Rentrée politique : quel est le cap de Macron ?

Olivier Véran, ministre délégué et porte-parole du gouvernement, à l’issue du Conseil des ministres à l’Élysée, le 30 août 2023. ©Élysée

Comme prévu, la montagne a accouché d’une souris. Une petite souris. Les douze heures d’échange entre le président et les onze chefs de partis invités, le 30 août, n’ont donné lieu à aucune conclusion. Et encore moins à des engagements ou des décisions. Marine Tondelier l’a souligné sur X, l’ancien réseau Twitter.

On a porté des propositions concrètes sur le blocage des prix. Le président de la République l’a balayé d’un revers de la main. Nous avons dit, l’ensemble des formations politiques de la Nupes, que le premier référendum à faire dans ce pays c‘est le référendum sur le projet de loi sur la retraite à 64 ans, il a dit qu’il n’était pas question de la soumettre à référendum.

Manuel Bompard, député des Bouches-du-Rhône et coordinateur de La France insoumise, BFMTV, 31 août 2023

Opération de communication

Cette rencontre était avant tout une opération de communication. 

Quelque chose s’est passé hier qui pourrait bien marquer l’histoire politique voire démocratique de notre pays.

Ah oui carrément ?

Bah, oui. Des gens qui ne se parlent pas, qui ne s’entendent pas, qui ne se comprennent pas, qui ne pensent pas la même chose, même se combattent, dont on disait encore hier qu’une partie d’entre eux n’atteindraient même pas le dîner, ont décidé de se parler.

Olivier Véran, ministre délégué et porte-parole du gouvernement, France info, 31 août 2023

Clore une séquence

Du côté de la Nupes, personne n’était dupe au moment de franchir le porche de l’école de la Légion d’honneur à Saint-Denis.

Nous ne sommes pas dupes de l’opération de communication que le président de la République met en place aujourd’hui. En même temps, à chaque fois qu’il est possible de venir porter des propositions concrètes, nous le faisons.

Olivier Faure, premier secrétaire du Parti socialiste, BFMTV, 30 août 2023

Comme le Grand débat qui avait suivi le mouvement des gilets jaunes, ce barnum a pour objectif de clore une séquence. En l’occurrence celle qui va du mouvement contre la réforme des retraites jusqu’aux émeutes de juillet dernier. Il s’agit d’une mise en scène destinée à montrer qu’Emmanuel Macron ne reste pas sourd aux colères du pays. Ce qui est plutôt osé, puisqu’il est, pour l’essentiel, à l’origine desdites colères.

Perspective d’un référendum

En toile de fond de curieux sommet politique, il y a la perspective d’un référendum. Emmanuel Macron l’a évoquée dans le long entretien qu’il a accordé à l’hebdomadaire Le Point, le 23 août. 

Le président de la République l’a dit dans son entretien à l’hebdomadaire Le Point : aucune porte n’est fermée pour être capable de porter des réformes dans notre pays. Le président, dans l’entretien au Point, dit : « Un ou des référendums ». La question a pu être posée de savoir qu’est ce que c’est que « des référendums ». Vous avez là plusieurs possibilités. Aucune n’est actée à l’heure à laquelle je vous parle. Vous pouvez faire plusieurs référendums espacés dans le temps ou vous pouvez décider de poser plusieurs questions aux Français regroupées sur une seule journée. Ce que dit la Constitution c’est que vous ne pouvez pas faire un seul scrutin avec plusieurs questions différentes. En revanche, la Constitution vous autorise à poser plusieurs questions le même jour dans le cadre de scrutins indépendants aux Français.

Olivier Véran, images de la présidence de la République, 30 août 2023

Immigration

Faudrait-il installer plusieurs bureaux de vote au même endroit ? Déjà qu’on peine à trouver des assesseurs pour une seule consultation… Un référendum, c’est bien beau, mais sur quoi ? Sur l’immigration, répondent en chœur la droite et l’extrême droite. 

Il faut plus d’autorité, moins d’impôts, moins d’immigration. Si on va sur ces trois sujets… Ils sont à la source aujourd’hui des maux de notre pays.

Éric Ciotti, député des Alpes-Maritimes et président du parti Les Républicains, RMC, 29 août 2023

Je suis venu lui demander d’organiser un référendum, le 9 juin 2024, le jour des élections de mi-mandat que sont les élections européennes, parce que je pense que l’immigration est aujourd’hui une inquiétude majeure pour d’innombrables français.

