Heureusement qu’il y a le Rassemblement national. Sinon, l’on se demande bien sur quel thème, quelle vision, le bloc présidentiel ferait campagne. La sortie de Gabriel Attal, mardi dernier, lors des questions au gouvernement, était à cet égard symptomatique. Les partisans de Marine Le Pen se sont vus assimilés aux « troupes de Poutine ».
Le parti de l’étranger
Comparaison caricaturale qui réduit le RN à la figure du parti de l’étranger et qui présente l’avantage d’exonérer l’exécutif de toute responsabilité dans la progression du mouvement d’extrême droite.
Auparavant, il y avait eu l’interview du président dans l’Humanité où celui-ci, désavouant son Premier ministre, avait exclu le RN et Reconquête de l’arc républicain. Ou bien, encore, la panthéonisation de Missak Manouchian et ses camarades, prétexte – légitime – à une dénonciation en règle de l’extrême droite.
La même stratégie qu’en 2019
Cette stratégie n’est pas nouvelle. C’était déjà celle utilisée par les macronistes lors des élections européennes de 2019. L’idée était alors de ratisser large en attirant des électeurs davantage antilepénistes que macronistes.
Emmanuel Macron veut donc réinstaller le tête-à-tête entre lui et Marine Le Pen. Mais les temps ont changé. D’abord, au terme de son second mandat, le président ne pourra se représenter. Ensuite, il est comptable des sept années qui viennent de s’écouler.
Macron, l’homme du passif
En 2019, l’opinion pouvait encore lui faire crédit. Même si le mouvement des Gilets jaunes avait dissipé une bonne part des illusions sur la réalité du pouvoir. Mais aujourd’hui, Emmanuel Macron est l’homme du passif – pour reprendre la formule lancée par François Mitterrand à Valéry Giscard d’Estaing lors d’un débat resté fameux.
Difficile d’incarner, dans ces conditions, un quelconque rempart contre l’extrême droite.
Le vote RN devient le vote utile
Surtout, la démarche est contradictoire. En ciblant le seul Rassemblement national, Emmanuel Macron crédibilise l’hypothèse de la victoire de ce parti. Le vote RN devient ainsi le vote utile de tous les adversaires du bloc présidentiel. D’autant que l’opposition de gauche, désunie, ne constitue plus une alternative.
À force de crier au loup, Emmanuel Macron l’installe donc dans la bergerie.
Faut-il ne plus parler du RN ?
Est-ce à dire qu’il faudrait se taire ? Certainement pas. Mais le Rassemblement national ne se combat pas avec des dénonciations ou des postures. Ce sont des préoccupations concrètes qui conduisent les électeurs à regarder en direction du RN : la baisse du pouvoir d’achat, la destruction des services publics, la sécurité… Toutes choses dont Emmanuel Macron est justement responsable.
La gauche cherche sa relève
À gauche, quelques-uns semblent avoir compris cette équation. François Ruffin, par exemple. Mais aussi, ceux qui, au sein de la défunte NUPES, cherchent une relève. Il ne leur reste que trois ans pour convaincre…
Serge Faubert
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