Le Parti socialiste renonce à censurer le gouvernement et le Rassemblement national fait mijoter tout le monde

Arthur Delaporte, député Socialistes et apparentés, le 03/02/2025 ©PurePolitique

Qui a dit que le Premier ministre était pingre ? En une seule après-midi, il s’est fendu de deux recours à l’article 49-3.

Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, j’ai l’honneur d’engager en vertu de l’article 49 alinéa 3 de la Constitution la responsabilité du gouvernement sur le texte de la commission mixte paritaire.

Sur le fondement de l’article 49 alinéa 3 de la Constitution j’engage la responsabilité du gouvernement sur l’article liminaire et la première partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

François Bayrou, Premier ministre, le 03/02/2025

La brèche est ouverte

Dans les jours qui viennent, il devrait encore employer l’article magique à plusieurs reprises. Le calendrier parlementaire est en effet assez embouteillé. Il y a le budget et le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Qui se subdivise en recettes et dépenses. Autant d’occasions de censurer le gouvernement, puisque toutes les oppositions estiment que ces lois de finance sont mauvaises. Pourtant, le bureau national du Parti socialiste a décidé de ne pas renverser le gouvernement.

Aujourd’hui nous recevons chacun dans nos boîtes mails plus de 100 mails par jour de présidents d’associations, de présidents d’agglomérations, de collectivités qui nous disent : “Malheureusement, un certain nombre de nos projets sont mis en suspens et un certain nombre d’emplois également sont mis en difficulté” car ils dépendaient de mesures qui étaient des mesures dérogatoires qui allaient jusqu’au 31 décembre et qui ont vocation à être reconduites.

Ce qu’ils nous demandent aujourd’hui c’est non pas de cautionner ce gouvernement que nous ne cautionnons pas, nous avons dit que nous sommes contre ce budget, nous avons voté contre ce budget en CMP, mais c’est de leur donner la possibilité de commencer un certain nombre d’actions. Et nous avons conscience, et je peux vous dire que l’aigreur qui monte en chacun d’entre nous.

En tout cas nous devons être responsables pour ce gouvernement qui n’a pas fait le choix, en effet, d’aller pour l’heure négocier avec l’extrême droite et qui a décidé de commencer les négociations avec nous mais qui n’a pas été à la hauteur de ce que pourrait être la justice fiscale, la justice économique et la justice sociale en France.

Béatrice Bellay, députée Socialistes et apparentés, le 03/02/2025

Si on comprend bien, le groupe socialiste entend récompenser François Bayrou de ne pas avoir pactisé avec le Rassemblement national. En échange de quoi, il a obtenu des clopinettes.

Les quelques concessions qui ont été soit disantes accordées par François Bayrou a une partie de ses opposants, et soyons clairs aux socialistes pour éviter la censure, ce n’est rien par rapport, j’allais dire, à la baisse des budgets des ministères qui les concernent.

Par exemple, on nous dit “on va sauver l’agence bio”, c’est 2,9 millions, mais d’un autre côté on ampute le ministère de l’écologie de plus d’un milliard par rapport à Michel Barnier et le ministère de l’agriculture de plus de 300 millions d’euros. On nous dit “on va faire en sorte de sauver deux jours de carence”, soit, mais d’un autre côté on indemnise moins tous les fonctionnaires qui seront en arrêt maladie. On nous dit que l’on va permettre de préserver 4 000 postes d’enseignants, c’est 50 millions d’euros, mais d’un autre côté on baisse le budget de l’Education nationale de 225 millions d’euros par rapport à Michel Barnier.

Et pour faire passer tout ça, pour faire passer un très mauvais budget, François Bayrou a recommencé aujourd’hui sur l’idée de dire “il faut absolument un budget à ce pays”. Alors nous le redisons de manière très claire : il y a un budget qui fonctionne aujourd’hui, ça s’appelle la loi spéciale. Ce budget consiste à appliquer le budget de 2024 en 2025.

Éric Coquerel, député LFI et président de la Commission des finances de l’Assemblée nationale, le 03/02/2025

Le Parti socialiste a obtenu des clopinettes

Mais le Parti socialiste n’a pas perdu son âme, qu’on se rassure. Car il va se montrer très très méchant avec François Bayrou. Si, si…

On a un budget qui ne comporte pas de concessions réelles à la gauche et on a surtout à côté de ça un Premier ministre qui la semaine dernière a multiplié les déclarations qui nous posent problème, sur l’immigration il a parlé de “submersion”, il a fait des clins d’œil au Rassemblement national, il est sorti d’une certaine manière de la logique même du front républicain qui nous avait conduit à ouvrir cette négociation avec lui.

Donc la décision qu’on a prise dans les instances du Parti socialiste, c’est de ne pas empêcher la France d’avoir un budget, là dans l’immédiat, mais derrière très rapidement de déposer une motion de censure pour censurer et essayer de faire tomber ce gouvernement.

Laurent Baumel, député Socialistes et apparentés, le 03/02/2025

Une motion “pour de faux” comme disent les enfants. Même un lapin nain de trois semaines comprend que le Rassemblement national ne votera jamais un texte reprochant au Premier ministre d’avoir employé l’expression de submersion migratoire. D’ailleurs cet alibi grotesque fait rigoler le Rassemblement national.

