Le chanoine de l’Élysée a encore frappé

Fallait-il mettre en berne les drapeaux de la République pour s’incliner devant la disparition du Pape ? Aucun texte n’y contraint le président ou le Premier ministre. Pourtant d’un commun accord, Emmanuel Macron et François Bayrou ont décidé de rendre cet hommage au chef religieux disparu.

Certes, le Vatican est un État reconnu internationalement. Et le Pape en est le chef. Aimable fiction juridique qui permet d’accorder au souverain pontife des honneurs dont sont privés les autres chefs religieux. Car la République, faut-il vraiment le rappeler, ne reconnaît aucun culte.

Pourquoi cette religion plutôt qu’une autre ?

Mais voilà, cet artifice reste irrecevable pour tout citoyen attaché à la laïcité de la République. Car si l’on salue une religion, pourquoi ne pas saluer les autres ?

Cette question ne manquera pas de surgir du côté de ceux qui sont convaincus qu’en France, il y a deux poids deux mesures en matière de culte. Et ils auront raison.

Les plus jeunes d’entre nous auront du mal à saisir l’essence de cette laïcité à géométrie variable. La République s’accommoderait donc mieux du catholicisme que de l’islam ?

Pente glissante

On voit sur quelle pente glissante nous entraîne une petite entorse. Un drapeau en berne, ça ne se remarque presque pas, objectera-t-on. Pourquoi s’en formaliser ? C’est comme les crèches dans les mairies, pourquoi s’en offusquer ? Après tout, la France ne fut-elle pas longtemps la fille aînée de l’Église. Ne s’est-elle pas couverte d’un blanc manteau d’églises tout au long de son histoire ?

Le président lui-même est bien confus sur la question. Depuis Madagascar, il s’est abandonné à cet étrange commentaire :

« Moi, je suis le président d’une République qu’on dit laïque. Mais dans la République française, avec sa liberté, son égalité, sa fraternité, il y a tellement de choses qui ressemblent à l’universalisme chrétien [qu’]on aura chacun nos interprétations. Mais je sais une chose, c’est qu’à la fin la racine est la même. »

Réécriture de l’histoire

« Une République qu’on dit laïque ». Dans la bouche de celui qui a la charge de protéger cette laïcité, ce relativisme choque. Mais passons. Il y a plus inquiétant. Voilà que l’universalisme des Lumières ne serait que la version sécularisée de l’universalisme chrétien. La République et la Cité de Dieu, nous dit le président, c’est presque la même chose.

Moyennant quoi, on peut s’autoriser quelques gestes de sympathie. Comme un lointain cousin avec qui l’on partagerait des souvenirs d’enfance, le temps d’un déjeuner de famille.

Et tant pis pour les mille ans d’histoire qui nous rappellent que cet universalisme chrétien fut le pilier de la séparation en trois ordres de la société. Qu’il a légitimé tous les massacres et toutes les prédations. Qu’il était tout sauf fraternel et égalitaire. Quant à la liberté, elle n’existait que pour la noblesse et le clergé.

Les racines chrétiennes

Mais Emmanuel Macron n’en a cure. À son tour, il entonne le refrain des racines chrétiennes de la France dans l’espoir que cela confortera sa popularité renaissante. Un clin d’œil à cet électorat qui va du MoDem à Éric Zemmour en passant par le Rassemblement national.

Calcul misérable. Car ce compagnonnage avec une confession ne fait qu’affaiblir la République. La laïcité est attaquée de toutes parts. On attendrait du premier personnage de l’État qu’il se montre intransigeant sur les principes en ces temps troublés. Mais on devrait commencer à le savoir : Emmanuel Macron n’est jamais au rendez-vous de l’histoire.

Serge Faubert

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