François Bayrou est contraint de retricoter le budget s’il ne veut pas être censuré par les socialistes

Olivier Faure, député Socialistes et apparentés et Premier secrétaire du Parti socialiste, le 26/01/2025 ©BFMTV

C’est la semaine de tous les dangers pour le Premier ministre. Jeudi, une Commission mixte paritaire, composée de 7 sénateurs et 7 députés, tentera de parvenir à un texte de compromis sur le budget. Rejeté par l’Assemblée nationale puis amputé par le Sénat de la plupart des mesures sur lesquelles Matignon s’était engagé dans le cadre des discussions avec les socialistes, le projet de loi de finances ne satisfait pas grand monde pour l’heure. A commencer par le gouvernement.

Les 4 000 postes d’enseignants, il faut qu’ils soient dans le budget. Aujourd’hui ils ne le sont pas, ils doivent y être. Les 500 personnes de plus pour France Travail pour accompagner les demandeurs du RSA. Ils doivent y être.

La mesure que nous souhaitons porter sur l’hôpital qui va voir ses moyens augmentés pour que notamment ce qu’on appelle l’ONDAM, c’est l’objectif de dépense dans le monde hospitalier, soit augmenté de plusieurs milliards. On veut évidemment que sur la justice fiscale on a des choses importantes à porter sur les rachats d’actions, sur la taxe sur les transactions financières.

On a aussi un objectif de revalorisation des retraites, c’est posé, elle a eu lieu, 2,2 %, dans un monde d’ailleurs où l’inflation est à 1,3 %. Tout ça, c’est ce qui est dans la lettre du Premier ministre.

Amélie De Montchalin, ministre chargée des Comptes publics, le 26/01/2025

Ces concessions coûtent trop cher, grince-t-on à droite. Selon Bercy, la facture se monterait à 3 milliards. Et pour Olivier Faure, le compte n’y est pas.

Au moment où nous nous parlons, la discussion n’est pas achevée. Nous continuons à discuter avec le gouvernement. Et ce qui sort du Sénat n’est pas tolérable et d’ailleurs nous avons voté contre au Sénat.

Nous n’avons pas voté ce budget ni même nous ne nous sommes pas abstenus, nous avons voté contre ce budget qui n’est pas à l’évidence un budget qui permet d’avoir une majorité de non-censure puisqu’en réalité nous ne soutenons pas ce budget non plus. En l’état, le compte n’y est pas.

Olivier Faure, député Socialistes et apparentés et Premier secrétaire du Parti socialiste, le 26/01/2025

Le compte à rebours est lancé

Les négociations vont donc être serrées dans les jours qui viennent. Car cette fois, le Rassemblement national pourrait bien voter la censure. En retrait depuis le décès de son père, Marine Le Pen n’a pas encore donné ses consignes. Mais ses lieutenants annoncent la couleur.

C’est un budget d’austérité, c’est un budget de retard, c’est un budget qui ne définit pas les bonnes priorités.

Pour l’instant, on attend de voir ce qu’ils comptent faire exactement. Mais il ne faudra pas compter sur nous pour voter un budget pareil.

Sébastien Chenu, député RN, le 27/01/2025

Les lignes rouges restent les mêmes. Si ce budget met en danger le pouvoir d’achat des Français, si ce budget fait des retraités des cibles, si ce budget asphyxie les entreprises et que dans le même temps il ne fait pas la cure de minceur nécessaire pour l’État, alors oui nous censurerons.

Laurent Jacobelli, député RN, le 25/01/2025

Il est donc vital pour François Bayrou de trouver un compromis avec Olivier Faure. Ce qui ne garantit pas d’ailleurs que tous les socialistes soient prêts à suivre une décision de non-censure. La dernière fois, 8 députés socialistes ont mêlé leurs voix à celles des insoumis, des écologistes et des communistes pour censurer le gouvernement. Ils pourraient être plus nombreux cette fois si l’on en croit les boucles Telegram du groupe PS. Presque la moitié des 66 députés sont tentés de renverser le gouvernement.

Or le verdict de la calculette est sans appel. Si l’on additionne le RN, les ciottistes, les insoumis, les écologistes et les communistes, il n’est besoin que de 23 socialistes pour faire chuter François Bayrou. Sans compter les voix qui pourraient venir du groupe centriste LIOT. Depuis deux semaines, son porte-parole répète à qui veut l’entendre que les 23 voix de ses députés suffiraient à suppléer une défection des socialistes. Tout dépendra des mesures budgétaires sur l’Outre-mer. Arithmétiquement parlant, ça sent le roussi. Mais la politique n’est pas une science exacte. Si c’était le cas, on s’ennuierait.

Envisageons donc que François Bayrou survive au vote des députés à l’issue de la Commission mixte paritaire. Lourdes n’est pas loin de Pau après tout. Le Premier ministre ne sera pas tiré d’affaire, puisque dès le 3 février, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, le fameux PLFSS, revient devant les députés. Pour ceux qui l’auraient oublié, c’est ce texte qui a renvoyé Michel Barnier méditer sur l’ingratitude du Rassemblement national dans sa maison familiale en Sologne.

