L’examen de la partie recettes du budget a débuté, turbulences à venir pour le gouvernement

Charles de Courson, député LIOT et rapporteur général de la Commission des finances de l’Assemblée nationale, député EPR, le 19/10/2024 ©AssembléeNationale

Ce lundi soir débute l’examen du budget 2025 en séance publique. Et avec lui le calvaire du gouvernement. Comment éviter que les députés ne taillent en pièces le budget comme ils viennent de le faire pendant quatre jours en Commission des finances ? Comment éviter que ne se répètent les alliances ponctuelles qui ont permis, amendement après amendement, de quitter les rivages de l’austérité pour ceux de la justice fiscale ?

Certes, au moment de voter le texte amendé, les députés du bloc central, de la droite et de l’extrême droite se sont retrouvés pour repousser le fruit du travail de la commission alors même qu’ils avaient voté certains amendements.

Quoi qu’il en soit, le gouvernement a senti le vent du boulet. Le socle qui est censé le soutenir s’effrite. Du coup, dans le Journal du dimanche, Michel Barnier a lancé cet avertissement : “En cas de blocage parlementaire, retarder l’adoption du budget pourrait paralyser l’action publique, compromettre la gestion des finances de l’État et mettre en danger la crédibilité financière de la France. Le 49-3 permet ainsi d’éviter un blocage.”

Le parlement dispose de 70 jours pour se prononcer sur le budget. Dont 40 pour la seule Assemblée nationale. Dans quel état de décrépitude sera alors le gouvernement ? Pourra-t-il recourir à l’article 49-3 sans essuyer en retour une motion de censure ? La réponse à cette question dépend de la pédagogie que chacun des camps sera capable de déployer.

Un autre monde est possible

Pour la gauche, il s’agit de faire la démonstration, chiffres à l’appui, qu’une autre politique est possible. Et que cette politique rencontre un soutien au-delà des frontières du Nouveau Front Populaire.

Ce Parlement, durant ces 4 journées de débat, a dit extrêmement clairement deux choses : d’abord, qu’il était inacceptable de redresser les comptes publics sur le dos des classes populaires et des classes moyennes en rejetant l’ensemble des mesures qui les frappaient. Qu’il était de même inacceptable de redresser les comptes publics sur le dos du service public communal, départemental et régional, ce patrimoine de ceux qui n’en ont pas.

Le redressement des comptes, s’il devait avoir lieu, devait se faire en mettant à contribution les plus aisés, avec des multiples dispositions que nous avons adoptées de manière très large pour taxer le monde financier, pour mettre à contribution les plus grandes entreprises et pour rétablir un maximum de justice fiscale dans ce pays.

Philippe Brun, député PS, le 19/10/2024

Pour les macronistes et la droite, il faut effrayer l’opinion. Stratégie dont un aperçu a été donné samedi.

Depuis trois jours, cette Commission s’est transformée en véritable carnaval fiscal, avec des impôts et des taxes votés dans tous les sens. Cette boucherie fiscale ferait immédiatement basculer l’économie française dans la récession et dans la crise.

Cette première partie a été élaborée sans que personne ne propose ou n’assume une vision d’ensemble pour notre pays et notre économie. Il est résultat d’alliances de circonstances, amendement par amendement, sans cohérence économique, quelle qu’elle soit d’ailleurs. En quelque sorte, c’est un peu un “budget Frankenstein”.

David Amiel, député EPR, le 19/10/2024

Le choc des deux mondes

Deux mondes vont s’affronter dans l’hémicycle. Celui du capital et celui du travail. Loin d’être un débat de techniciens, la discussion budgétaire reste le moment le plus politique de la vie parlementaire. Quatre mesures devraient cristalliser les clivages. D’abord la mise à contribution des hauts revenus, c’est-à-dire ceux qui gagnent plus de 250 000 euros pour un célibataire et 500 000 euros pour un couple. La copie du gouvernement prévoit de leur appliquer un taux moyen minimum de 20 %. Et cela pendant trois ans.

En commission, le MoDem et le NFP étaient tombés d’accord pour pérenniser la disposition. Vont-ils à nouveau se rejoindre dans ce combat ? Deuxième abcès, la hausse de l’imposition des sociétés qui réalisent un chiffre d’affaires supérieur à un milliard d’euros. Les macronistes ne veulent pas en entendre parler tandis que la gauche veut aller plus loin que le Premier ministre.

