDA [Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, ndlr] permet totalement d’expulser quelqu’un qui a le profil du terroriste d’Arras. Puisque si lorsqu’on est entré avant 13 ans et qu’on a résidé en France, on ne peut pas être expulsé, il y a des exceptions. Et les exceptions, c’est évidemment l’atteinte à la sécurité de l’État, c’est évidemment le fait d’avoir des liens avec une activité terroriste, et c’est évidemment son cas, c’est le fait d’appeler à la haine ou à la discrimination envers une personne ou un groupe de personnes. Gérald Darmanin n’apportera rien avec sa loi.
Marine Le Pen, députée du Pas-de-Calais et présidente du groupe parlementaire RN, Assemblée nationale
Que fera le président de la République si le gouvernement d’Élisabeth Borne est mis en minorité ? Ça, c’est une autre histoire. Emmanuel Macron peut reconduire sa Première ministre. Comme il peut dissoudre l’Assemblée nationale. Il lui reste huit semaines pour y réfléchir. C’est à la fois long et c’est demain.
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