Législatives : déferlante du RN, le NFP résiste mieux que prévu et le bloc présidentiel à la dérive

Le Nouveau Front Populaire réuni sur la Place de la République, le 30/06/2024 ©PurePolitique

En 2022, au 1er tour des législatives, le Rassemblement national avait recueilli 4,25 millions de voix. Hier, un peu plus de 9 millions d’électeurs lui ont apporté leurs suffrages. En deux ans, le RN a plus que doublé son score. Et, sur le papier, il y a de la réserve. Au second tour de la présidentielle de 2022, Marine Le Pen a rassemblé 13,3 millions de voix. Certes, les résultats du premier tour de 2022 et 2024 doivent être comparés à l’aune de la participation. Celle-ci a bondi de 21 points atteignant 67,5 %. Preuve que les Français ont bien perçu que ces élections marquaient un tournant dans l’histoire du pays. Il s’agit de choisir entre deux voies radicalement distinctes.

Jamais je n’aurais pensé qu’un jour, dans ce pays, le nôtre, la France, nous pourrions être face à cette perspective sinistre de voir revenir l’extrême droite au pouvoir. Je dis “revenir” parce qu’il y a des gens qui nous disent qu’on ne les a jamais essayés. Nous les avons déjà essayés. Nous avons déjà essayé le pire. Et c’est la raison pour laquelle, parce que nous avons cette mémoire, nous nous battons aujourd’hui jusqu’au dernier sang. Parce que nous savons que nous ne pouvons, à aucun moment, accepter, tolérer que cette digue tombe. Parce que si le verrou saute, nous ne savons pas où ça entraînera le pays et plus largement le continent.

Olivier Faure, député NFP et Premier secrétaire du PS, le 30/06/2024

Des centaines de triangulaires

Conséquence mécanique de la participation, davantage de candidats peuvent se maintenir au second tour. Les triangulaires se sont multipliées comme les pains du côté de Nazareth. 306 sur les 501 circonscriptions encore en lice. Tout va donc se jouer sur les désistements. Les candidats ont jusqu’à mardi 18 heures pour formaliser leur maintien ou se retirer. Dimanche soir, Jean-Luc Mélenchon a appelé ses candidats arrivés en troisième position à se désister pour faire barrage au RN.

Le pays doit choisir. Va-t-il aggraver le pire de ses divisions, celles des inégalités sociales, celles des différences de religions, de couleurs de peau, d’origines sociales et géographiques ? Ou bien va-t-il se rassembler pour ne former qu’un seul peuple, se consacrant à l’entraide et au bien commun sans condition préalable ? Nulle part nous ne permettrons au RN de l’emporter et c’est pourquoi, dans l’hypothèse où il serait en tête tandis que nous ne serions qu’en troisième position, nous retirerons notre candidature.

Jean-Luc Mélenchon, co-président de l’Institut La Boétie, le 30/06/2024

La posture est irréprochable. Mais pourquoi convoquer sur l’estrade, à cet instant, Rima Hassan, personnalité la plus clivante après Jean-Luc Mélenchon lui-même ? Elle n’était pas candidate aux législatives, ni même membre de la direction de LFI. Si l’objectif est de rassembler largement, cette présence était pour le moins maladroite. Quoi qu’il en soit, le PS, les Écologistes et le Parti communiste ont adopté une position identique à celle de LFI.

Le Nouveau Front Populaire, en dépit de la rapidité qui a présidé à sa constitution et malgré le passif entre ses composantes, fait mieux que la NUPES. En 2022, cette dernière coalition avait rassemblé 25,78 % des suffrages. Le Front Populaire est à 28 %. Presque 9 millions de voix. Soit 400 000 de moins que le Rassemblement national. Mais il faut rajouter au score de la formation lepéniste les voix obtenues par Éric Ciotti et ses partisans. 1,25 million de voix, nous apprend ce matin le ministère de l’Intérieur. La marche est haute. Désormais, tout dépend du bloc central. Ce bloc qu’Emmanuel Macron a lui-même dynamité voici trois semaines, espérant recomposer une improbable majorité autour de sa petite personne.

