Le projet de budget de la Sécurité sociale est-il macroniste ou socialiste ?

Olivier Faure, Premier secrétaire du Parti socialiste et député « Socialistes et apparentés », le 08/12/2025 ©BFMTV

Olivier Faure a franchi le Rubicon. Ce lundi matin, il a appelé les députés socialistes à voter le projet de loi de financement de la Sécurité sociale.

La négociation a permis de faire en sorte que ce projet, cette copie, ne soit plus la même qu’au démarrage. Et aujourd’hui, c’est une copie qui est passable, et donc c’est la raison pour laquelle, demain, devant mon groupe, je plaiderai le fait que nous votions pour. Il n’est pas notre projet, mais il n’est pas non plus celui de Sébastien Lecornu, il est celui que le Parlement a accouché.

Olivier Faure, Premier secrétaire du Parti socialiste et député « Socialistes et apparentés », le 08/12/2025

“Il n’est pas notre projet. Il n’est pas non plus celui de Sébastien Lecornu”, assure le Premier secrétaire du Parti socialiste. C’est presque mot pour mot la déclaration qu’a posté Sébastien Lecornu sur X dans la nuit de vendredi à samedi.

Bref, ce n’est le texte de personne. “Mon œil” a répondu Bruno Retailleau. Tout ça, c’est un truc de gangsters bolchéviques.

J’ai qualifié d’ailleurs ces deux budgets de hold-up. Hold-up fiscal, puisque là aussi pour le PLFSS on va avoir une nouvelle CSG pour près de deux milliards, un peu moins. Hold-up social, puisqu’on ne fait pas la réforme de la retraite et ça veut dire que demain on consent à faire s’effondrer le régime de retraite par répartition auquel les Français tiennent. Et enfin, hold-up démocratique, parce que jamais le pays n’a été autant à droite et jamais un gouvernement, une politique, n’a été autant à gauche. C’est-à-dire que monsieur Faure décide et monsieur Lecornu s’exécute.

Bruno Retailleau, sénateur de Vendée et président des Républicains, le 07/12/2025

Sur quel pied danser

Le président des Républicains a donc appelé ses députés à ne pas voter le projet de loi. Rejoignant ainsi Édouard Philippe qui, mardi de la semaine passée, avait fait savoir, qu’en l’état, les députés de son parti ne pouvaient pas voter le PLFSS. Au cas où on l’aurait oublié, Horizons et Les Républicains ont des ministres au gouvernement. Ils font partie du socle commun. Qui est de plus en plus branlant et de moins en moins commun. Ce matin, Olivier Faure a qualifié Édouard Philippe et Bruno Retailleau d’ingénieurs du chaos. Sans leurs voix, en effet, le PLFSS n’a aucune chance d’être adopté. Le vote des députés socialistes devient par conséquent déterminant.

Mais pour Manuel Bompard, “Olivier Faure finalise le changement d’alliance du Parti Socialiste en appelant à voter pour le budget de la Sécurité sociale”. Et le coordinateur de LFI fait mine de s’interroger. “Les députés socialistes vont-ils suivre cette folie, abandonnant le programme sur lequel ils ont été élus et rejoignant ainsi la majorité macroniste ?” La veille déjà, Éric Coquerel avait prévenu.

Vous savez ce qui définit une opposition et une majorité ? C’est le texte budgétaire. Vous votez pour les textes budgétaires, vous êtes dans la majorité. Par principe, quand on est dans l’opposition, on vote… Ca, c’est les principes. Peu importe ce qu’il y a dedans ? Je vous dis, dans toutes les collectivités, vous pouvez regarder, ce qui délimite la majorité c’est le vote du budget. Ce qui fait que, par exemple, vous avez des collectivités où un groupe qui est dans la majorité qui d’un coup ne vote plus le budget n’est plus dans la majorité.

