
Combien de temps cela va-t-il encore durer ? Ce gouvernement sans majorité, au comble de l’impopularité dans l’opinion, n’en finit pas d’agoniser. Au point que certains en sont déjà à l’oraison funèbre. Comme Bruno Retailleau dans les colonnes de l’hebdomadaire Valeurs actuelles de cette semaine : “Le macronisme s’achèvera avec Emmanuel Macron, tout simplement parce que le macronisme n’est ni un mouvement politique ni une idéologie. Je ne crois pas au ‘‘en même temps’’ car il alimente l’impuissance.”
Le ministre de l’Intérieur se doutait bien que cette charge allait faire un peu de bruit. Pourtant, quelques heures après sa parution, il faisait mine de s’étonner des réactions. A commencer par celle du président de la République en Conseil des ministres. « En ce moment, on entend des choses un peu simplistes » s’est agacé Emmanuel Macron prenant prétexte de la polémique autour de la loi Duplomb pour remettre à sa place le ministre de l’Intérieur. Visiblement la flèche présidentielle n’a même pas égratigné sa cible.
Pour le reste, je ne vois pas dans l’entretien que j’ai accordé à vos confrères, ce que j’ai pu dire de nouveau que je n’aurais pas dit depuis déjà des mois, voyez. Nous avons décidé collégialement, il y a plusieurs mois, d’entrer au gouvernement. Pas parce que nous sommes des proches du chef de l’État, pas parce que nous sommes macronistes, c’est simplement parce que nous voulions éviter le pire. Éviter le pire pour nous, c’était éviter les pires. Les pires, c’était la gauche mélenchonisée.
Bruno Retailleau, ministre de l’Intérieur, le 23/07/2025
C’est la troisième fois que Bruno Retailleau s’affranchit de toute réserve. Fin mai, Il y a d’abord eu l’embrouillamini du rapport sur les Frères musulmans. Un rapport commandé par l’Élysée. Mais Bruno Retailleau a grillé la politesse au Président en rendant public le document, 24 heures avant un Conseil de Défense convoqué pour la circonstance par Emmanuel Macron. Jupiter a failli dégringoler de l’Olympe.
Au début de ce mois, Bruno Retailleau n’a pas hésité à sortir du périmètre de ses compétences en réclamant l’arrêt des subventions publiques aux éoliennes et au photovoltaïque. « Un contresens historique et scientifique” avait taclé Gabriel Attal tandis qu’Agnès Pannier-Runacher, la ministre de la Transition écologique, dénonçait le “populisme” de son collègue de l’Intérieur.
Bref, la cacophonie s’installe au gouvernement. Pardon, “la polyphonie” comme a rectifié Sophie Primas lors du point de presse hebdomadaire du gouvernement.
Et la différence entre la polyphonie et la cacophonie, c’est la façon dont le Premier ministre tranche, en fait, et prend des décisions. Ce serait une cacophonie si, évidemment, nous ne suivions pas la décision du Premier ministre. Ce n’est pas le cas, chacun donne son avis, avance sur des sujets, c’est ce que j’appelle la polyphonie. La cacophonie, ça serait de ne pas respecter la décision du Premier ministre. Ce n’est pas le cas.
Sophie Primas, porte-parole du Gouvernement, le 23/07/2025
Parole d’experte
C’est une experte qui parle. Le 20 mai dernier, la pythie du gouvernement annonçait déjà le crépuscule du régime : “Le macronisme, probablement, trouvera une fin dans les mois qui viennent, avec la fin du deuxième quinquennat du Président Macron » avait-elle prophétisé. Malgré les protestations, la porte-parole du gouvernement a conservé son portefeuille. Il est vrai que la faiblesse électorale du Premier ministre lui interdit de jouer les gendarmes.
François Bayrou peut-il sermonner un Bruno Retailleau dont il aura bien besoin au moment du vote du budget. Sans les Républicains, le socle commun disparaît. Et Pau retrouve un maire à plein temps. Ce jeudi, le chef de l’État devait recevoir Bruno Retailleau. Mais le rendez-vous a été annulé et remplacé par un échange avec le Premier ministre.