Cette élection est entre les mains des soutiens du gouvernement. Aucun chef de parti, centriste, ne doit manquer à l’appel. Je le sais, ils se réclament de l’humanisme, ils se réclament de la démocratie, ils se réclament d’être des républicains, c’est maintenant qu’on va voir s’ils le sont vraiment. Qu’ils viennent ! Qu’ils nous aident à construire un nouveau front républicain autour de notre programme. Un front contre le climatoscepticisme ! Un front contre la haine, contre l’intolérance, contre la violence, contre la stigmatisation, contre la ségrégation. Le front de toutes celles et ceux qui veulent que l’on viven en France, comme ailleurs, côte à côte et non face à face.

Marine Tondelier, Secrétaire nationale des Écologistes, le 30/06/2024

Gabriel Attal navigue à vue

Pour Gabriel Attal, le choix s’impose d’autant plus facilement que le Front Populaire n’est pas en mesure d’obtenir une majorité absolue à l’Assemblée nationale.

Notre objectif est clair : empêcher le Rassemblement national d’avoir une majorité absolue au second tour, de dominer l’Assemblée nationale et donc de gouverner le pays. Cela passera par le désistement de nos candidats dont le maintien en troisième position aurait fait élire un député Rassemblement national face à un autre candidat qui défend, comme nous, les valeurs de la République.

Chacun l’a compris ce soir, le Nouveau Front Populaire n’aura pas de majorité absolue. Nous avons dit tout au long de cette campagne que la présence en son sein d’une France insoumise largement rejetée par les Français l’empêchait d’être une alternative crédible pour gouverner. Alors la situation est claire. L’enjeu de ce second tour, c’est de priver l’extrême droite d’une majorité absolue en construisant une assemblée où nous pèseront suffisamment pour bâtir entre forces républicaines des majorités de projets et d’idées.

Gabriel Attal, Premier ministre, le 30/06/2024

La fin de cette déclaration est lunaire. Car le Premier ministre semble considérer qu’il pourrait rester à son poste, navigant à vue, avec le renfort de voix venues de la gauche. Dans cette perspective, Gabriel Attal a même été jusqu’à suspendre le décret aggravant les conditions d’indemnisation des chômeurs. C’est un peu court. Et c’est surtout ne pas mesurer l’ampleur du désaveu qui frappe le camp présidentiel.

Dans un communiqué envoyé aux médias dimanche soir, Emmanuel Macron appelle à “un large rassemblement clairement démocrate et républicain pour le second tour”. Mais qui voudrait se rassembler autour de lui ? Les Français ont déjà donné en 2017 et 2022. Et puis le président a lui-même tourné la page du macronisme en décidant de dissoudre l’Assemblée nationale. D’ailleurs, ceux qui lui ont été fidèles par le passé ne s’embarrassent plus de ses consignes. Ils jouent le coup d’après.

J’appelle également tous nos électeurs, lorsque nos candidats ne sont pas au second tour, a voter pour un candidat du camp social-démocrate. C’est-à-dire un représentant du Parti socialiste, du Parti communiste ou des Verts.

Je combats le Rassemblement national mais je ne vote pour la France insoumise. Je ne vote pas pour la France insoumise parce qu’elle a pris des positions qui sont contre la nation française.

Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, le 01/07/2024

Chez les alliés de Renaissance, c’est la cacophonie : écoutez Édouard Philippe donner ses consignes aux candidats Horizons.

Lorsqu’ils sont opposés aux extrêmes, j’appelle à voter pour ceux qui, de la gauche social-démocrate, écologistes et communistes, à la droite libérale et conservatrice, au-delà de différences réelles et assumées, ont en commun l’attachement à la liberté, à l’ordre dans les comptes publics et dans la rue, au respect de l’État de droit. Je considère par conséquent qu’aucune voix ne doit se porter sur les candidats du Rassemblement national ni sur ceux de la France insoumise avec lesquels nous divergeons, non pas seulement sur des programmes, mais sur des valeurs fondamentales.

