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C’est un vieux débat à gauche. Vaut-il mieux se satisfaire de quelques réformes plutôt que d’attendre une incertaine révolution, fut-elle citoyenne et pacifique ? Pragmatisme d’un côté, messianisme de l’autre. Depuis le congrès de Tours, il y a plus d’un siècle, qui vit la SFIO se diviser entre socialistes et communistes, la gauche ne cesse de reproduire cet antagonisme. Un tiens vaut mieux que deux tu l’auras, dit le proverbe. Ce qu’Olivier Faure, le Premier secrétaire du Parti socialiste a reformulé.
La gauche du tout ou rien, c’est aujourd’hui la gauche du rien.
Olivier Faure, député Socialistes et apparentés et Premier secrétaire du Parti socialiste, le 09/01/2025
“La gauche du tout ou rien” c’est bien sûr la France insoumise. Dans un post rageur sur le réseau X, Jean-Luc Mélenchon dénonce le dialogue en cours : “Cette façon de négocier dans le dos du NFP et contre son programme est une forfaiture d’un irrespect total pour notre alliance. Mais nous dormirons tranquilles. La petite gauche traditionnelle n’a rien à offrir et ses négociateurs sont juste ridicules de servilité.”
Le PS a quelques cartes en main
Eh bien si, justement, ils ont quelque chose à offrir. Et c’est ce qui explique la violence du ton employé par le chef de file de la France insoumise. Si le gouvernement Bayrou parvient à conclure un accord de non-censure avec les socialistes, aucune motion de censure déposée par LFI ne pourra être adoptée, fut-elle votée par le Rassemblement national. Il manquera toujours plus d’une vingtaine de voix. C’est tout simplement la dissuasion nucléaire des insoumis et de l’extrême droite qui est menacée. Une broutille.
D’ailleurs, la fureur de Jean-Luc Mélenchon n’a d’égale que le courroux du Rassemblement national.
J’ai l’impression aussi qu’il y a deux types de concertation. Celle où on reçoit les gens par politesse, prenez un thé, une langue de chat, merci, au revoir, on vous a bien entendu, vous pouvez rentrer chez vous. Et ceux avec qui on négocie secrètement comme apparemment la gauche. C’est le choix du ministre Lombard.
Laurent Jacobelli, député RN, le 08/01/2025
Eric Lombard de l’autre côté, il a raison. Les socialistes s’achètent à pas cher. Donc il faut y aller. Il y va. Il est en train de leur promettre monts et merveilles.
Sébastien Chenu, député RN, ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, le 08/01/2025
“Les socialistes ne sont pas chers”, dit le président délégué du groupe RN. Les socialistes sont prêts à se vendre pour “un plat de lentilles”, accusait déjà Jean-Luc Mélenchon, il y a trois jours. Au prix où sont les légumes, c’est déjà pas si mal. Mais passons… Dans ce bras de fer avec LFI, les socialistes ne sont pas tout seuls.
Le renfort des communistes et des écologistes
Hier soir, les communistes et les écologistes les ont rejoints dans la négociation. Ces trois groupes représentent 121 députés. La France insoumise n’en compte que 71. Pour la première fois, Jean-Luc Mélenchon est mis en minorité à gauche. Le chef de file des insoumis est-il dans l’erreur ou voit-il plus loin que les autres ? C’est le résultat de la négociation qui va le dire.
Pour Aurélie Trouvé, il n’y a rien à négocier :
Il n’y a rien à négocier. Je vais vous dire pourquoi : tout simplement parce que le gouvernement du président Macron, le gouvernement Bayrou, a prévu de reprendre le même budget en fait que le gouvernement Barnier. Quand ils disent “ça avance” c’est qu’en fait il n’y a rien. En fait il n’y a que, peut-être, des miettes à négocier.
Aurélie Trouvé, députée LFI, le 09/01/2025
Des miettes ? C’est à voir. Hier soir, Marine Tondelier précisait le cadre de la négociation.
C’est une condition nécessaire, la fin de l’application de cette réforme des retraites, mais ce ne sera pas une condition suffisante. C’est-à-dire que non seulement il faut qu’on ait des garanties fortes sur la non application de cette réforme des retraites, son abrogation, mais il nous faut aussi des gestes forts sur plusieurs sujets que nous avons identifié, que nous avons pu exposer aux ministres présents tout à l’heure.
Marine Tondelier, Secrétaire nationale des Écologistes, le 09/01/2025
Le gel de la réforme des retraites conditionne la survie du gouvernement Bayrou. Et justement celui-ci a changé de ton si l’on en croit ce qu’en rapporte Olivier Faure à l’issue de ses échanges avec Éric Lombard.
Éric Lombard parle-t-il en son nom ou bien se fait-il le relais de François Bayrou ? On va être rapidement fixés, puisque cette négociation a une échéance : la déclaration de politique générale du Premier ministre devant les députés, mardi 14 janvier. Mais comment l’exécutif peut-il reculer sur la réforme des retraites sans qu’Emmanuel Macron ne perde la face ? Car ce combat emblématique pour la gauche est aussi un marqueur du macronisme. Tout va dépendre des mots. Suspension plutôt que gel ? Ou bien moratoire ?
Ce qui est certain, c’est qu’un accord passera par la mise en place d’une conférence de financement réunissant les partenaires sociaux. A charge pour ces derniers de trouver des recettes nouvelles permettant de renoncer à la mesure d’âge des 64 ans. Si un accord de non-censure est conclu, le gouvernement Bayrou a des chances de survivre pendant quelques mois.
Mais cette perspective fait bondir Manuel Bompard : “Le NFP s’est constitué pour tourner la page du macronisme, pas pour en garantir la continuité en négociant le poids des chaînes avec Bayrou, Borne et Retailleau. Tous ceux qui abandonneront le programme de rupture du NFP pour revenir à l’époque du hollandisme en subiront les mêmes conséquences : le dégoût et la détestation de toutes celles et ceux qui leur ont fait confiance.”
Revenir à l’époque du hollandisme ? Manuel Bompard perd de vue les rapports de force à l’intérieur du PS. Il n’y a pas pire ennemi d’Olivier Faure que François Hollande. Le député de Corrèze appelle ouvertement à dégommer l’actuel Premier secrétaire au prochain congrès du parti. Si le PS, avec les écologistes et les communistes, parvenait à obtenir un moratoire sur la réforme des retraites, Olivier Faure deviendrait intouchable. Car la gauche percevrait enfin les dividendes de ses succès électoraux et des mobilisations dans la rue.
Olivier Faure meilleur ennemi de François Hollande
Aussi paradoxal qu’il y paraisse, le meilleur rempart contre le retour de François Hollande, c’est aujourd’hui Olivier Faure. Réunis à Rennes pour leurs journées parlementaires, les écologistes ont fait monter la pression cet après-midi. Dans un communiqué, députés et sénateurs déclarent : “A ce stade, nous n’avons aucune raison de ne pas voter la censure du gouvernement de François Bayrou la semaine prochaine. Nous constatons que, depuis sa nomination, ce gouvernement pave lui-même le chemin vers la censure.”
La balle est maintenant dans la cour de Matignon. Le Premier ministre a une occasion inespérée de s’acheter une assurance vie, de fracturer la gauche et de marginaliser le Rassemblement national. Aura-t-il l’audace de tordre le bras d’Emmanuel Macron une seconde fois ? Les paris sont ouverts.
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