L’embarrassant monsieur Retailleau

Bruno Retailleau poursuit sa campagne de communication. Ce vendredi, à Versailles, il a détaillé le contenu de la circulaire sur la régularisation des sans-papiers qu’il vient d’adresser aux préfets. Celle-ci prend le relais de la circulaire de Manuel Valls en 2012.

Dorénavant un étranger qui demandera à bénéficier de l’Admission exceptionnelle au séjour (AES) devra attester d’un séjour de 7 ans sur le territoire national contre 3 ou 5 ans jusqu’ici. Il devra, en outre, présenter des garanties d’insertion sociale et familiale, de respect de l’ordre public, d’adhésion aux principes de la République et faire preuve d’une maîtrise suffisante de la langue française.

Dans l’esprit du ministre de l’Intérieur, il s’agit de réaffirmer le caractère exceptionnel des régularisations. En 2023, 34 724 personnes ont été régularisées au titre de la circulaire Valls. Dont 11 525 sur des critères liés à une activité professionnelle.

Une circulaire contre-productive

C’est sur ce dernier point que la circulaire Retailleau est contre-productive. Le secteur de la restauration, avec le bâtiment, est un des principaux employeurs de sans-papiers. Parmi ces derniers, nombreux sont ceux qui pouvaient prétendre à la délivrance d’un titre de séjour. En rallongeant le délai de présence sur le sol français, Bruno Retailleau fabrique des clandestins. Et pérennise, en quelque sorte, une zone grise dans laquelle le droit du travail s’applique peu, voire pas du tout.

Ni la législation, ni la sécurité, ni la santé n’y trouveront leur compte. Les étrangers seront encore plus vulnérables. Passeurs et exploiteurs continueront de faire leur profit de cette main-d’œuvre sans droits. Alors même que les employeurs réclament la régularisation de ces collaborateurs invisibles.

Pas d’effet dissuasif

L’effet dissuasif de la nouvelle circulaire reste à démontrer. Croit-on que ceux qui franchissent la Méditerranée au péril de leur vie renonceront à la promesse européenne, parce que celle-ci durcit ses règles ? Le bilan des 30 dernières années démontre le contraire.

Bruno Retailleau affirme répondre aux attentes d’un électorat populaire de gauche par opposition aux bobos des centres-villes. Que cette demande existe, c’est un fait. Qu’elle voit dans l’action du ministre de l’Intérieur la réponse à ses attentes reste à démontrer. En réalité, l’ancien villiériste braconne sur les terres de l’extrême droite dans l’espoir, demain, de jouer un rôle national. Il n’est pas certain que le signal envoyé soit récompensé par ses destinataires. En son temps, Nicolas Sarkozy espérait lui aussi siphonner les voix du Rassemblement national. On connaît la suite.

Retailleau devient un obstacle

En revanche, cette singularité réactionnaire devient un obstacle pour François Bayrou. Comment bâtir un compromis avec les socialistes quand le gouvernement compte pareil repoussoir ? Déjà le PS réclame le retrait de la circulaire. Si elle est maintenue, le groupe socialiste ne pourra faire autrement que voter la censure. Olivier Faure en tête.

Et dans le camp macroniste, on donne de la voix. Le député Roland Lescure vice-président de l’Assemblée nationale estime que la circulaire Retailleau « va trop loin ». François Bayrou va devoir se montrer bon tacticien s’il veut éviter d’être sanctionné par les députés.

Serge Faubert

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