
Après des mois d’immobilisme, la vie politique s’accélère. Comme si elle voulait rattraper le temps perdu. Le vote de confiance n’interviendra que dans 10 jours, le 8 septembre. Et pourtant le débat se cristallise sur la séquence d’après. Faut-il dissoudre l’Assemblée nationale pour sortir de l’impasse dans laquelle la dissolution de 2024 a plongé le pays ? Oui, répondent les Français si l’on en croit un sondage IFOP pour LCI. 63 % sont favorables à de nouvelles élections législatives. Ce sont les électeurs du Rassemblement national et de la France insoumise qui se montrent les plus décidés. 86 % chez les premiers. 75 % chez les seconds. La dissolution apparaît inévitable, y compris au sein-même du camp macroniste.
Je crains que la dissolution, si la confiance n’est pas votée, finisse par devenir inéluctable. J’espère que si elle intervient, et encore une fois je ne suis pas… si elle intervient, j’espère qu’il y aura une clarification politique.
Édouard Philippe, président du parti Horizons et maire du Havre, le 27/08/2025
Il est certain que lorsqu’il y a un conflit est extrêmement important, entre le pouvoir législatif, l’Assemblée nationale et l’exécutif, le général de Gaulle, et puis la République avant, aient imaginé la dissolution pour trancher le nœud gordien. Il ne faut pas écarter cette hypothèse.
Gérald Darmanin, ministre de la Justice, le 26/08/2025
Une nouvelle dissolution ne résoudra rien
Une autre Assemblée changera-telle la donne ? Une force, quelle qu’elle soit, parviendra-t-elle à obtenir la majorité absolue sans laquelle les institutions de la Ve République ne fonctionnent plus ? Ce n’est pas évident. La plupart des enquêtes d’opinion publiées ces derniers mois laissent envisager la reconduction de la tripartition actuelle. Avec une nette érosion du bloc central, cependant. Le risque de voir le blocage institutionnel se perpétuer est donc bien réel. Du coup, c’est la question du remplacement du président la République qui commence à se poser. Au Rassemblement national, comme à la France insoumise, on a bien compris que la solution passait désormais par l’Élysée.
C’est qu’Emmanuel Macron entende aujourd’hui ce blocage institutionnel qu’il a lui-même suscité, et qu’il prononce soit la dissolution de l’Assemblée nationale, soit évidemment qu’il remette sa démission.
Jordan Bardella, président du Rassemblement national, le 26/08/2025
S’il y a un responsable, c’est le président de la République. De toute façon, ça nous échappe. Mais lui vient de dire qu’il ne dissoudrait pas.
Jean-Luc Mélenchon, chef de file de La France insoumise, le 26/08/2025
Dès le lendemain, les lieutenants enfonçaient le clou. Pour l’heure, la dissolution reste une hypothèse de travail. Mais un paramètre pourrait pousser Emmanuel Macron à recourir à cette prérogative présidentielle. Même s’il a affirmé qu’il y renonçait.
Si on est divisés, il dissoudra, il y aura une dissolution. Son rêve c’est de reprendre la main. Donc je dis à tout le monde, les socialistes qui n’aimaient pas la FI, FI qui n’aimaient pas les socialistes, je n’en sais rien, n’empêche qu’on a réussi à mettre en place un programme, on peut développer des points essentiels. Ce qui compte, ce sont les gens.
Alexis Corbière, député « Écologiste et social », le 27/08/2025
Le rendez-vous du 10 septembre
Pour ce qui est de l’union, c’est plutôt mal parti. Du côté des socialistes, le périmètre de la gauche s’est déplacé.
Dans le quotidien Libération, Boris Vallaud, le président du groupe socialiste à l’Assemblée s’est montré encore plus explicite.
“Vu les désaccords importants avec La France insoumise, un accord programmatique tel qu’on a pu le connaître l’année dernière ne paraît pas concevable. En revanche, notre obsession de faire échec à l’extrême droite au premier comme au second tour nous amènera à nous poser la question circonscription par circonscription.”
Du coup, La France insoumise crie à la trahison.
“Pour la clarté du débat public, le PS devrait dire quels sont les points du programme du NFP qu’il renie un an plus tard. L’abrogation de la retraite à 64 ans ? Le rétablissement de l’ISF ? Lesquels ? Cela permettrait ensuite aux électeurs de choisir en connaissance de cause.”
La réponse devrait être apportée demain par Olivier Faure. Le Premier secrétaire du Parti socialiste s’adressera à ses militants réunis à Blois pour leur traditionnelle université d’été. Dans ce happening permanent qu’est devenue la politique française, le rendez-vous du 10 septembre donnera une bonne indication de la température sociale. La CGT vient de s’associer au mouvement. Avec prudence cependant.
“La CGT souhaite que cette journée soit une première étape réussie, ce qui passe en particulier par la grève sur les lieux de travail. Elle appelle donc ses syndicats à débattre avec les salariés et à construire la grève partout où c’est possible.”
En revanche, la CFDT et Force ouvrière ne s’associeront pas à cette journée de blocage. La question est bien évidemment de savoir si la probable démission du Premier ministre désamorcera la colère populaire ou bien, au contraire, jouera le rôle de catalyseur. Car avant même d’avoir envahi les rues et les carrefours, ce mouvement aura obtenu une première victoire : l’abandon du budget contesté et le départ de son artisan. Ce n’est pas rien.
Cela suffira-t-il à faire baisser la pression ? Ce n’est pas sûr. Dès ses premières manifestations, le mouvement des gilets jaunes avait fait d’Emmanuel Macron sa cible. La mobilisation qui se dessine pourrait emprunter les mêmes raccourcis. A la fin, c’est toujours au monarque qu’on s’en prend.
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