On ne va pas participer à ce cirque. Le Parti socialiste est piteux. Il est piteux parce qu’il a vendu son âme. Alors il se dit que comme il ne va pas voter cette motion de censure, il va en créer une autre un peu fantaisiste qui n’a aucun rapport avec le budget tout simplement pour exister.

On ne va pas rentrer dans ce jeu, premier parti de France on se doit d’être sérieux. On va réfléchir au fait de savoir si on vote la censure ou pas sur le budget. Pour le reste, on va laisser les socialistes s’amuser entre eux mais on ne va pas prendre part à ce type de récréation.

Laurent Jacobelli, député RN, le 03/02/2025

Du côté de la France insoumise, on appelle les socialistes à l’insoumission. Tout arrive.

Puisque ce budget est imposé par 49-3, la seule manière de manifester le fait qu’on est dans l’opposition à cette politique, c’est de voter la censure. Donc toutes celles et ceux qui ne voteront pas la censure, à commencer, vous en parlez, par certains députés socialistes, se placeraient dans le soutien à Emmanuel Macron.

Mais je veux aussi lancer un appel, une alerte, à tous les socialistes sincères : il est temps de rompre les rangs, de voter la censure et de ne pas obéir aux ordres de l’alliance François Hollande – Emmanuel Macron.

Aurélien Lecoq, député LFI, le 03/02/2025

Crosses en l’air camarades ! Du côté macroniste, on se prend déjà à rêver. Et si l’idylle se prolongeait…

C’est plutôt un encouragement à continuer ce qui a été commencé par François Bayrou et par un certain nombre d’hommes et femmes politiques de ce pays. Mettre en place les conditions d’un dialogue, la possibilité d’aller chercher les compromis et la possibilité, justement, de trouver ces compromis.

Erwan Balanant, député MoDem, le 03/02/2025

Le Rassemblement national dans l’incertitude

Le RN s’est donné jusqu’à mercredi pour définir sa position. Philippe Ballard ne cache pas l’embarras de son mouvement. François Bayrou a été assez malin pour gommer les aspérités du budget.

Il a présenté une sorte de budget. En fait, il n’y a pas un chiffon rouge extraordinaire comme il pouvait y avoir les retraites dans le budget de monsieur Barnier. Maintenant, on va voir.

Philippe Ballard, député RN, le 03/02/2025

Résumons. Le PS refuse de voter la censure pour éviter le chaos et ses partenaires du Nouveau Front Populaire vont faire l’inverse pour éviter l’austérité. Mais les premiers pourraient vite déchanter comme le souligne Alexis Corbière.

Quiconque brutalise le Parlement par un 49-3 mérite une censure. Déjà. Quand on est attaché au parlementarisme, on ne peut pas accepter. Deuxièmement. Ce texte, ce budget, qui est issu de la commission mixte paritaire est un budget qui est en recul du point de vue des critères qui nous avaient déjà amenés à voter la censure la dernière fois. Il approfondit encore les coupes budgétaires dans des budgets fondamentaux : l’Éducation nationale, le ministère du Travail… on pourrait continuer comme ça la liste.

Il n’y a aucun argument me semble-t-il, à mes yeux, qui doit nous amener à dire “bon bah cette fois-ci on le laisse passer”. Alors j’entends, mes amis socialistes disent : “Oui mais les gens veulent la stabilité”. Oui, bien sûr, personne ne veut le chaos, personne ne veut le désordre. Mais c’est un budget de désordre, dans le sens où il va continuer à approfondir les difficultés du pays.

Alexis Corbière, député Écologiste et social, le 03/02/2025

Le Nouveau Front Populaire en assistance respiratoire

Faut-il célébrer les funérailles du Nouveau Front Populaire ? “C’est prématuré” répondent les écologistes.

On est sur un moment qui est un moment de division. Il ne faut pas le cacher, il ne faut pas le nier. Moi je ne crois pas que cela doit durablement fracturer le Nouveau Front Populaire. Les socialistes l’ont dit, ils sont dans l’opposition.

Nous avons un désaccord sur la stratégie avec laquelle on est dans l’opposition. Mais le Nouveau Front Populaire est indispensable si on veut construire une alternative demain à Emmanuel Macron et à Marine Le Pen.

Benjamin Lucas, député Écologiste et sociale, le 03/02/2025

Et pour la grande majorité des socialistes, il n’y a pas de salut hors du Nouveau Front Populaire.

Ce n’est pas parce qu’on excommunie les uns ou les autres qu’on s’en sortira et que la gauche gagnera. Moi je considère qu’aujourd’hui, et plus que jamais, la gauche doit savoir s’unir notamment pour faire face à la montée de l’extrême droite et que ce que nous avons pu faire en juin dernier nous devrons continuer à la faire demain parce que sinon nous resterons condamnés à une opposition stérile.

Arthur Delaporte, député Socialistes et apparentés, le 03/02/2025

Pas sûr que cette évidence soit la chose la mieux partagée, en ce moment, à gauche.

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