Édouard Philippe, maire du Havre et président du parti Horizons, le 30/06/2024

Sur le fond, Édouard Philippe fait le pari que le RN n’est pas en mesure d’obtenir la majorité absolue. Il peut s’offrir le luxe, croit-il, d’excommunier LFI de l’arc républicain. Geste qui pourrait rallier à lui une partie des décombres de LR. Dans un communiqué, ces derniers ont en effet déclaré qu’ils ne donnaient pas de consigne de vote. Sans doute, parce que cet aréopage n’a plus ni cap ni boussole.

D’autres stratèges de la macronie se montrent plus prudents. En l’état, analysent-ils, si le RN dépasse la majorité absolue, ce sera d’une courte tête, de 10 à 20 sièges. Cette faible marge les autoriserait à pratiquer un désistement au cas par cas. Pas de souci concernant les socialistes, les écologistes ou les communistes.

Le bon insoumis et le mauvais insoumis

Mais quand il s’agit de LFI, il y a le bon insoumis et le mauvais. Comment les reconnaître ? C’est un peu comme dans l’immortelle parodie des Inconnus sur les chasseurs. Vous savez la galinette cendrée qui s’épanouit dans le Bouchonnois. La seule espèce pour laquelle Aymeric Caron ne se mobilisera pas, puisqu’elle n’existe pas.

Sur le plateau de TF1, hier soir, François Bayrou au terme d’un propos assez brumeux, a indiqué qu’il regarderait “circonscription par circonscription”. C’est à peu de chose près la position exprimée ce matin par Yaël Braun-Pivet.

Concernant le bloc de gauche, je considère que l’immense majorité du bloc de gauche est républicaine donc on peut sans aucune difficulté appeler à voter pour eux et c’est ce que je fais, pour les écologistes, les socialistes, les communistes. Et au sein de la France insoumise, je fais le distinguo. Je ne traite pas de la même façon Caroline Fiat et monsieur Guiraud. Caroline Fiat est une grande républicaine et une aide-soignante humaniste. De l’autre côté j’ai quelqu’un qui n’adhère pas aux valeurs de la République et qui exprime des idées antisémites.

Yaël Braun-Pivet, députée sortante Renaissance, le 1/07/2024

Du côté du Rassemblement national, on cherche à tout prix à rassurer les électeurs. Le RN se présente désormais comme le protecteur des droits et des libertés. Au train où vont les choses, Marine Le Pen et Jordan Bardella vont entrer au Panthéon de leur vivant, tant ils ne sont que mesure et tempérance. Un fleuve de miel, on vous dit.

En ces jours qui viennent, gardez-vous de ceux qui en usant d’une peur injsutifiée ou de menaces inventées vouraient uniquement faire perdurer un système qui a failli et a vécu. Aucun Français, je dis bien aucun Français ne perdra de droits. Au contraire. Les droits seront garantis et dès lors que la situation le permettra de nouveaux seront créés au bénéfice de chacun.

Marine Le Pen, députée RN, le 30/06/2024

A toutes les Français, à tous les Français, je veux dire que je serai toujours le garant de vos droits, de vos libertés et de notre devise républicaine, celle qui unit tout le peuple de France dans une même promesse : liberté, égalité, fraternité.

Jordan Bardella, député européen RN et président du RN, le 30/06/2024

Sidéré par la dissolution au soir des Européennes, le pays a repris son souffle. Jamais sans doute, dans l’histoire de la Ve République, même en mai 1968, un scrutin n’est apparu aussi capital. Pour se débarrasser d’Emmanuel Macron, de nombreux Français sont prêts à sauter dans l’inconnu. On ne saurait trop leur conseiller de regarder chez nos voisins européens. L’Italie et la Hongrie sont aujourd’hui gouvernés par l’extrême droite. En Finlande et en Slovaquie, celle-ci participe à des gouvernements de coalition. Ces pays se portent-ils mieux aujourd’hui ? Pas vraiment. Et ceux qui espéraient que leur vie s’améliore déchantent déjà. Ils n’ont pris que leurs yeux pour pleurer.

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