Jordan Bardella, député européen et président du Rassemblement national, BFMTV, 30 août 2023

Modifier la Constitution

Mais l’immigration n’est toujours pas la priorité des Français comme le confirme un sondage Elabe pour BFM. Ce n’est que leur troisième préoccupation, loin derrière le pouvoir d’achat. Quoi qu’il en soit, la Constitution ne permet pas que les Français s’expriment sur l’immigration. L’article 11 est formel : un référendum ne peut porter que sur l’organisation des pouvoirs publics ou les réformes affectant la politique économique, sociale ou environnementale de la nation. 

Pour contourner cet obstacle, Éric Ciotti et Bruno Retailleau ont déposé deux propositions de loi à la fin du mois de mai. La première se propose de modifier la Constitution afin que les Français puissent se prononcer sur n’importe quel projet de loi. La seconde reprend les positions de la droite en matière d’immigration : réductions des aides sociales et médicales, expulsions facilitées, retour de la double peine et remise en cause du droit du sol dans certains cas.

Pénurie de main-d’œuvre plutôt que philanthropie

C’est là que pourrait bien se jouer le déroulé des prochains mois. L’Assemblée nationale doit examiner à l’automne un projet de loi sur l’immigration. Rédigé par Gérald Darmanin, le ministre de l’Intérieur, et Olivier Dussopt, le ministre du travail, ce texte prévoit, entre autres dispositions, la régularisation des travailleurs sans papiers dans les métiers en tension. Une mesure qui doit davantage à la pénurie de main-d’œuvre qu’à la philanthropie, rassurez-vous. 

Pour la droite, il est hors de question de voter ce texte. Avant les vacances, Olivier Marleix allait jusqu’à envisager le vote d’une motion de censure dans l’hypothèse où le gouvernement tenterait de faire adopter son projet de loi en recourant à l’article 49-3. Ces dernières semaines, quelques indiscrétions ont laissé penser qu’Emmanuel Macron serait prêt à abandonner le volet régularisation du projet de loi. 

Mais voilà, le président de la commission des lois, Sacha Houlié ou encore le vice-président du groupe Renaissance, Marc Ferracci, ne l’entendent pas de cette oreille. Et avec eux, pas mal de députés du bloc présidentiel transfuges de la gauche en 2017. Ils l’ont fait savoir au président.

Entre deux feux

Du coup, Emmanuel Macron se retrouve pris entre deux feux. Vaut-il mieux prendre le risque que le gouvernement soit renversé par une motion de censure votée par toutes les oppositions ou bien qu’un référendum sur l’immigration rende l’atmosphère du pays irrespirable ? Si l’on en croit Éric Ciotti, le 31 août, le président n’a pas encore tranché. 

Au mieux, quelques propositions vont prospérer, celles que nous avons faites, celles que j’ai portées, notamment sur le recours à un référendum de façon beaucoup plus fréquente, un référendum pour changer le cours du destin de notre nation en matière d’immigration.

Qu’est ce qu’il a vous a dit là-dessus le chef de l’État ?

On n’a pas eu vraiment de positions très arrêtées du président de la République. Donc aujourd’hui, à votre question, j’ai une forme personnellement aussi d’interrogation.

Éric Ciotti, France 2, 31 août 2023

Conférence sociale sur les salaires

François Bayrou n’a pas entendu la même chose. Une réforme des institutions serait dans l’air. 

Tous les partis qui étaient là, je ne crois pas me tromper en disant tous, ont dit : « La proportionnelle ça nous intéresse et votre engagement où est-ce qu’on en est ? ». On a parlé des référendums. Il a dit, formellement, qu’il avait l’intention qu’on clarifie cette question entre nous.

François Bayrou, maire de Pau et président du MoDem, LCI, 31 août 2023

Seul acquis de cette rencontre, le principe d’une conférence sociale sur les salaires est retenu. Reste à savoir quand et sous quelle forme. Un séminaire gouvernemental, le 6 septembre, doit tirer les enseignements du conclave de Saint-Denis. Conclave que le chef de l’État se propose de répéter. Toujours à huis clos. 

On se permet de lui faire remarquer qu’il existe déjà un lieu pour confronter les points de vue : l’Assemblée nationale. La Première ministre qu’il a choisie pour porter ses projets peut y faire des déclarations de politique générale. Et même demander un vote aux députés. Bref, nul besoin de court-circuiter les institutions de la République.

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