Macron en Israël : l’urgence d’un cessez-le-feu

Élisabeth Borne, Première ministre, à l’Assemblée nationale, le 23 octobre 2023. ©Assemblée nationale

Emmanuel Macron s’envole mardi 24 octobre pour Israël. Il y rencontrera le Premier ministre, Benyamin Netanyahou. Sur le chemin du retour, il pourrait faire escale en Égypte ou au Liban, voire dans les deux pays. Ce réveil de la diplomatie française est bien tardif. Le président américain Joe Biden, le chancelier Olaf Scholz et le Premier ministre Rishi Sunak se sont déjà rendus en Israël. 

Samedi 21 septembre, la cheffe du gouvernement italien, Giorgia Meloni, a également fait le déplacement. Vendredi, Emmanuel Macron avait affirmé qu’il ne se rendrait à Tel Aviv que si ce voyage apportait des « éléments utiles pour la région ». Il faut donc en conclure que ces éléments sont désormais au rendez-vous. 

Pourtant, sur le plan diplomatique, la situation est bloquée. Samedi, au Caire, une conférence pour la paix a réuni une trentaine de représentants de pays et d’organisations internationales européens et arabes. Catherine Colonna, la ministre des affaires étrangères représentait la France.

L’Égypte refuse d’ouvrir sa frontière

Dès le départ, cette conférence avait peu de chances d’aboutir, les principaux protagonistes étaient absents. Ni le Hamas, ni Israël n’ont participé à la réunion. Pas plus que les États-Unis ou l’Iran. L’Égypte a réaffirmé son refus d’ouvrir sa frontière avec Gaza et de laisser les civils Palestiniens se réfugier dans le Sinaï. Le président Sissi invoque des problèmes de sécurité. Et, surtout, le danger de voir le problème palestinien se résoudre par un transfert forcé de population sur le territoire égyptien.

Le sommet n’est même pas parvenu à élaborer un communiqué commun. D’un côté, les représentants européens insistent sur le droit d’Israël à se protéger après l’attaque du Hamas qu’ils considèrent être un mouvement terroriste. De l’autre, les dirigeants arabes mettent en avant le droit des Palestiniens à l’autodéfense. Certains, comme le président irakien, vont jusqu’à qualifier le Hamas de « mouvement de résistance ». Pour l’heure, aucun pays occidental n’appelle au cessez-le-feu.

« Rôle pivot » de la France

A l’Assemblée, ce lundi 23 octobre, Élisabeth Borne a précisé la position française. 

La lutte contre le terrorisme ne peut remplacer la recherche de la paix. Il n’y aura pas de paix durable pour Israël et les pays de la région sans une perspective politique pour les Palestiniens. […] La solution est claire : des garanties indispensables pour la sécurité d’Israël et un État pour les Palestiniens. C’est la ligne que la France défend avec constance et qu’elle continuera à porter. Les États de la région ont à ce titre une responsabilité particulière. La dynamique de normalisation des relations entre Israël et plusieurs États de la région est souhaitable. Elle doit s’accompagner d’un processus politique pour répondre aux aspirations légitimes des Palestiniens et des Israéliens. Notre responsabilité est grande et nous l’assumons. La France est capable de parler à tout le monde. Elle est l’amie d’Israël, l’amie des Palestiniens, elle est l’amie des pays arabes dans la région. C’est une position indépendante que nous avons toujours assumé. Une position qui nous donne un rôle pivot pour aider à tracer le chemin de la paix.

Élisabeth Borne, Première ministre, Assemblée nationale, 23 octobre 2023

Ce rappel de la position traditionnelle de la France est salutaire. Même s’il vient tard. Mais il manque un mot pour qu’elle puisse être mise en œuvre. Mathilde Panot l’a prononcé :

« Cessez-le-feu »

Cessez-le-feu. Voilà le mot d’ordre qui retentit à travers le monde. Cessez-le-feu. Voilà le message qui nous vient du secrétaire général de l’ONU, du pape, et de nombreux chefs d’États, d’Irlande, de Suisse, d’Espagne, du Mexique et de tant d’autres. Cessez-le-feu. Voilà ce qui a rassemblé des dizaines de milliers de citoyens hier encore à l’appel de la CGT, de la FSU, de Solidaires, d’Attac, de La France insoumise et de nombreuses autres organisations. Voilà ce qui a rassemblé en France, en Europe et dans le monde. Cessez-le-feu. Voilà l’appel que vous vous refusez toujours à lancer. Dans le concert des nations pour la paix, la voix de la France manque. À l’heure où je parle, 1 400 Israéliens ont été tués et 5 100 blessés par les crimes de guerre perpétrés par le Hamas. À l’heure où je parle, plus de 5 000 Palestiniens ont été tués et 15 000 blessés par les crimes de guerre de Tsahal.

