Narcotrafic : Gérald Darmanin tente d’occuper l’espace médiatique avant une possible censure

Gérald Darmanin, ministre de la Justice, à Marseille le 02/01/2025 ©BFMTV

Que faire face à la drogue et ses réseaux criminels ? Ce matin, Gérald Darmanin était à Marseille – où il s’est déjà rendu une trentaine de fois lorsqu’il était ministre de l’Intérieur – pour porter un message de fermeté, dixit son service de communication.

Nous sommes dans un point de bascule pour la République. Nous devons collectivement nous réveiller.

Gérald Darmanin, ministre de la Justice, le 02/01/2025

Le garde des Sceaux a donc esquissé les contours de sa politique pénale.

Il faut taper au portefeuille. On sait que les peines de prison ne sont pas totalement dissuasives pour les plus grands délinquants. Des gens sont parfois condamnés à des dizaines d’années de prison sans pour autant arrêter leur trafic. Ce qui pose la question du nettoyage des prisons, j’y reviendrai si vous le souhaitez, mais aussi et surtout de la confiscation des biens qui ont été mal acquis.

Gérald Darmanin, ministre de la Justice, le 02/01/2025

Taper au portefeuille

Taper au portefeuille. L’idée n’est pas nouvelle. Il y a quelques mois, une commission d’enquête sénatoriale dressait déjà un tableau alarmant de la situation et proposait plusieurs mesures.

En particulier : “Taper les trafiquants au portefeuille en systématisant les enquêtes patrimoniales, en instaurant un gel judiciaire de leurs avoirs et en créant une confiscation sans condamnations pénale.”

Gérald Darmanin se fait donc mousser à peu de frais. Car ce travail parlementaire conduit par Jérôme Durain, sénateur socialiste de la Saône-et-Loire et Étienne Blanc, sénateur LR du Rhône, est sans doute un des plus complets sur le sujet. Les deux sénateurs ont d’ailleurs synthétisé leur travail dans une proposition de loi déposée en juillet dernier au Sénat. En novembre, la Commission des lois de la chambre haute a désigné un rapporteur. Le texte devrait, par conséquent, être inscrit bientôt à l’ordre du jour du Sénat.

Entre autres mesures phares, il prévoit le renforcement de l’Office anti-stupéfiants sur le modèle de la DEA, l’agence américaine de lutte contre la drogue. Le service serait placé sous la double tutelle des ministères de l’intérieur et de l’économie et des finances. Il aurait une compétence exclusive sur les crimes liés au narcotrafic. La proposition de loi prévoit également la création d’un Parquet national anti-stupéfiants. Comme il y a un Parquet national financier ou un Parquet antiterroriste. Ces magistrats auraient la main sur la gestion des repentis et des informateurs. Ces derniers se verraient accorder un statut d’infiltré civil en contrepartie d’une complète immunité pénale.

Communiquer avant de se faire censurer

Pour les besoins de sa communication, le garde des Sceaux enfonce donc des portes largement entrouvertes. Mais il est vrai que le gouvernement est fragile. François Bayrou n’est pas certain de rester à Matignon plus longtemps que Michel Barnier. Rien d’étonnant à ce que Gérald Darmanin mette les bouchées doubles pour occuper l’espace médiatique.

Une polémique naissante pourrait bien le servir. Juste avant le réveillon, le député insoumis des Bouches-du-Rhône, Sébastien Delogu, potentiel candidat à la mairie de Marseille, s’est prononcé pour la dépénalisation du cannabis. Le deal deviendrait ainsi une activité licite.

Si on demande la légalisation du cannabis et que l’acheminement du cannabis soit bien géré par l’État français amène à ce qu’on peut se poser des questions sur les personnes qui ont été pénalisées auparavant et qu’on leur donne la possibilité, justement, de vendre et de régir cela. Ça évite, en fait en quelque sorte, de les renfermer.

Sébastien Delogu, député LFI, le 30/12/2024

Bruno Retailleau a aussitôt réagi sur le réseau social X.

“Les députés insoumis continuent dans leurs délires pro-drogues. Dans le monde idéal de Monsieur Delogu, le dealer est un fonctionnaire honorable. Dans le mien, il a perdu son logement social, il n’a plus le droit de paraître dans le quartier où il dealait, il n’a plus d’allocations et il est en prison.”

La légalisation du cannabis séduit aussi dans les rangs macronistes

Mais quand on appartient à un gouvernement, il vaut mieux éviter de se retrouver en porte-à-faux avec les positions défendues par l’une de ses composantes. C’est ce qu’a rappelé le député LFI Antoine Léaument.

La proposition avait été faite, figurez-vous, par trois députés macronistes. Il y a eu un rapport qui a été fait qui proposait que si on légalise le cannabis dans un cadre étatique, il faudrait faire une amnistie des personnes condamnées pour soit du petit deal soit de la consommation, pour leur permettre, attendez, ils appelaient ça : “Valoriser les compétences acquises lors du trafic illégal”.

Antoine Léaument, député LFI, le 02/01/2025

Le rapport en question existe bien. Et ses conclusions sont aux antipodes de celles de la commission d’enquête sénatoriale. On se retrouve dans une configuration singulière qui voit la France insoumise converger avec les positions de trois députés macronistes. Ou plus exactement de trois anciens députés. En effet, les auteurs du rapport ont tous été battus aux élections législatives de juillet dernier. A leur grande stupéfaction.

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