Les macronistes agitent l’épouvantail Poutine

Gabriel Attal en meeting à Lille le 10/03/2024

Une oratrice est née. Valérie Hayer. Après l’époustouflante Nathalie Loiseau qui a préféré rester dans son nid, Renaissance a choisi une parfaite inconnue pour porter ses couleurs au Parlement européen. Il est vrai que personne ne s’est bousculé au portillon pour prendre la tête de la liste du bloc présidentiel. Diplômée en droit public, experte en finances auprès des collectivités locales, Valérie Hayer est fille et petite-fille d’agriculteurs. Un atout par les temps qui courent… À Lille, ce dimanche, elle tenait son premier meeting. Et pour un coup d’essai, ce fut un coup d’éclat.

Hier, Daladier, Chamberlain, aujourd’hui, Le Pen et Orban. Les mêmes mots, les mêmes arguments, les mêmes débats. Nous sommes à Munich en 1938. Hier, les somnambules, ceux qui ne veulent pas voir, par confort ou par calcul, aujourd’hui Le Pen et Orban, il est minuit moins une.

Valérie Hayer le 10/03/2024

Minuit moins une

Pour bien saisir l’outrance sinon l’ineptie de ce parallèle historique, rappelons de quoi il s’agit. En septembre 1938, le président du conseil Édouard Daladier et le Premier ministre anglais Neville Chamberlain se rendent à Munich pour participer à une conférence avec Adolf Hitler et Benito Mussolini. Hitler exige que la région tchécoslovaque des Sudètes, à majorité allemande, passe sous le contrôle du Reich. Daladier et Chamberlain cèdent. La Grande-Bretagne préfère jouer la carte de l’apaisement plutôt que d’entrer en guerre. Et sans le soutien de cet allié, la France ne fait pas le poids. D’autant que l’opinion publique nationale est hostile à un conflit.

Acclamé à son retour, Daladier aurait lâché un “ah les cons !” en parlant de ceux qui l’applaudissaient. Voilà pour la référence. Dès lors, comparer Marine Le Pen au radical-socialiste Édouard Daladier est particulièrement cavalier. D’abord, parce que parmi les fondateurs du Front national, il n’y avait aucun radical-socialiste, mais quelques hitlériens en revanche. Ensuite, parce que Daladier tentera de rejoindre la France libre avant d’être arrêté par les autorités de Vichy puis interné par les Allemands de 1943 à 1945. Sur le fond, il faut être cohérent. Si Poutine est le nouveau Hitler, s’il est minuit moins une comme l’affirme crânement la candidate, alors il faut immédiatement vitrifier la Russie.

Car Valérie Hayer est catégorique : Ce qui se joue en Ukraine est bien plus qu’une simple guerre territoriale. Qui pourrait croire que s’ils l’emportaient les troupes de Poutine s’arrêteraient là ? Le problème c’est que personne n’en sait rien. En revanche, la difficulté des Russes à progresser depuis deux ans malgré l’engagement de forces considérables laisse à penser qu’ils ne sont pas près d’attaquer les pays baltes ou la Finlande, si là était bien leur intention. Il y a, dit-on, pléthore de rapports alarmistes sur la situation militaire.

On nous permettra de conserver une certaine prudence. Le 19 mars 2003, Georges Bush fils lançait les troupes américaines à l’assaut de l’Irak. Dans les mois précédant l’invasion, Dick Cheney, le vice-président américain, Colin Powell, le secrétaire d’État américain et la CIA avaient affirmé que Saddam Hussein fabriquait des armes de destruction massive. On sait aujourd’hui qu’il s’agissait d’un bobard pour justifier l’intervention américaine. Pour Fabien Roussel, Emmanuel Macron marche dans les pas de Georges Bush.

J’ai le sentiment qu’il se prend pour le chef d’État américain Bush en 2003 dans son offensive contre l’Ukraine, et je le dis : nous n’avons pas besoin en France d’un Bush. Nous n’avons pas besoin en France d’un chef militaire. Nous avons besoin d’une coalition pour la paix.

Fabien Roussel le 10/03/2024

Isoler le Rassemblement national

Mardi, les députés débattront de l’accord de sécurité franco-ukrainien et de la situation en Ukraine. Débat suivi d’un vote qui n’engagera pas le gouvernement ou le chef de l’État. D’autant que le traité a déjà été signé par Emmanuel Macron. Une nouvelle fois, l’exécutif fait grand cas du Parlement. Avec le meeting de Lille, puis le débat à l’Assemblée, l’Élysée espère installer une nouvelle ligne de partage dans la campagne des élections européennes. Car il y a le feu. Le scrutin menace de tourner au référendum sur Emmanuel Macron. Le bloc présidentiel ne cesse de reculer dans les sondages alors même que la campagne n’a pas vraiment démarré.

Selon la troisième vague du sondage Ipsos réalisée pour Le Monde, le Cevipof, la Fondation Jean Jaurès et l’Institut Montaigne, 13 points séparent aujourd’hui le Rassemblement national de Renaissance et ses alliés. En juin 2023, l’écart était à peine de quatre points. En séparant ceux qui soutiendraient peu ou prou Poutine des partisans d’une intervention directe de la France, y compris par l’envoi de troupes au sol, Emmanuel Macron espère isoler le Rassemblement national. Voilà pourquoi le camp macroniste matraque le parti d’extrême droite. À commencer par Gabriel Attal, qui affirmait pourtant, il y a quelques semaines, que le parti de Marine Le Pen faisait partie de l’arc républicain.

Ils nous disent : “La France revient”. Mais de quel droit parlent-ils au nom de la France ? Ce sont eux qui ont quitté la France. Où étaient-ils partis ? Au bal de Vienne, à danser avec des néonazis ? Dans un congrès identitaire à chanter les antisémites ? A Moscou pour chercher l’approbation de Vladimir Poutine ? Sur un tabouret du Starbucks de la Trump Tower pour négocier un selfie avec Donald Trump, qu’elle n’aura jamais réussi finalement à avoir ? Ils nous disent : “L’Europe revit”. Et de quel droit parlent-ils de l’Europe ? Quelle Europe ont-ils défendu ? Ne tombez pas dans le piège. Ne tombez pas dans le piège, parce que si les mots ont changé, la réalité reste la même : ils ont toujours dit non à l’Europe. La seule différence maintenant c’est qu’ils le cachent un peu et que le “non” s’est transformé en “niet”.

Gabriel Attal le 10/03/2024

Pour ceux qui ne s’en seraient pas encore aperçus, la bataille de 2027 vient de commencer.

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