Mathilde Panot, députée du Val-de-Marne et présidente du groupe LFI 

L’intervention de la présidente du groupe parlementaire LFI était particulièrement attendue. Dimanche, en effet, plusieurs milliers de personnes se sont rassemblées à Paris et dans plusieurs villes de France à l’appel du Collectif national pour une paix juste et durable entre Palestiniens et Israéliens. Ce sont les premières manifestations propalestiniennes à être autorisées. La CGT, le Nouveau Parti anticapitaliste, la Fédération syndicale unitaire, Solidaires et La France insoumise appelaient à participer à ces rassemblements.

Invité surprise : Jean-Luc Mélenchon

Le Parti socialiste n’a pas été sollicité. Le Parti communiste français et Europe Écologie-Les Verts ont refusé de s’associer à l’appel. S’il condamne « les crimes de guerre contre des civils israéliens », le texte omet de qualifier le Hamas de mouvement terroriste. Place de la République à Paris, il y avait un invité surprise : Jean-Luc Mélenchon. 

Sa présence n’avait pas été annoncée. Le leader de La France insoumise s’est refusé à toute déclaration. L’ancien candidat à l’élection présidentielle s’est rattrapé en fin de journée sur Twitter. Il a mis en cause la présidente de l’Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet qui, au même moment, était en Israël.

Lundi matin, sur France inter, Yaël Braun-Pivet a répondu à Jean-Luc Mélenchon. 

Connaissant, un peu, Jean-Luc Mélenchon, je suis convaincue qu’effectivement le mot « camper » n’a pas été choisi par hasard. Et que le fait que « je favorise les massacres », c’est une nouvelle cible qu’on me met dans le dos.

Yaël Braun-Pivet, députée Renaissance des Yvelines et présidente de l’Assemblée nationale

« Accusations ignobles »

Yaël Braun-Pivet accuse implicitement Jean-Luc Mélenchon d’antisémitisme. Élisabeth Borne a repris l’accusation à son compte :

Je voulais affirmer ici mon soutien et celui de mon gouvernement à la présidente de l’Assemblée nationale après les accusations ignobles proférées à son encontre.

Élisabeth Borne, Première ministre, Assemblée nationale

À ce procès en antisémitisme, Jean-Luc Mélenchon répond par un autre procès, celui d’un racisme larvé. Il en dresse le constat dans une note publiée sur son blog, dimanche soir. 

Chacun peut constater en effet l’absence totale de condamnations par ceux qui, la semaine précédente, dénonçaient si bruyamment ceux [les crimes de guerre] du Hamas. Tout le monde ressent progressivement combien cette indignation à géométrie variable contient une trame raciste à présent évidente.

Blog de Jean-Luc Mélenchon, 22 octobre 2023

Jeux de postures et arrière-pensées électorales

À l’appui de cette appréciation, Jean-Luc Mélenchon rappelle la déclaration de Yaël Braun-Pivet, le 10 octobre :

Devant cette barbarie, je veux redire ici qu’Israël est un pays ami à qui je veux réaffirmer, au nom de la représentation nationale, notre totale solidarité et notre soutien inconditionnel.

Yaël Braun-Pivet, Assemblée nationale, 10 octobre 2023

Ce lundi matin, Yaël Braun Pivet a tenté de rectifier le tir :

Je n’ai jamais dit que je soutenais de façon inconditionnelle le gouvernement d’Israël. Mais je soutiens de façon inconditionnelle l’existence d’Israël.

Yaël Braun-Pivet, France Inter, 23 octobre 2023

L’explication convaincra ceux qui voudront l’être. Pour le reste, on a presque envie d’inviter les deux protagonistes à partir en cure de thalassothérapie – pas ensemble – loin du fracas paranoïaque de la politique. Le drame qui se joue en ce moment mérite mieux que ces jeux de postures et ces arrière-pensées électorales.

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