Tempête sous des crânes

C’est la sempiternelle du verre à moitié vide ou à moitié plein. La commission mixte paritaire s’est donc mise d’accord sur un projet de budget. Le Parti socialiste – comme la France insoumise – a voté contre, mais ses négociateurs revendiquent plusieurs gains. Ont-ils vraiment obtenu des concessions ou se sont-ils fait rouler dans la farine ?

Maigres prises de guerre

Listons les prises de guerre. En haut de la liste, il y a la non-suppression des 4 000 postes de professeurs. Mais ces postes ont été maintenus grâce à un tour de passe-passe. Les 50 millions nécessaires ont été pris sur le budget formation.

La contribution exceptionnelle pour les grandes entreprises n’a pas été supprimée, c’est vrai. Cependant, elle est ramenée à un an au lieu de deux.

La contribution différentielle demandée aux plus hauts revenus en 2025 est maintenue. Mais elle n’est pas pérennisée comme le réclamait la gauche.

Le taux de la taxe sur les transactions financières a été relevé de 0,1 % comme François Bayrou s’y était engagé. Mais les socialistes réclamaient 0,6 %.

L’écologie, parent pauvre du budget

Le budget de l’écologie a récupéré 300 millions. Mais rapporté à l’amputation d’un milliard d’euros par le Sénat, ce réajustement reste en dessous des besoins.

Enfin sur l’Aide médicale d’État (AME) que le Sénat avait amputé de 200 millions, le PS a obtenu que la coupe ne soit que de 111 millions. Ce qui ramène l’AME à son niveau de 2024, hors inflation.

Les socialistes se félicitent surtout d’avoir obtenu le maintien du dispositif dans sa forme actuelle. La droite sénatoriale entendait y ajouter le passage devant une commission médicale.

Tout ou rien

Pas de quoi sortir le champagne. Mais « Ceux qui font le pari d’avoir moins ou d’avoir tout prennent toujours le risque d’avoir moins » répond Boris Vallaud, le patron des députés socialistes.

Ce bilan étriqué sera-t-il suffisant pour que le groupe socialiste ne vote pas la censure mercredi prochain ? La version du budget élaborée par la CMP doit en effet être présentée lundi en séance publique au Palais Bourbon.

49-3 à l’horizon

Pour la faire adopter, le gouvernement devra recourir, selon toute vraisemblance, à l’article 49-3. Le budget reste en effet fidèle à l’épure de Michel Barnier.

Ce recours entraînera aussitôt le dépôt d’une motion de censure par La France insoumise. Avec peut-être le soutien des députés communistes et écologistes.

Le PS devra alors se déterminer. Soit il estime que le compte y est et la majorité de ses députés ne votera pas la censure ; soit il estime avoir été berné par François Bayrou et l’ensemble du groupe – à une ou deux exceptions – joint ses voix à celles du reste du NFP. Ce qui permettrait de réchauffer les relations entre les partenaires de la coalition électorale.

Le Rassemblement national est lui aussi plongé dans des affres d’incertitude. Comment justifier auprès des électeurs un nouveau soubresaut institutionnel ?

Menace sur les tarifs de l’électricité

Certes, il y a l’article 4 du texte élaboré par la CMP qui prévoit un nouveau cadre de régulation des revenus d’EDF provenant du nucléaire. Le spécialiste des questions budgétaires du RN, le député Jean-Philippe Tanguy, y lit un risque d’augmentation des prix. Mais l’impact de cette menace reste faible dans l’opinion.

Le Rassemblement national pourrait choisir d’accorder un sursis à François Bayrou. La semaine prochaine, le débat sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale viendra dans l’hémicycle. C’est ce même projet de loi qui avait conduit à la chute du gouvernement Barnier. Les stratèges du RN estiment qu’il sera plus facile de s’en prendre à un texte déjà sanctionné par les députés.

C’est une des pistes qu’explorent également les socialistes. Elle permet de donner un budget à la France tout en reportant de quelques jours une crise institutionnelle. Ce que l’opinion pourrait considérer comme une attitude responsable.

Les téléphones vont donc chauffer ce week-end. Car au fond, personne ne maîtrise vraiment tous les paramètres de la situation. C’est ce qui la rend très périlleuse.

Serge Faubert

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