C’est Noël avant l’heure. Tel le phénix qui renaît de ses cendres, la Nupes a montré, jeudi 7 décembre à Saint-Ouen, qu’il était prématuré de tirer un trait sur son existence. Nombre de figures connues de la gauche comme Najat Vallaud-Belkacem, Benoît Hamon, Olivier Faure, Yannick Jadot, Clémentine Autain, Elsa Faucillon, Raquel Garrido, Cyrielle Chatelain, Fabien Gay et quelques autres, se sont retrouvés pour un meeting unitaire contre le projet de loi immigration.
Une réunion qui, en réalité, est allée au-delà du thème annoncé, car il était beaucoup question d’union. Au point qu’à certains moments, le meeting a pris des allures de thérapie de groupe.
Ça fait du bien de se retrouver à gauche, gauche politique, sociale, syndicale, associative. Moi je me réjouis qu’on soit là ce soir, réunis contre ce projet de loi mais je pense aussi qu’on a besoin de se retrouver, aussi, pour construire des alternatives au duel mortifère qui est en train de s’installer en France entre l’extrême droite et l’extrême argent que représentent Macron et son gouvernement.
Fabien Gay, sénateur communiste de la Seine-Saint-Denis et directeur de L’Humanité, 7 décembre 2023
Deux visions du monde
Yannick Jadot a rappelé que deux visions du monde s’affrontaient à travers le projet de loi immigration : d’un côté la République, de l’autre, l’extrême droite.
La France, ça n’est pas un pays ethnique. La France est un pays politique. Quand on est progressiste, quand on est humaniste, l’étranger ça n’est pas le pauvre, l’arabe, le noir, le juif. L’étranger c’est l’oppression, c’est la persécution, c’est l’humiliation, c’est le racisme, c’est l’antisémitisme. Notre ennemi, notre étranger, c’est le nationalisme parce qu’avec cette loi immigration on est en train de violer toutes les frontières morales de la République.
Yannick Jadot, sénateur écologiste de Paris, 7 décembre 2023
Aller à contre-courant de l’opinion publique
Moins enflammée ou peut-être plus réaliste, Cyrielle Chatelain a invité la gauche à avoir le courage d’aller à contre-courant de l’opinion publique. Car, sinon, elle ne sert à rien.
J’imagine quand même qu’on doit être plusieurs avec au fond de nous cette idée qu’on est unis mais que peut-être qu’on est pas majoritaires sur cette question. Peut-être que c’est un peu dur, qu’on a une opinion publique qui se referme, qu’il va falloir effectivement convaincre. Mais moi ce que je veux dire, et ce que je dis à mes collègues de la majorité qui se réfugient derrière ça, qui se réfugient derrière le fait que les Français voudraient plus de dureté, je leur dis que se réfugier derrière l’opinion publique c’est abdiquer sa responsabilité politique. C’est faire preuve de lâcheté, et c’est faire preuve de faiblesse. Que se réfugier derrière l’opinion publique, c’est faire comme si nous, en tant que responsables politiques, nous n’étions pas partie prenante de la formation de cette opinion publique. Et quand on reprend les mots, quand on reprend les idées de l’extrême droite, on la légitime.
Cyrielle Chatelain, députée de l’Isère et présidente du groupe parlementaire écologiste-Nupes, 7 décembre 2023
Grand absent : Jean-Luc Mélenchon
Mais c’est à un grand absent que se sont adressés à mots plus ou moins couverts les orateurs : Jean-Luc Mélenchon. Un grand absent qui avait cependant une bonne excuse : il n’avait pas été invité à la réunion de Saint-Ouen, à la différence de la secrétaire nationale des écologistes, Marine Tondelier, ou du secrétaire national du Parti communiste, Fabien Roussel. L’une et l’autre ont d’ailleurs fait parvenir un message vidéo de soutien.
Alors moi je vous le dis, à nous toutes et tous qui sommes ici mais aussi à ceux qui nous écoutent : quand on veut rassembler, on ne commence pas par exclure. Ça c’est déjà la base. Pour rassembler, il faut commencer par rassembler.
Clémentine Autain, députée LFI de Seine-Saint-Denis, 7 décembre 2023
Retrouver le climat des premiers mois
Raquel Garrido, sous le coup d’une sanction qui lui interdit pendant quatre mois de s’exprimer au nom du groupe parlementaire LFI, avait choisi d’arborer l’étiquette Nupes pour la circonstance. Après tout, n’a-t-elle pas été élue sous cette étiquette ?
Quand nous sommes élus Nupes nous le restons. La Nupes c’est un programme que nous défendons et c’est une stratégie de rassemblement que nous faisons vivre ce soir et j’en suis très heureuse. Même si ce n’est pas toujours facile.
Raquel Garrido, députée LFI de Seine-Saint-Denis, 7 décembre 2023
Si la ligne solitaire de La France insoumise a été critiquée en filigrane, la volonté générale était cependant de retrouver le climat des premiers mois de la Nupes. Écoutez le surprenant salut d’Olivier Faure à Jean-Luc Mélenchon.
Je vois bien que ça hante le débat public. Je salue aussi celles et ceux qui ne sont pas là ce soir mais qui sont appelés à nous rejoindre. Je salue les insoumis qui ne sont pas là, je salue Jean-Luc Mélenchon, je salue celles et ceux qui dans ce combat-là partagent tout avec nous et vont ensemble défier la droite et l’extrême droite.
Olivier Faure, député de Seine-et-Marne et secrétaire national du Parti socialiste, 7 décembre 2023
Au delà des frontières de la gauche
Des mots qui laissent entendre que le moratoire décidé par les socialistes pourrait bientôt prendre fin. Pour en avoir le cœur net, j’ai posé la question à Olivier Faure à la fin du meeting.
On est venus vous parler d’immigration, vous nous parlez de Mélenchon. Mélenchon, il a sa place comme les autres. Je pense que sur ce sujet-là, il partage pleinement ce que nous portons et donc il n’y a aucune raison d’exclure qui que ce soit, et même, j’ai envie de vous dire, s’il y a des gens qui aujourd’hui se sentent mal chez Emmanuel Macron, chez les Républicains et dans tous les partis dits républicains, qu’ils nous rejoignent parce que ce combat-là c’est un combat fondateur aussi. C’est un combat pour la République, pour ses valeurs fondamentales.
Olivier Faure, 7 décembre 2023
Jean-Luc Mélenchon a donc toute sa place dans le rassemblement envisagé par Olivier Faure. Un rassemblement qui va au-delà des frontières de la gauche. Pas sûr que cela séduise l’ancien candidat à la présidentielle.
Vote des abstentionnistes
Pour 2027, Jean-Luc Mélenchon mise davantage sur le vote des abstentionnistes des quartiers populaires que sur un front républicain. C’est peut-être là que réside la véritable divergence à gauche.
Cette dernière pèse environ 30 % dans l’électorat. Pour avoir une chance de l’emporter à la prochaine présidentielle, il faudra rassembler plus de 50 % des suffrages. Jean-Luc Mélenchon estime que s’il se retrouve au second tour face à Marine Le Pen, un front de tous les républicains se formera spontanément autour de lui, et qu’il est donc inutile de travailler le sujet aujourd’hui.
Olivier Faure penche à l’évidence pour l’hypothèse inverse. D’abord le front républicain, ensuite la candidature. Peut-être la sienne, comme la rumeur le laisse entendre ces dernières semaines. Si l’hypothèse venait à se vérifier, une chose est certaine : il n’aura aucun mal à faire mieux qu’Anne Hidalgo. Pour l’emporter, en revanche, il y a encore un sacré boulot.
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