Un autre élément joue contre lui. La direction de la France insoumise a menacé de présenter un candidat dans la circonscription de chaque député socialiste qui ne voterait pas la censure. Considérant que l’intéressé s’exclurait de fait du Nouveau Front Populaire.

Il va y avoir un vote sur la censure sans doute dans une dizaine de jours. Et je dis les choses avec franchise, ce sera en quelque sorte le juge de paix. C’est à ce moment-là qu’on verra si oui ou non le Parti socialiste reste fidèle aux engagements pris devant les électrices et les électeurs.

La première phrase du programme du Nouveau Front Populaire c’était : “Le Nouveau Front Populaire rassemble des hommes et des femmes qui veulent travailler à une alternative de rupture avec le macronisme”.

Manuel Bompard, député LFI et coordinateur national LFI, Premier ministre, le 26/01/2025

Villeneuve-Saint-Georges fait office de laboratoire

Cette menace de présenter des candidats contre les socialistes qui ne voteraient pas la censure est-elle crédible ? Un début de réponse sera apporté dimanche prochain avec le second tour de l’élection municipale partielle de Villeneuve Saint-Georges. Au premier tour, le candidat de la France insoumise, le député Louis Boyard, est arrivé en tête devant une candidate LR et une liste d’union de la gauche sans les insoumis.

Si la liste conduite par Louis Boyard l’emporte au second tour, cela veut dire que La France insoumise reste la locomotive de l’union de la gauche. A l’inverse, s’il perd, ce sera la confirmation que l’absence d’un candidat ou d’une liste unique dès le premier tour conduit à la défaite. Or justement sur le papier, l’addition des trois listes de droite donne l’avantage à cette dernière. Tout va dépendre de la mobilisation des abstentionnistes du premier tour.

Cette partielle a donc valeur de laboratoire. Aussi bien pour les élections municipales de 2026 que pour des législatives anticipées. En d’autres termes, la France insoumise peut-elle mettre sa menace à exécution sans prendre le risque de faire perdre toute la gauche ?

Cette équation, Olivier Faure la refuse. Pour lui, elle appartient au passé.

Vous voyez bien que ce qui est en train de se produire sous nos yeux, c’est un combat entre un tyrannosaure et un diplodocus. Entre Jean-Luc Mélenchon et François Hollande qui veulent rejouer éternellement le même combat qu’ils se mènent l’un et l’autre depuis 30 ans. Moi je veux faire émerger une gauche qui soit une gauche capable de se fédérer, d’avancer ensemble et de conquérir le pouvoir.

Olivier Faure, député Socialistes et apparentés et Premier secrétaire du Parti socialiste, le 26/01/2025

Le Premier secrétaire du PS veut une gauche qui se fédère et qui arrive au pouvoir. Fort bien. Mais comment et avec quelle incarnation ? Il va sûrement falloir attendre le congrès du PS pour le savoir. Mieux vaut ne pas trop tarder. Car l’hypothèse d’une nouvelle dissolution de l’Assemblée fait son chemin.

Nous nous préparons en réalité depuis l’été dernier à de potentielles élections législatives anticipées à minima. Parce que ça n’aurait échappé à personne que la situation dans laquelle nous sommes n’inspire en rien à la stabilité. Et je crois que seul un retour aux urnes permettra en réalité de dégager un cap clair et dégager une majorité stable sur le long terme. Ça paraît être une évidence.

Jordan Bardella, député européen RN et président du RN, le 27/01/2025

Des nouvelles de la peine d’inéligibilité de Marine Le Pen

Des législatives a minima. Sous-entendu, ce peut être une présidentielle. Et c’est là que revient sur le tapis la possible condamnation de Marine Le Pen à une peine d’inéligibilité avec exécution provisoire.

Il y a du neuf. D’abord, parce qu’il ne reste plus que deux semaines à Emmanuel Macron pour nommer le successeur de Laurent Fabius à la présidence du Conseil constitutionnel. C’est ce nouveau président qui aura la charge de dire si la présidente du groupe parlementaire RN peut se présenter à l’élection présidentielle. Et justement, le Conseil doit statuer dans l’intervalle sur une question préalable de constitutionnalité, une QPC, déposée par un élu mahorais. On vous passe les détails mais les sages devront dire si priver un individu du droit à se présenter à une élection ne porte pas atteinte à la liberté des électeurs.

La décision du Conseil devrait intervenir à la fin du mois de mars, un peu avant ou un peu après le jugement dans l’affaire des faux assistants parlementaires. Si vous redoutiez que les mois à venir soient un peu ternes, vous voilà sans doute rassurés. On ne va pas s’ennuyer. Pour ce qui est de sortir le pays de l’ornière, c’est une autre paire de manches.

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