Et si je vous disais que le coup de tonnerre qui s’est produit hier dans l’enceinte du tribunal judiciaire de Paris n’était en fait qu’un pétard mouillé. Que la dramatisation autour d’une possible inéligibilité de Marine Le Pen en 2027 résulte d’une lecture hâtive de l’affaire.
La seule chose qui intéressait le parquet c’était Marine Le Pen. Marine Le Pen… pour pouvoir demander encore une fois son exclusion de la vie politique avec exécution provisoire et puis le Rassemblement national pour pouvoir ruiner le parti. On a bien compris cela. En tout cas moi j’ai bien compris cela. Ce que j’espère c’est que le tribunal ne suivra pas.
Marine Le Pen, députée RN et présidente du groupe RN à l’Assemblée nationale, le 13/11/2024
Certes, dans ses réquisitions, l’accusation a réclamé contre la députée du Pas-de-Calais 5 ans de prison dont 3 avec sursis et 5 ans d’inéligibilité avec exécution provisoire. Si le tribunal judiciaire de Paris venait à reprendre ces réquisitions dans leur intégralité, on pourrait craindre ou espérer – c’est selon – que Marine Le Pen ne puisse pas se présenter une quatrième fois à l’élection présidentielle. Et pourtant, une peine d’inéligibilité assortie d’une exécution provisoire n’empêche pas Marine Le Pen d’être candidate.
Qu’est-ce que l’exécution provisoire ?
Arrêtons-nous sur la définition de l’exécution provisoire d’une peine. Cela veut dire que celle-ci s’applique avant même que la personne condamnée n’ait épuisé les voies de recours. Cela vaut pour tous les justiciables. Y compris les élus. Sauf les parlementaires. C’est une décision du Conseil constitutionnel en date du 22 octobre 2009 qui le dit. “Il n’appartient pas au Conseil constitutionnel de constater la déchéance d’un parlementaire de son mandat du fait d’une inéligibilité assortie de l’exécution provisoire dès lors que cette condamnation n’est pas devenue définitive. Sursis à statuer jusqu’au prononcé de l’arrêt de la Cour de cassation.”
Autrement dit, le tribunal judiciaire puis la Cour d’appel peuvent bien prononcer ou confirmer l’exécution provisoire de la peine d’inéligibilité, celle-ci ne s’appliquera pas tant que la Cour de Cassation n’aura pas rendu son arrêt. Alors, sortons le calendrier : la décision du tribunal judiciaire de Paris n’interviendra pas avant trois mois. Soit février 2025. Si Marine Le Pen fait appel, ce qui est probable, l’audience ne se déroulera, au mieux, qu’un an plus tard. On sera en février 2026. Entre les débats et le délibéré, il faut rajouter 4 à 5 mois. On se retrouve déjà au mois de juin 2026. Si Marine Le Pen se pourvoit en Cassation, l’audience devrait se tenir autour du mois de novembre 2026.
L’élection présidentielle en ligne de mire
Les avocats de présidente du groupe parlementaire RN, avec un peu d’adresse, n’auront pas de difficulté à prolonger la procédure jusqu’à l’élection présidentielle. Le Conseil constitutionnel se retrouverait alors dans la curieuse situation de devoir enregistrer une candidature à la présidentielle dont il sait par ailleurs qu’elle pourrait ne pas être recevable. Bonjour les nœuds au cerveau. Enfin, à supposer que Marine Le Pen devienne présidente de la République, la procédure sera suspendue jusqu’à la fin de son mandat, voire le second si elle venait à être réélue.
Bref, ce n’est pas demain la veille que Marine Le Pen n’aura d’autre horizon que le toilettage de ses chats dans sa maison des Yvelines.
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