Le signal est fort. Mais suffira-t-il à stopper les massacres à Gaza ? En décernant un mandat d’arrêt contre Bényamin Netanyahou et son ex-ministre de la Défense Yoav Gallant, la Cour pénale internationale (CPI) a incontestablement changé la donne.
Paria international
Le Premier ministre israélien est désormais un paria aux yeux d’une partie de la communauté internationale. Autrement dit, on ne peut plus fermer les yeux sur ses actes sans s’inscrire dans une forme de complicité.
Réaction en chaîne
Le Canada, la Suisse ou encore l’Italie se sont déjà engagés à procéder à l’arrestation de Nétanyahou s’il venait à fouler le sol de leur territoire, ne serait-ce que pour une escale. Le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, a fait savoir que les mandats doivent être « respectés et appliqués ». La Belgique a exprimé son plein soutien à la CPI.
L’exception allemande
À rebours, l’Allemagne a déclaré qu’elle ne procéderait pas à l’arrestation du Premier ministre israélien s’il venait sur son territoire. Au regard de l’histoire de ce pays, on comprendra qu’il existe une répugnance collective à voir des policiers allemands encadrer un prévenu de confession juive, fut-ce au nom de la justice internationale.
L’hésitation de la France
Quant à la France, elle s’est contentée, pour l’heure, de prendre acte de la décision. Il est vrai que l’immunité diplomatique dont jouit le Premier ministre israélien s’oppose, en principe, à son arrestation. Et ce d’autant plus qu’Israël ne reconnaît pas la CPI. Gageons, cependant, que la question ne se posera pas. La diplomatie est aussi l’art d’éviter les situations embarrassantes pour toutes les parties.
En revanche, Benyamin Nétanyahou reste le bienvenu aux États-Unis qui ne reconnaissent pas la CPI. Joe Biden a jugé scandaleux qu’Israël et le Hamas soient renvoyés dos à dos par la décision des trois juges de la CPI. En effet, ces derniers ont également délivré un mandat d’arrêt contre Mohammed Deif, chef militaire du Hamas à Gaza. Considéré comme l’architecte de l’attaque terroriste du 7 octobre, il aurait été tué dans une frappe, le 13 juillet, selon l’armée israélienne.
Mandat d’arrêt contre un mort
Apparemment, la CPI n’en est pas convaincue. Ou bien s’agissait-il pour le tribunal international d’équilibrer une décision qui aurait été, sans cela, perçue comme univoque, voire partiale ? C’est possible. Mais il est vrai qu’il ne reste plus beaucoup de chefs du Hamas vivants.
L’accusation de génocide n’est pas retenue
Tous ceux qui dénoncent la commission d’un génocide à Gaza devront reconsidérer leurs accusations. Les trois juges – le Français Nicolas Guillou, la Béninoise Reine Alapini-Gansou et la Slovène Beti Hohler – n’ont pas retenu cette incrimination. Benyamin Nétanyahou et Yoav Gallant sont poursuivis pour des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité.
Selon la déclaration de la CPI, il existe des « motifs raisonnables » de croire que les deux responsables israéliens « ont intentionnellement et sciemment privé la population civile de Gaza d’objets indispensables à sa survie, notamment de nourriture, d’eau, de médicaments et de fournitures médicales, ainsi que de carburant et d’électricité ».
Assimilations malhonnêtes
Autrement dit, la CPI incrimine la conduite de la guerre, mais récuse l’existence d’un projet d’extermination d’une population. La distinction est bienvenue. Car elle écarte les assimilations paresseuses, pour ne pas dire malhonnêtes, qui voudraient mettre un signe égal entre le IIIe Reich et le sionisme.
L’instrumentalisation du Capitaine Dreyfus
Pour sa défense, Benyamin Nétanyahou invoque le souvenir du capitaine Dreyfus. Voilà que la CPI serait antisémite. L’argument est grossier. Que l’on conteste la décision de la CPI est recevable. Comme la plupart des institutions internationales, sa légitimité doit encore faire ses preuves. Mais le souvenir de l’extermination industrielle des juifs par les nazis ne saurait exonérer les dirigeants israéliens de leurs responsabilités devant le monde et l’histoire. C’est insulter la mémoire de la Shoah.
Serge Faubert
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