Retraites : l’article 1 sur les 64 ans en négociation

Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT, lors de son élection à Clermont-Ferrand, le 31 mars 2023. ©CGT

C’est le dernier round de la réforme des retraites qui commence. Et comme dans le noble art, il peut réserver des surprises. Il suffit parfois d’un coup de poing chanceux pour faire basculer le match.

Dimanche 4 juin, les deux premiers décrets de la loi adoptée le 14 avril ont été publiés. Ils précisent les modalités du recul progressif de l’âge de départ à la retraite. Trente et un décrets devraient être ainsi publiés. Les syndicats sont en embuscade.

Bien sûr nous regarderons les trente et un décrets et, dès qu’il y a une faille juridique qu’on identifiera, oui on les attaquera.

Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT, BFMTV, 4 juin 2023

Texte amputé

Mais la grande interrogation de la semaine reste l’attitude qu’observera la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël-Braun Pivet, concernant la proposition de loi déposée par le groupe Liot. Va-t-elle déclarer irrecevable l’amendement que ledit groupe entend déposer pour rétablir l’article 1 ? Cet article, qui abroge la retraite à 64 ans, a été supprimé en commission des affaires sociales la semaine passée. Le texte, amputé de sa principale disposition, doit être examiné jeudi 8 juin dans le cadre de la journée d’initiative parlementaire du groupe Liot.

Après son examen par la commission des affaires sociales, la proposition de loi ressemble à une vieille serpillière trouée. Ne subsiste que le projet d’une conférence sociale chargée de proposer des pistes pour harmoniser les pensions de réversion, améliorer l’emploi des seniors et relancer la natalité. Ce n’est plus un texte de loi, c’est un GPS.

Motion de censure

Si Yaël Braun-Pivet s’oppose au rétablissement de l’article 1, elle ouvre la porte à une motion de censure. 

C’est quoi la suite ? Il risque d’y avoir une motion de censure et elle va finir par être adoptée, comme le dit d’ailleurs Charles de Courson, parce que ça ne peut pas tenir. […] Probablement manqueront, y compris des voix LR, des voix dans leur propre majorité, pour être au rendez-vous pour empêcher le gouvernement de tomber.

Clémentine Autain, députée LFI-Nupes de Seine-Saint-Denis, « Le Grand Jury », RTL-Le Figaro-LCI, 4 juin 2023

« Cirque »

Le bloc présidentiel rejette la responsabilité de la situation sur Éric Coquerel.

Si on avait un président de la commission des finances qui faisait son travail, qui respectait l’institution, monsieur Coquerel de La France insoumise, comme moi je le fais en respectant la Constitution à chacune des prises de décision, que je ne prends pas en tant que militant, en tant que député engagé de la majorité, mais que je prends en tant que président d’une commission à l’Assemblée, on n’aurait pas ce genre de difficulté, et on n’aurait pas non plus le cirque.

Sacha Houlié, député Renaissance de la Vienne et président de la commission des lois, France 2, 2 juin 2023

250 rassemblements prévus en France

Dimanche, Éric Coquerel s’est fendu d’un retour de service, Roland Garros oblige. 

Sacha Houlié, il n’est pas très élégant de ce point de vue là et manifestement c’est plutôt le petit télégraphiste de Macron en l’occurrence qu’autre chose. Moi je ne vais pas lui demander comment il applique l’article 45 que manifestement pas mal de commissaires protestent dans sa commission, qui vous savez est l’article cavalier quand vous mettez un amendement qui ne concerne pas le projet de loi.

Éric Coquerel, député LFI-Nupes de Seine-Saint-Denis et président de la commission des finances, France inter-France info-Le Monde, 4 juin 2023

Dans ce contexte, la 14e journée de mobilisation, mardi 6 juin, à l’appel de l’intersyndicale, peut peser sur la suite. Deux cent cinquante rassemblements sont prévus un peu partout en France. Une forte mobilisation pourrait faire hésiter la présidente de l’Assemblée nationale. Pourquoi endosser un rôle qui abîme son image et entache l’impartialité requise par sa fonction ? Mais, d’un autre côté, Yaël Braun-Pivet peut-elle aller contre la volonté d’Emmanuel Macron ?

Spectre de militants de l’ultragauche

Quoi qu’il en soit, le gouvernement semble miser sur des violences dans les cortèges pour enterrer définitivement la contestation de sa réforme. Sur Twitter, Gérald Darmanin annonce le déploiement de 4 000 policiers et gendarmes à Paris. Et surtout, il brandit le spectre de militants de l’ultragauche venus de l’étranger. 

Tremblez, bonnes gens, la cinquième colonne est parmi nous… Cet alarmisme a un but, dissuader ceux qui comptaient manifester de le faire et justifier a priori la violence de certaines unités des forces de l’ordre.

Tentatives de diversion

Car le gouvernement veut en finir avec la réforme des retraites. L’échéance du 14 juillet, fixée par le président de la République, expire dans moins de cinquante jours. Malgré l’agitation médiatique du chef de l’État, la France n’est toujours pas passée à autre chose. Et ce n’est pas la mise en scène du Mont-Saint-Michel, aujourd’hui, qui bouleversera l’opinion.

Pourtant, ce ne sont pas les tentatives de diversion qui ont manqué. La semaine dernière, c’était la polémique sur les origines pétainistes du Rassemblement national.

Je ne crois pas du tout à la normalisation du Rassemblement national, je pense qu’il ne faut pas banaliser ses idées. Ses idées sont toujours les mêmes. Alors maintenant le Rassemblement national y met les formes mais je continue à penser que c’est une idéologie dangereuse.

Héritier de Pétain ?

Oui, également héritier de Pétain.

Élisabeth Borne, Première ministre, Radio J, 28 mai 2023

Ingérences étrangères

Cette semaine, c’est l’inféodation à la Russie du RN qui est questionnée. Sur France 2, Éric Dupond-Moretti s’est vu proposer de poser une question à Marine Le Pen. Il s’est exécuté :

Qui préférez-vous ? Ou Pétain ou Poutine ?

Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux et ministre de la Justice, France 2, 3 juin 2023

Le garde des Sceaux fait référence au rapport de la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur les ingérences étrangères. Le document, rédigé par la députée Renaissance Constance Le Grip, a fuité dans la presse jeudi 1er juin. Il souligne l’alignement du Front national sur le discours russe au moment de l’annexion de la Crimée, quelques mois après l’obtention d’un prêt auprès d’une banque tchéco-russe.

L’épouvantail du RN

Constance Le Grip n’hésite pas à qualifier le RN de « courroie de transmission » de la Russie, ce qui met en fureur l’ancienne candidate à la présidence de la République.

Ce rapport est à l’image de la rapporteure, c’est-à-dire sectaire, malhonnête et tout à fait politisé. La réalité de ce rapport, c’est qu’il n’y a rien.

Marine Le Pen, députée du Pas-de-Calais et présidente du groupe RN, France 24, 2 juin 2023

Même si ces questions des racines historiques du RN et de l’influence étrangère qui s’exerce sur lui sont légitimes, il n’est pas certain qu’elles soient posées de façon désintéressée. Ce n’est pas première fois que le RN servirait d’épouvantail dans l’espoir de sortir d’un mauvais pas. Pour l’instant, ça ne fonctionne pas vraiment. Il faudra trouver autre chose pour abuser l’opinion.

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