Le hold-up du gouvernement sur les retraites complémentaires

Olivier Marleix, député d’Eure-et-Loir et président du groupe parlementaire LR, à l’Assemblée nationale, octobre 2023. ©Purepolitique

Quand on tape dans le portefeuille du voisin pour boucler ses fins de mois, ça s’appelle du vol. Mais quand c’est le gouvernement qui joue les braqueurs, la qualification pénale tombe. Ce n’est plus un hold-up, mais un simple geste de solidarité. Un geste qui se monte quand même à 3 milliards d’euros. C’est la somme que l’exécutif entend ponctionner chaque année dans les caisses du régime des retraites complémentaires Agirc-Arrco.

Que l’on soit clair : je pense que ce terme de « ponctionner », il est peut-être médiatiquement porteur mais il est un petit peu exagéré. Le gouvernement envisage, en tout cas ce sont les réflexions que l’on entend aujourd’hui, de demander de l’Agirc-Arrco de geler une partie de ces sommes qui peuvent être utiles effectivement à l’équilibre de notre système de retraite et de ne pas décaisser ces sommes trop rapidement en attendant d’avoir une visibilité sur les besoins de notre système assurantiel.

Robin Reda, député Renaissance de l’Essonne, Assemblée nationale

Ponction annuelle de 3 milliards

C’est joliment dit, hein ? L’Agirc-Arrco est priée de garder les cotisations des salariés bien au chaud, le temps que le gouvernement sache de combien il a besoin. Quelques chiffres, histoire de bien comprendre. L’Agirc-Arrco verse tous les ans 87 milliards d’euros à 13 millions de retraités. Géré conjointement par les syndicats de salariés et le patronat, le régime dispose de réserves conséquentes : 68 milliards. La réforme des retraites qui retarde de deux ans l’âge légal de départ devrait générer mécaniquement 22 milliards supplémentaires au cours des prochaines années.

« Par ici la monnaie », dit le gouvernement. Et qu’importe qu’il s’agisse de l’argent des salariés. Cette ponction annuelle de 3 milliards est destinée officiellement à financer la revalorisation des petites pensions prévue par la réforme des retraites. Autrement dit, on déshabille Pierre pour habiller Paul. Selon les syndicats, la ponction envisagée par l’État compromettrait toute revalorisation ultérieure des pensions. 

Alignées sur l’inflation

Comme celle sur laquelle se sont justement accordés mercredi 4 octobre au soir les syndicats de salariés et le Medef à l’occasion des négociations sur les règles de pilotage pour les trois prochaines années. Grâce aux réserves accumulées, les pensions des anciens salariés du privé vont être alignées sur l’inflation, soit une augmentation de 4,9 %. Si l’État tape dans les caisses de l’Agirc-Arrco, un tel rattrapage sera à l’avenir impossible.

Ça montre que cette réforme des retraites, non seulement elle était injuste, puisqu’elle force les gens à travailler plus longtemps mais en plus elle est inefficace, et elle est mal foutue. Parce que si on veut commencer à user de l’argent dans les caisses excédentaires pour arriver à équilibrer le régime général de retraites, ça veut dire qu’on a eu tout faux. Si elles sont excédentaires, on aurait mieux fait de faire en sorte qu’elles puissent servir pour que les gens puissent continuer à partir à la retraite à un âge digne, que moi j’estime à 60 ans, mais c’est un autre débat.

Éric Coquerel, député LFI-Nupes de Seine-Saint-Denis et président de la commission des Finances, Assemblée nationale

Les pistes de financement ne manquent pas

Les intentions du gouvernement sont d’autant plus scandaleuses que les pistes de financement ne manquent pas. 

J’ai envie de dire au gouvernement : avant de réfléchir à des pistes comme celle-ci, on a d’autres propositions sur la table qui sont étayées, qui sont documentées, notamment dans le champ social, je pense aux exonérations de cotisations sociales qui sont pour le coup inefficientes. C’est-à-dire que France Stratégie, la Cour des comptes, viennent au secours du gouvernement leur disant : voilà, toutes les exonérations de cotisations sociales ne sont pas à supprimer mais vous en avez certaines qui pourraient rapporter des milliards au budget de la Sécurité sociale sur lesquelles vous devriez revenir. […] J’ai le CAE, le Conseil d’analyse économique, j’ai la Cour des comptes, j’ai France Stratégie qui dit : sur le crédit impôt recherche, on est passé de 2 milliards à plus de 7 milliards en six ans. Est-ce qu’on va laisser dériver une niche comme ça, qui pour certaines entreprises, et seulement certaines entreprises, est inefficiente ? Non.

Christine Pires Beaune, députée PS-Nupes du Puy-de-Dôme, Assemblée nationale

Incitation à différer le départ en retraite

Le comble de l’affaire, c’est que la bonne santé de l’Agirc-Arrco résulte d’un système qui incitait les salariés à différer leur départ au-delà de l’âge légal.

On avait le droit à une surcote si on attendait 64 ans. C’est une réforme très courageuse d’ailleurs de la part des partenaires sociaux qui après ne s’en sont pas forcément vantés au moment de la réforme des retraites. En tout cas, ça a permis de générer des excédents très importants et il est évidemment totalement inacceptable que le gouvernement aille puiser dedans pour on ne sait quoi. L’intérêt de nos systèmes de retraite en France, c’est que normalement ils sont étanches. L’argent des cotisations retraites doit aller, va aux retraités, doit aller nulle part ailleurs.

Olivier Marleix, député d’Eure-et-Loir et président du groupe parlementaire LR, Assemblée nationale

Supprimer le système de bonus-malus

Mercredi soir, justement, syndicats de salariés et patronat se sont mis d’accord pour supprimer le système de bonus-malus. Cette suppression sera effective à partir du 1er décembre pour les nouveaux retraités, puis à partir d’avril pour l’ensemble des retraités concernés. Cette décision était attendue. La réforme des retraites repousse l’âge légal de départ, ce qui était l’objectif de ce système de décote. Il devient donc sans objet. 

Tout va se jouer maintenant lors de la discussion du projet de loi de finances de la Sécurité sociale. Si les oppositions donnent suffisamment de la voix, si le front syndical se montre inflexible, peut-être l’exécutif renoncera-t-il à faire main basse sur les retraites complémentaires. Ce qui est certain, c’est qu’il va falloir crier très fort.

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