La troisième crispation va concerner la hausse de la taxe sur l’électricité. Là, les choses sont simples : aucun groupe n’en veut. Enfin le quatrième affrontement se déroulera sur le terrain des retraites. On le sait, le gouvernement a décidé de reporter de six mois la réindexation des pensions. La gauche est contre, bien sûr. Mais elle veut obtenir en plus l’abrogation du départ à 64 ans. Elle devrait déposer un amendement en ce sens dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale.

Si le calendrier parlementaire est respecté, la discussion de cet amendement – sous réserve qu’il soit jugé recevable, ce qui n’est pas gagné – pourrait intervenir avant la niche parlementaire du Rassemblement national du 31 octobre. Ce qui arrangerait bien les affaires du NFP. Car le groupe de Marine Le Pen a inscrit à l’ordre du jour du 31 une proposition de loi abrogeant la réforme des retraites. L’amendement du NFP permettrait de lui couper l’herbe sous le pied.

Alerte rouge à Matignon

À Matignon, on commence à s’alarmer. Le ministre du budget, Laurent Saint-Martin, a lâché un peu de lest.

Il nous faut arriver à 60 milliards d’effort budgétaire sur l’année 2025. Ces 60 milliards peuvent prendre une composition différente de celle que le gouvernement propose.

Laurent Saint-Martin, ministre du Budget des Comptes publics, le 21/10/2024

En gros, nous dit le ministre, vous n’avez qu’à déshabiller Pierre pour habiller Paul. Sacrée concession que voilà. Alors, quelle stratégie va retenir l’exécutif ? Première hypothèse : il parie sur le rejet du budget par les députés à l’issue des débats. Auquel cas c’est la version initiale du projet de loi de finances qui est transmis au Sénat. C’est ce que Charles de Courson a rappelé à ses collègues de la Commission des finances.

Il y aura une majorité dans tous les cas contre ce texte. Ça n’empêchera pas le texte d’arriver en séance. Mais si en séance on vote contre la première partie, on ne peut pas attaquer la deuxième partie et le texte sera transmis au Sénat dans son état initial. J’insiste là-dessus.

Après, le Sénat, traditionnellement, vote toujours un budget. Je me permets de vous dire cela parce que ça veut dire que de toute façon le gouvernement aura le choix de ne rien faire, voilà, et il transmettra dans l’état initial. Ça veut dire que l’Assemblée nationale, qui a le pouvoir de la souveraineté, ne pourra pas influencer ce texte.

Charles de Courson, député LIOT et rapporteur général de la Commission des finances de l’Assemblée nationale, le 19/10/2024

Différentes hypothèses possibles pour le cheminement du budget

Est-il besoin de le rappeler, Les Républicains ont la majorité au Sénat. C’est donc sur un texte modifié à la marge que seraient appelés à se prononcer les 7 sénateurs et les 7 députés qui composent la Commission mixte paritaire. Le gouvernement peut raisonnablement espérer conserver l’essentiel des dispositions prévues dans le projet de loi de finances.

Deuxième hypothèse : Michel Barnier dégaine l’article 49-3. La gauche déposera, bien sûr, une motion de censure. Tout dépendra alors du Rassemblement national. S’il ne vote pas la censure, le parti de Marine Le Pen et Jordan Bardella apparaîtra une nouvelle fois comme la béquille du gouvernement. Au risque de mécontenter ses électeurs. Mais s’il joint ses voix à celles de la gauche, il prend un autre risque. Celui d’être considéré comme l’un des artisans du chaos institutionnel qui s’ouvrirait. De deux maux, il faut savoir choisir le moindre. La difficulté étant de l’identifier.

Troisième cas de figure : le gouvernement joue la montre. En effet, si au bout de 70 jours le Parlement n’a ni adopté, ni rejeté le budget, l’exécutif peut recourir à des ordonnances en vertu de l’article 47 de la Constitution. Signalons que ces ordonnances n’ont pas à être autorisées ni ratifiées par le Parlement, contrairement aux ordonnances classiques.

Le chef de l’État a donc les coudées franches pour faire passer son budget. Et personne ne doute qu’il s’en donnerait à cœur joie si ce scénario constitutionnel venait à se mettre en place.

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