Éric Coquerel, député LFI et président de la commission des finances de l’Assemblée nationale, le 07/12/2025

Éric Coquerel a raison. Voter le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, c’est assurément virer macroniste. Bien parlé ! Quoi que… L’année dernière, en première lecture, l’Assemblée nationale a adopté la deuxième partie du projet de loi de financement de la Sécurité sociale. C’est-à-dire le volet des dépenses. Et qui a voté comme un seul homme ou presque en faveur de cette partie ? La France insoumise.

61 députés insoumis se sont prononcés pour le texte. Les seuls à avoir voté contre, ce sont le MoDem, Horizons, l’UDR d’Éric Ciotti et Ensemble pour la République, le groupe de Gabriel Attal. Doit-on en conclure que LFI s’est subitement ralliée à Michel Barnier ? Non, ce serait complètement idiot de le prétendre. Les députés LFI ont voté ce volet du projet de loi, parce qu’ils ont considéré qu’il avait été substantiellement modifié au cours des débats. C’est exactement la position que défendent les socialistes aujourd’hui.

Autrement dit, ce n’est pas le fait de voter un texte d’origine gouvernementale après qu’il a été amendé qui scelle un ralliement. C’est le contenu de ce texte. A chacun de juger si les gains obtenus par le Parti socialiste sont suffisants. Du côté des macronistes, le groupe “Ensemble pour la République” devrait voter pour le PLFSS. Mais le cœur n’y est pas.

Je ne partage pas la position consistant à dire qu’il faut que ce budget ne soit pas adopté. Voilà. Pour les raisons que je viens de vous évoquer. Je ne suis pas là à vous dire que ce budget est parf ait. Personne ne peut dire ça aujourd’hui, précisément parce qu’il est le fruit d’une forme de compromis.

Gabriel Attal, président du groupe « Ensemble pour la République » à l’Assemblée nationale, le 08/12/2025

Vendredi dernier, le 5 décembre donc, l’Assemblée nationale a adopté la partie recettes du PLFSS. 166 voix pour et 140 contre. Dont les députés du Rassemblement national. Sur les 123 membres que compte ce groupe, seuls 69 étaient présents. C’est donc la faible mobilisation des députés RN qui a permis l’adoption de la partie recettes. S’agit-il d’un message ? Dimanche, Jean-Philippe Tanguy s’en est expliqué.

Il se trouve que ce jour-là, malheureusement, nous avions un deuil avec les obsèques de monsieur Jamet qui est un des membres fondateurs du Front national. D’ailleurs on pense à sa famille et à ses proches, et c’était un jour noir pour le Rassemblement national. Nous serons totalement présents mardi.

Jean-Philippe Tanguy, député « Rassemblement national », le 07/12/2025

Les jeux ne sont pas faits

Mardi, c’est sûr, pas un bouton de guêtre ne manquera dans les rangs du groupe RN. Le scrutin va se jouer à quelques voix. Peut-être celles des écologistes. C’est ce qu’espère Olivier Faure. Vendredi à la buvette des journalistes, il a tenté de rallier à sa cause la présidente du groupe écologiste, Cyrielle Chatelain. Au Palais Bourbon, moins discret que cet endroit, il n’y a pas. C’était peut-être l’objectif. Mais la députée de l’Isère est restée de marbre.

Vendredi soir, sur la partie recettes, les écologistes ont voté contre. Il n’y a eu que deux députés pour s’abstenir. Dans l’espoir de les amadouer, le gouvernement présentera demain, avant le vote sur l’ensemble du projet de loi, un amendement augmentant l’objectif des dépenses de l’assurance maladie. Cela sera-t-il suffisant ? Si le PLFSS est adopté, Sébastien Lecornu pourra se prévaloir d’une première victoire. La stratégie du compromis n’était donc pas une impasse. Dans le cas contraire, cela augure mal de la suite du débat budgétaire.

Olivier Faure joue gros également. Si les députés rejettent le budget de la Sécurité sociale, tous les efforts déployés par son groupe n’auront servi à rien. Pire, un échec donnera raison à la France insoumise. Il y en a qui vont vraiment mal dormir ce soir.

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