In extremis, Emmanuel Macron s’est rendu compte que la remontée de bretelles envisagée présentait l’inconvénient de placer Bruno Retailleau sur un plan d’égalité avec son auguste personne. Il a donc renvoyé le fautif vers le conseiller principal d’éducation de Matignon.
La cohésion de l’équipe gouvernementale est, évidemment, une mission essentielle. Et je travaille à cette cohésion en tenant compte des sensibilités différentes. Les différences de sensibilités sont bienvenues, le pluralisme est bienvenu, mais il ne faut pas que ces sensibilités prennent la forme de divergences.
François Bayrou, Premier ministre, le 24/07/2025
Affaire Dati
Bruno Retailleau doit trembler devant tant de détermination. Et puis il y a l’affaire Dati. A croire que dans notre douce France, on ne peut se présenter à une élection majeure sans être mis en examen. Avec Carlos Ghosn, l’ex-patron de Renault-Nissan, Rachida Dati est en effet renvoyée devant le tribunal correctionnel.
La ministre de la Culture est poursuivie pour recel d’abus de pouvoir et d’abus de confiance, corruption et trafic d’influence passifs par personne investie d’un mandat électif public au sein d’une organisation internationale. En l’occurrence, le Parlement européen. Rachida Dati est soupçonnée d’avoir perçu 900 000 euros entre 2010 et 2012 pour des prestations de conseil avec une filiale de Renault-Nissan.
Les magistrats instructeurs estiment qu’elle n’a pas réellement travaillé. Ils soupçonnent que ces honoraires ont rétribué une activité de lobbying au Parlement européen. A l’époque, Rachida Dati était députée européenne. Qualité qui lui interdisait toute activité de lobbying. La ministre de la Culture est candidate à la mairie de Paris. Et peut-être, dans l’intervalle, à une élection législative partielle dans la capitale. A cet effet, elle doit être auditionnée par la commission d’investiture des Républicains dans les jours qui viennent.
Comme Marine Le Pen et tant d’autres politiques avant elle, Rachida Dati agite la thèse du complot pour sa défense.
Il n’y a aucun exemple, absolument aucun, dans les annales de l’Assemblée nationale, du détournement de procédure flagrant et manifestement abusif de la motion de rejet, non pour s’opposer au texte mais pour approuver celui du Sénat et mettre fin au débat avant même que le moindre argument écologiste ait pu s’exprimer. C’est sans précédent sous la 5e République.
D’abord, il y a une coincidence en termes de calendrier. Il y a une commission d’investiture, lundi prochain, et aujourd’hui je reçois une ordonnance de renvoi. De la même manière, en 2019, l’enquête a été ouverte et mise en examen au moment où j’étais investi comme candidate à la mairie de Paris.
Rachida Dati, ministre de la Culture, le 22/07/2025
La Ripoublique
Dans ce combat contre la justice, la ministre de la Culture a un allié de poids : le ministre de la Justice en personne. Une grandeur d’âme que les magistrats apprécieront à sa juste valeur.
Mais tout le monde n’est pas sur cette longueur d’onde au sein du socle commun. Ainsi l’ancien ministre en charge de l’Europe, Clément Beaune. Ce macroniste est aujourd’hui haut-commissaire à la stratégie et au plan. Autrement dit, l’académie de la sieste. Beaune se verrait bien partir à la conquête de la mairie de Paris. Un éventuel empêchement de Rachida Dati ne serait pas pour l’attrister. Il ne s’est pas privé de lâcher quelques torpilles sur sa rivale.
A gauche, le candidat socialiste Emmanuel Grégoire réclame le départ du gouvernement de Rachida Dati. Rien de très surprenant à vrai dire. Le procès dont la date sera fixée en septembre ne se tiendra pas avant les élections municipales. Rachida Dati devra donc faire campagne avec le glaive de la justice suspendu au-dessus de sa tête. Ses adversaires ne manqueront pas d’exploiter la situation. Mais aussi ses amis politiques qui pourraient considérer qu’elle n’est plus la bonne candidate.
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